La Roumanie s’apprête à expulser de force des centaines de Roms de chez eux

Des centaines de Roms pourraient se retrouver sans domicile : les autorités roumaines semblent en effet sur le point de démolir leurs logements à Baia Mare, une ville située dans le nord-ouest du pays. Le maire de Baia Mare a expliqué à un journal local que le projet de destruction des logements de centaines de Roms sans papiers d’identité vivant dans la ville serait mené à bien la semaine du 29 août « au plus tard ». Les familles Roms affirment ne pas avoir été informées officiellement de ce projet. « Une fois encore, les autorités roumaines font ouvertement preuve de discrimination envers les membres de la communauté rom », a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe d’Amnesty International. « Obliger des gens qui ne sont pas officiellement domiciliés à Baia Mare à partir est une mesure punitive ciblant délibérément les personnes sans lieu de résidence officiel. Le maire de Baia Mare doit immédiatement mettre fin à ce projet. » « Lorsque les autorités expulsent des communautés roms contre leur gré, sans véritable consultation, sans préavis et sans solution de relogement, elles transgressent les traités internationaux que le gouvernement roumain a ratifiés », a-t-elle ajouté. Les expulsions prévues concerneront les Roms vivant dans les quartiers de Craica, Pirita, Ferneziu et Hores, à Baia Mare. Ces personnes seront renvoyées dans leurs régions d’origine, un peu partout en Roumanie, et il ne leur sera pas permis de retourner à Baia Mare. « Le fait d’expulser ces personnes et de les obliger à quitter la région bafoue leur droit de vivre à l’endroit de leur choix. Les autorités de Baia Mare doivent amorcer le dialogue avec ces familles aussi vite que possible et leur proposer une solution alternative de logement convenable », a déclaré Jezerca Tigani. Il s’agit de la seconde tentative des autorités de Baia Mare d’expulser des Roms. En juillet 2010, le maire adjoint avait annoncé un projet prévoyant la démolition des logements d’environ 200 familles roms vivant dans des habitations précaires dans le quartier de Craica. Il est revenu sur cette décision après les critiques émises par la communauté internationale mais aussi en Roumanie. Bien que les personnes actuellement menacées d’expulsion vivent dans des habitations précaires et dans de conditions difficiles, elles disent vouloir rester parce qu’elles n’ont nulle part où aller. Un homme de Ferneziu a déclaré à Amnesty International : « Nous n’avons pas de bon système d’évacuation et quand il pleut l’eau entre dans les maisons. Mais nous ne voulons pas partir, nous voulons améliorer nos logements ici. Beaucoup de gens luttent. » Une Rom a déclaré à Amnesty International : « Quand ma maison a brûlé, la municipalité m’a dit de construire une cabane ici jusqu’à ce que je puisse reconstruire ma maison. Mais j’ai dix enfants et pas d’argent. » Quelque deux millions de Roms vivent en Roumanie, soit environ 10 % de la population rom totale. Selon les statistiques gouvernementales, 75 % d’entre eux vivent dans la pauvreté, contre 24 % de la population roumaine en général. Les Roms sont rarement propriétaires de terrains ou de biens et ils sont de surcroît pénalisés par le manque de logements sociaux, dans un pays où 97 % du parc immobilier appartient au secteur privé. Certains vivent dans des structures permanentes qu’ils occupent de manière légale. Cependant, dans de nombreux autres cas, les autorités considèrent comme « informels » ou « illégaux » les logements occupés depuis longtemps par des Roms, et ces derniers risquent d’autant plus d’être expulsés qu’ils ne possèdent aucun document prouvant l’existence d’un contrat de location. Actuellement, le droit roumain ne protège pas ces personnes des expulsions forcées. Amnesty International et d’autres ONG ont recueilli des informations sur un ensemble de cas dans lesquels des communautés roms avaient été expulsées de force et réinstallées d’une manière qui entraînait ou installait la ségrégation.