Iran. Il faut mettre un terme à l’interdiction et au harcèlement visant les syndicats indépendants

En Iran, les syndicalistes indépendants sont incarcérés parce qu’ils défendent les droits des travailleurs et les organismes indépendants de travailleurs se heurtent à des mesures de répression, a déclaré Amnesty International vendredi 10 juin. L’organisation engage les autorités iraniennes à respecter les libertés sociales et économiques élémentaires. Le rapport qu’elle publie vendredi 10 juin sous le titre Determined to Live in Dignity: Iranian Trade Unionists Struggle for Rights révèle les mauvais traitements infligés aux syndicalistes indépendants qui luttent en faveur des droits des travailleurs dans un contexte de répression systématique en Iran. « Les syndicalistes indépendants paient un prix élevé face à un gouvernement qui se montre de plus en plus intolérant envers la dissidence, a indiqué Malcolm Smart, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. Le harcèlement et la persécution auxquels ils sont confrontés ressemblent fort à une tentative désespérée du gouvernement d’empêcher les troubles sociaux qui pourraient éclater en raison des nouvelles hausses des prix du carburant et de l’électricité qui touchent aujourd’hui les Iraniens. » « Le gouvernement semble déterminé à casser les syndicats existants tout en continuant à interdire les nouveaux organismes indépendants de travailleurs qui commencent à émerger, dans un mépris flagrant des obligations internationales qui lui incombent en tant que membre de l’Organisation internationale du travail (OIT) et des droits du travail de son propre peuple », a déploré Shane Enright, conseiller Syndicats mondiaux d’Amnesty International. Des militants de premier plan du Syndicat des travailleurs de la régie des bus de Téhéran, organisation interdite, ont été arrêtés dans le cadre de la répression qui a fait suite à l’élection présidentielle de 2009. Un millier de syndicalistes et leurs familles ont été victimes d’une attaque brutale des forces de sécurité lors d’une grève en 2006. Mansour Ossanlu, président de ce syndicat non reconnu, a été interpellé à maintes reprises et a passé près de quatre années derrière les barreaux, avant de bénéficier d’une libération conditionnelle le 2 juin. Parce qu’il a organisé des grèves pour réclamer une augmentation des salaires des conducteurs de bus, il a été victime de disparition forcée, roué de coups, fréquemment privé de soins médicaux et jugé dans le cadre de procès iniques. Lors des rares occasions où il a été autorisé à être soigné, il était généralement enchaîné à son lit. « Nous saluons vivement la libération de Mansour Ossanlu, même s’il n’aurait jamais dû être incarcéré, a déclaré Shane Enright. Sa libération doit devenir inconditionnelle et d’autres syndicalistes qui sont des prisonniers d’opinion doivent être relâchés immédiatement. Les autorités iraniennes doivent mettre fin, une bonne fois pour toutes, à leur politique de persécution, de harcèlement et d’incarcération visant les syndicalistes, simplement parce qu’ils s’efforcent de faire respecter les droits des travailleurs garantis par les conventions de l’OIT. » Le syndicat de Mansour Ossanlu est affilié à la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), l’une des organisations syndicales mondiales qui fait campagne avec Amnesty International en faveur des droits des travailleurs iraniens. « Les mauvais traitements effarants infligés à Mansour Ossanlu et à ses collègues du syndicat des conducteurs de bus de Téhéran montrent clairement que certaines personnes au sein du gouvernement iranien les craignent, parce qu’ils constituent une réelle force de changement et de réforme, a estimé David Cockroft, secrétaire général de la Fédération internationale des ouvriers du transport. Sa libération est un signe positif, mais Mansour Ossanlu et ses collègues doivent être autorisés à représenter librement les intérêts de leurs membres, sans craindre d’être arrêtés ni persécutés. » Les syndicats indépendants, comme d’autres organisations et militants indépendants, sont devenus la cible d’attaques de plus en plus violentes depuis les manifestations massives qui ont fait suite à l’élection présidentielle de 2009. Située dans la province du Khuzestan, dans le sud-ouest de l’Iran, l’entreprise agroalimentaire sucrière Haft Tapeh, détenue par l’État, a été contrainte de revoir les conditions de travail, une grève massive ayant conduit les ouvriers à fonder un syndicat indépendant en 2008. Le nouveau président de ce syndicat, Reza Rakshshan, a été détenu à deux reprises au cours des deux dernières années, tandis que cinq autres dirigeants ont été jugés et condamnés en 2009. « L’Union Internationale des travailleurs de l’alimentation tire une inspiration sans faille du courage des syndicalistes iraniens qui risquent leur vie et leur liberté pour les droits de tous », a assuré Peter Rossman de l’Union Internationale des travailleurs de l’alimentation, auquel est affilié le syndicat de Haft Tapeh. Le syndicat des enseignants iraniens a été interdit par les autorités en 2007 au lendemain de grèves dénonçant le faible niveau des salaires. Pourtant, il a poursuivi son travail, malgré les centaines de détentions, les coups et les autres mauvais traitements infligés à ses membres en détention, et même l’exécution de l’un d’entre eux en 2010. « Les membres des associations syndicales d’enseignants iraniens nous ont assuré qu’ils ne céderaient pas face à ces mesures extrêmes d’intimidation, mais qu’ils avaient besoin de la solidarité des enseignants du monde entier dans leur combat pour les droits », a affirmé Dominique Marlet de l’Internationale de l’Éducation, fédération mondiale des syndicats d’enseignants. Amnesty International, en partenariat avec des organisations syndicales internationales et la Confédération syndicale internationale, lance une campagne afin de soutenir les syndicats iraniens dans leur lutte en faveur des droits fondamentaux et des droits du travail, à la veille du deuxième anniversaire de l’élection présidentielle de 2009.