Darfour. De nouvelles armes provenant de Chine et de Russie alimentent le conflit

Les ventes au Soudan mettent en évidence la nécessité d’un traité efficace sur le commerce des armes. Les ventes d’armes provenant de Chine et de Russie alimentent de graves violations des droits humains au Darfour, a déclaré Amnesty International jeudi 9 février. Ces transferts montrent combien il est urgent de renforcer l’embargo existant des Nations unies sur les armes, actuellement sans portée réelle, et que les États adoptent un traité efficace sur le commerce des armes. Un rapport intitulé Sudan: No end to the conflict in Darfur révèle que la Chine, la Russie et le Bélarus continuent de fournir des armes et des munitions au Soudan malgré les preuves incontestables montrant que ce matériel sera utilisé contre des civils au Darfour. Parmi les exportations concernées figurent d’importantes quantités de munitions, des hélicoptères et des avions de combat, des roquettes air-sol et des véhicules blindés. Selon certaines estimations, environ 70 000 personnes vivant dans l’est du Darfour ont été déplacées en 2011 au cours d’une vague d’attaques visant l’ethnie zaghawa menées par les forces gouvernementales soudanaises et les milices. « La Chine et la Russie vendent des armes au gouvernement du Soudan en sachant très bien que beaucoup sont susceptibles d’être utilisées pour commettre des violations des droits humains au Darfour, a souligné Brian Wood, spécialiste des questions militaires et liées au maintien de l’ordre pour Amnesty International. « Le conflit au Darfour est pérennisé par la circulation permanente d’armes provenant de l’étranger. Pour contribuer à empêcher que de nouvelles graves violations des droits humains ne soient commises, tous les transferts internationaux d’armement au Soudan doivent être immédiatement suspendus et l’embargo des Nations unies sur les armes doit être étendu à l’ensemble du pays. » La semaine prochaine, au siège de l’ONU à New York, le Conseil de sécurité examinera à nouveau les sanctions existantes à l’encontre du Soudan. Les États reprendront également les négociations cruciales concernant un futur traité sur le commerce des armes. Un traité efficace obligerait les gouvernements à cesser les transferts à destination de pays où il existe un risque important que les armes soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations des droits humains ou des crimes de guerre. « Tant que les États n’auront pas adopté un traité efficace sur le commerces des armes contenant des règles spécifiques pour respecter les droits humains, les embargos des Nations unies sur les armes continueront d’être foulés au pied et des millions de personnes continueront de subir les conséquences des transferts d’armes irresponsables, comme au Darfour », a ajouté Brian Wood. Les armes fournies au gouvernement du Soudan sont utilisées au Darfour à la fois directement par les forces armées soudanaises et par les milices soutenues par le gouvernement, parmi lesquelles les Forces de défense populaire (FDP). Les FDP, officiellement commandées et équipées par les forces armées soudanaises, interviennent à leurs côtés, y compris en étant déployées à bord de véhicules de l’armée. Des munitions d’armes légères fabriquées en Chine sont actuellement utilisées au Darfour par les forces armées soudanaises, d’autres services de sécurité soudanais et des milices soutenues par l’armée. Lors d’une attaque qui a eu lieu le 1er décembre 2011 dans le camp pour personnes déplacées de Zam Zam, les forces de sécurité soudanaises se sont livrées à un pillage au cours duquel un homme a été abattu et six autres personnes grièvement blessées. Des témoins disent avoir trouvé à la suite de cette attaque des munitions portant les codes de fabrication chinois « 41 » et « 71 » et les dates de fabrication (20)06 et (20)08 indiquant qu’elles ont été transférées au Darfour après la mise en place de l’embargo sur les armes. Amnesty International a découvert que des munitions fabriquées en 2010 portant des codes de fabrication chinois avaient également été observées au Kordofan méridional en 2011. Lors des combats qui se sont déroulés dans l’est du Darfour l’année passée, de nombreuses attaques aériennes visant des cibles militaires et civiles ont été menées avec des avions d’attaque au sol Sukhoi-25, des hélicoptères de combat Mi-24, ainsi que des avions de transport Antonov utilisés comme bombardiers rudimentaires mais efficaces. Amnesty International a constaté que le Soudan avait reçu 36 nouveaux hélicoptères Mi-24 entre 2007 et 2009. Le remplacement continu des Mi-24 par la Fédération de Russie permet la poursuite des attaques au Darfour. Une photographie prise à l’aéroport de Saint-Pétersbourg (Russie) en mai 2011 montre un nouvel appareil Mi-24P peint aux couleurs des forces armées soudanaises vraisemblablement en attente d’être exporté au Soudan. Amnesty International a obtenu des preuves de l’utilisation de roquettes air-sol dans plusieurs attaques aériennes menées en 2011 par les forces armées soudanaises, tant au Darfour qu’ailleurs au Soudan. Ces roquettes ont été fabriquées dans un certain nombre de pays de l’ex-Union soviétique et correspondent aux armes équipant les hélicoptères Mi-24 et les avions Sukhoi-25. Le Soudan continue par ailleurs d’importer un nombre considérable de véhicules blindés provenant du Bélarus et de la Russie. Amnesty International a recueilli des informations montrant que des véhicules blindés BTR-80A et des lance-roquettes multiples montés sur des véhicules Land Cruiser ont été utilisés lors d’opérations menées par les forces armées soudanaises et d’opérations conjointes entre celles-ci et les FDP au premier semestre 2011. Notes aux rédacteurs : Des experts d’Amnesty International sont disponibles pour des interviews depuis Hong Kong, Johannesburg, Londres et New York. Pour obtenir un exemplaire du rapport, des photos des armes découvertes dans l’est du Darfour ou organiser une interview, veuillez entrer en contact avec : Service de presse d’Amnesty international Service de presse d’Amnesty International +44 207 413 55 66 [email protected] @amnestypressAmnesty International appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre les mesures suivantes :

Étendre immédiatement l’embargo actuel sur les armes à l’ensemble du Soudan pour que le matériel militaire et connexe cesse de parvenir à toutes les parties au conflit au Darfour. Cet embargo doit continuer d’être suivi par un groupe d’experts des Nations unies doté de moyens suffisants qui présente régulièrement des comptes rendus au Comité des sanctions du Conseil de sécurité. Le groupe d’experts doit procéder à des enquêtes au niveau international et surveiller régulièrement les principaux points d’entrée au Soudan pour veiller au respect de l’embargo. Exiger que le gouvernement du Soudan respecte l’embargo sur les armes à destination du Darfour, notamment en cessant toute activité militaire aérienne à caractère offensif et en demandant l’autorisation préalable du Comité des sanctions du Conseil de sécurité pour acheminer des équipements et du matériel militaires au Darfour.

Amnesty International engage en outre les États à adopter un traité efficace sur le commerce des armes qui comporte :

des paramètres exigeants en matière de droits humains pour empêcher le transfert d’armes classiques lorsqu’il existe un risque important que ces armes soient utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains ; un champ d’application englobant l’ensemble des armes, des munitions, des armements et des autres équipements utilisés dans le cadre des opérations militaires et de maintien de l’ordre ; et des normes vigoureuses pour la mise en œuvre et le contrôle de l’application du traité, relatives notamment aux systèmes nationaux d’octroi d’autorisations et de licences.