La Russie abandonne les poursuites pour diffamation contre un défenseur des droits humains de premier plan

L’abandon vendredi 20 janvier des poursuites contre le directeur d’une organisation russe de défense des droits humains de renom est une victoire pour les droits fondamentaux, a déclaré Amnesty International . Oleg Orlov, responsable du centre russe des droits humains Mémorial, avait été inculpé de diffamation le 6 juillet 2010 après avoir publiquement accusé Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, de porter la responsabilité politique du meurtre un an auparavant de Natalia Estemirova, membre elle aussi de Mémorial. La décision du tribunal de l’arrondissement de Khamovniki, à Moscou, de clore l’affaire résulte d’une modification bienvenue apportée à la législation russe le mois dernier, en vertu de laquelle la diffamation ne constitue plus une infraction pénale. « La dépénalisation de la diffamation met enfin le droit russe en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains qui garantissent la liberté d’expression », a déclaré John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. À l’époque où ces poursuites ont été engagées contre Oleg Orlov, la diffamation était passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Amnesty International a demandé à plusieurs reprises aux autorités russes d’abandonner les charges retenues contre lui et souligné qu’il ne devait pas être poursuivi au pénal pour avoir publiquement exprimé son opinion. Lorsque son amie et collègue Natalia Estemirova a été enlevée et tuée en Tchétchénie en juillet 2009, Oleg Orlov a ouvertement accusé Ramzan Kadyrov, nommé par le Kremlin à la tête de la Tchétchénie, d’avoir créé un environnement hostile aux défenseurs des droits humains de cette république. Les déclarations faites par des témoins de la défense devant le tribunal ont montré que Ramzan Kadyrov considérait Natalia Estemirova comme une ennemie personnelle, et qu’il l’avait publiquement menacée à plusieurs reprises. « Nous ne savons pas s’il a lui-même donné l’ordre de la tuer ou si ses collaborateurs l’ont fait pour faire plaisir à leur chef », avait déclaré Oleg Orlov à l’époque. Ses propos avaient été rendus publics sur le site web de Mémorial, puis largement repris dans les médias russes et étrangers. Ramzan Kadyrov avait alors engagé une action au civil pour diffamation à l’encontre de Mémorial et de son responsable, et intenté une action au pénal contre Oleg Orlov. Lors des audiences, Oleg Orlov et ses collègues ont produit devant le tribunal plusieurs déclarations publiques du président Kadyrov et de ses collaborateurs, dans lesquelles étaient proférées des menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et autres opposants aux autorités de Tchétchénie. Avant et après l’homicide de Natalia Estemirova, Amnesty International a régulièrement exprimé sa préoccupation face à la situation des droits humains en Tchétchénie, notamment concernant la sécurité des défenseurs des droits humains, qui sont toujours victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement plus de deux ans après le meurtre non élucidé de Natalia Estemirova. « Les autorités tchétchènes et fédérales doivent veiller à ce que justice soit faite dans le cas de Natalia Estemirova et à ce que les défenseurs des droits humains de la région puissent agir librement et sans crainte. C’est ainsi qu’il convient d’honorer de manière durable la mémoire de Natalia Estemirova », a conclu John Dalhuisen.