Kirghizistan. Les victimes de crimes contre l’humanité doivent obtenir justice

Les autorités kirghizes doivent, de toute urgence, enquêter sur les violations des droits humains commises lors des troubles de juin 2010 et traduire en justice les responsables présumés de ces agissements, a déclaré Amnesty International mercredi 4 mai après qu’une commission d’enquête internationale a conclu que ces actes pouvaient être qualifiés de crimes contre l’humanité.Quatre jours de violents affrontements opposant des Kirghizes et des Ouzbeks ont fait 470 morts et des milliers de blessés dans le sud du pays. On a également dénombré des centaines de milliers de personnes déplacées.Bien que le gouvernement kirghize ait coopéré avec la commission d’enquête, il a rejeté ses conclusions indiquant que des crimes contre l’humanité avaient été perpétrés.« Ce rapport est exhaustif et constructif, et les autorités kirghizes ne peuvent pas se permettre d’ignorer ses conclusions, a expliqué Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.« Elles doivent veiller à ce que les infractions qui ont été commises fassent l’objet d’une véritable enquête et donnent lieu à des poursuites correspondant à leur qualification aux termes du droit international. La communauté internationale doit à la fois faire pression sur les autorités kirghizes et les soutenir en ce sens.« Ne pas rendre justice nuirait à l’état de droit, encouragerait la corruption et la criminalité et sèmerait les ferments de futurs troubles et de nouvelles violations des droits humains. »Amnesty International a déjà condamné les atteintes aux droits humains généralisées qui ont été commises pendant et après les troubles de juin 2010. Il s’agissait d’incendies volontaires, de pillages et d’agressions violentes à grande échelle, notamment d’homicides et de violences sexuelles.Bien que de graves infractions aient été commises aussi bien par des Kirghizes que par des Ouzbeks au cours des quatre jours d’affrontements, ce sont les Ouzbeks qui ont subi la majorité des dommages matériels et humains.La commission d’enquête a découvert des éléments solides faisant état d’infractions généralisées, systématiques et coordonnées qui ont visé des Ouzbeks à Osh. Si ces faits étaient prouvés devant un tribunal, ils seraient qualifiés de crimes contre l’humanité.Après les événements violents de juin 2010, ce sont également des Ouzbeks qui ont été les principales victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et de mauvais traitements en détention.La commission d’enquête a conclu que les actes de torture infligés à des détenus à la suite de ces troubles avaient été « pratiquement généralisés » et se poursuivaient. Elle a ajouté que la réaction des autorités face aux allégations de torture avait été « totalement inadaptée ».« Le recours fréquent à la torture dans le cadre des opérations de sécurité qui ont suivi les affrontements et le fait que les autorités aient cautionné à plusieurs reprises une version partiale des événements, qui faisait porter l’entière responsabilité aux Ouzbeks, ont fait naître un sentiment d’impunité chez les auteurs des faits et d’injustice chez leurs victimes, a indiqué Nicola Duckworth.« Toutes les infractions, y compris les crimes contre l’humanité, doivent faire l’objet d’une enquête et donner lieu à des poursuites dans le cadre d’une procédure équitable et efficace, mais ce n’est pas encore le cas. C’est pourquoi des centaines, voire des milliers de personnes – représentants de l’État et civils, kirghizes comme ouzbeks – n’ont toujours pas eu à répondre de leurs actes. »