L’armée égyptienne a des comptes à rendre concernant le nombre de morts lors d’une manifestation copte

Le Conseil suprême des forces armées égyptien doit expliquer de toute urgence comment une action de protestation contre la discrimination religieuse a dégénéré en bain de sang, a déclaré Amnesty International mardi 11 octobre, après que des manifestations s’étant déroulées dimanche 9 octobre au Caire se soient soldées par au moins 25 décès. Plus de 200 personnes – dont de nombreux manifestants et, semble-t-il, des membres des forces de sécurité – ont par ailleurs été blessées lors des affrontements, le pire épisode de violence qu’ait connu l’Égypte depuis que l’ancien président Hosni Moubarak a quitté ses fonctions en février. Des séquences vidéo montrent des véhicules militaires traversant des rues bondées et écrasant des manifestants. « On ne peut que s’interroger : quels ordres ont été donnés pour que des véhicules militaires en viennent à renverser des manifestants dans la rue ? Si les membres de la police militaire et des autres forces de sécurité présentes n’agissaient pas sur les ordres de leurs supérieurs, cela suscite des questions quant à leur capacité à maintenir l’ordre lors de manifestations », a ajouté Amnesty International. « Le Conseil suprême des forces armées doit désormais montrer qu’il peut et va maîtriser les forces de sécurité et veiller à ce qu’elles ne recourent pas à une force excessive. Il faut immédiatement adresser des consignes aux forces de sécurité et diligenter une enquête indépendante. » Des membres du personnel médical de l’hôpital copte du Caire ont déclaré à Amnesty International qu’une grande partie des morts et des blessés ont été conduits sur place après les affrontements. Ils ont vu entre autres des blessures par balle et des membres écrasés, conséquence de la décision de l’armée de rouler délibérément sur les manifestants. Selon des témoins, des membres des forces de sécurité à bord de véhicules blindés ont ouvert le feu sur la foule et tué ou blessé des manifestants en les renversant. Des représentants de l’armée ont attribué l’origine des violences à un groupe de manifestants, et ont affirmé qu’ils avaient l’intention d’ouvrir une enquête. D’autres sources mettent en cause des « voyous » engagés par des membres du Parti national démocrate, le parti politique d’Hosni Moubarak, aujourd’hui dissous. Lundi 10 octobre, dans le cadre d’un interrogatoire préliminaire, le procureur général a auditionné des personnes blessées lors des affrontements ; 21 personnes ont été placées en détention pour 15 jours dans l’attente d’un complément d’enquête. Le Conseil suprême des forces armées a ordonné ce même jour la création d’une commission d’établissement des faits chargée d’enquêter sur ces événements. « Toute enquête portant sur les affrontements de dimanche 9 octobre doit être indépendante, approfondie et impartiale, apporter des réponses au public égyptien et identifier les responsables présumés », a poursuivi Amnesty International. « L’enquête ne peut être confiée à l’armée et doit être réellement indépendante, et perçue comme telle par les témoins et les proches des victimes afin qu’ils sachent qu’ils peuvent fournir des éléments de preuve en toute sécurité et attendre davantage qu’une tentative d’étouffer l’affaire. » Amnesty International est par ailleurs vivement préoccupée par la manière dont la télévision d’État a rendu compte des événements ; celle-ci a ainsi affirmé que les troupes ont été attaquées par les manifestants et engagé les Égyptiens à les soutenir et les « défendre », rendant la situation encore plus explosive. Les forces de sécurité ont fait une descente à 25TV et Al Hurra, deux autres chaînes de télévision couvrant les manifestations, dans le but semble-t-il de faire cesser les comptes-rendus indépendants. « Le Conseil suprême des forces armées a eu tôt fait de pointer du doigt ” complots ” étrangers, tensions motivées par l’intolérance religieuse et manifestants », a remarqué Amnesty International. « Il a pour l’instant refusé de reconnaître que la responsabilité de ces violences est peut-être à imputer à ses méthodes de maintien de l’ordre lors des manifestations. » Ces événements se sont déroulés sur fond de tensions motivées par l’intolérance religieuse, en hausse ces derniers mois en Égypte. Bien que les coptes représentent près de 10 % de la population égyptienne, certaines politiques officielles sont discriminatoires à leur égard ; ils sont ainsi privés de lieux de culte. L’attaque ayant visé une église copte de la province d’Assouan le 30 septembre, à l’origine de l’action de protestation de dimanche 9 octobre, est l’exemple le plus récent. Les autorités locales ont déclaré que l’église avait été construite sans permission. À la suite d’affrontements motivés par l’intolérance religieuse en mai et juin dernier, le gouvernement a fait part de son projet d’adopter une loi unique relative aux lieux de culte et d’ouvrir toutes les églises fermées, après examen de celles-ci. La loi en question n’a jamais été adoptée et le gouvernement a promis lors d’une réunion lundi 10 octobre que ce serait chose faite d’ici deux semaines.ent promised in a meeting yesterday that the law will be in place within two weeks.