Les attaques meurtrières contre les manifestants sapent les projets de réforme au Yémen

Amnesty International a demandé qu’une enquête indépendante soit menée de toute urgence sur l’attaque à laquelle se sont livrés mercredi 27 avril dans la capitale du Yémen des hommes armés soupçonnés d’être liés aux forces de sécurité, attaque qui a fait au moins 12 morts parmi les manifestants. Des hommes en civil auraient ouvert le feu sur des manifestants alors qu’ils passaient devant le Stade du 22 mai de Sanaa. Des hommes décrits comme des « casseurs » ont également attaqué les manifestants à coups de bâton. Un garçon de 14 ans, Abdulrahman Muhammad al Okairi, se trouvait parmi les personnes tuées. De très nombreux manifestants ont également été blessés. « Pour qu’une véritable réforme puisse avoir lieu au Yémen il faut mettre fin à l’escalade de la violence et déférer à la justice les personnes soupçonnées d’être responsables d’homicides comme ceux qui ont été commis mercredi, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Cette attaque, qui est l’une des plus meurtrières qu’ait vues le Yémen depuis un mois, est troublante parce qu’elle semble destinée à saborder la conclusion d’un accord politique prévoyant le désistement du président Saleh et donc la fin des homicides dans la rue. » Des hommes en civil ont ouvert le feu sur les manifestants qui étaient partis de la place située devant l’Université de Sanaa, où de nombreuses personnes se sont installées depuis février. Soupçonnés d’être des membres des forces de sécurité ou des militants pro-gouvernementaux, ils ont tiré depuis le toit de bâtiments et depuis l’intérieur du stade. Lorsque la manifestation a atteint la station de télévision près du stade, des hommes armés se sont alignés derrière les manifestants et ont commencé à tirer sur eux. « Il y avait des balles qui fusaient de partout, a déclaré à Amnesty International un témoin de la scène, Alaa Jarban. Ils tiraient sur tout le monde, même sur les hommes âgés et les personnes qui ne participaient pas à la manifestation. » « Un homme a reçu une balle dans la tête juste devant moi. » Selon certaines informations, les membres des forces de sécurité en poste devant le stade et la station de télévision n’ont pas bougé pendant que les hommes tiraient. « Qu’ils n’aient rien fait pour empêcher cette tuerie ou arrêter ceux qui tiraient suggère fortement que les forces de sécurité étaient complices ou à tout le moins qu’elles étaient d’accord avec cette attaque, a commenté Malcolm Smart. Leur non-intervention doit faire l’objet de toute urgence d’une enquête impartiale et exhaustive. » Les affrontements ont débuté lorsque des sympathisants du gouvernement ont jeté des pierres sur des manifestants au moment où la manifestation atteignait le Stade du 22 mai, où des manifestants pro-gouvernementaux ont pris leurs quartiers. Des manifestants anti-gouvernementaux auraient riposté en envoyant des pierres à leur tour. Après les premiers tirs, certains d’entre eux auraient brûlé des pneus pour qu’il soit plus difficile pour les snippers de viser les manifestants à travers la fumée. Selon les sources d’Amnesty International, les onze personnes suivantes figurent parmi les victimes de mercredi 27 avril : Abdulrahman Muhammad al Okairi ; Muhammad Ali Rashed al Ansi ; Abdullah Ali al Samri ; Azmi Khaled Muhammad Shamsan al Makramy ; Abdulrahman Muhammad Ahmed Amran ; Assim Abdulhamid al Hammady ; Abdulwahid Abdulrahman al Mansoob ; Murad Abdulhaq al Ariqi ; Aziz Khaled al-Qirshi ; Ali Ahmed Hussein al Ahqwal et Abdullatif Miqdam. Un autre homme, Nasser Mohammed Nasser Fadaq, serait mort après qu’une voiture lui eut roulé dessus, selon les bénévoles d’un dispensaire. Une ambulance qui tentait de venir en aide aux manifestants blessés aurait également essuyé des tirs. Ces nouvelles victimes portent à plus de 130 le nombre de personnes tuées depuis le début du mouvement de protestation contre le gouvernement en janvier. Les manifestants demandent que le président Ali Abdullah Saleh, à la tête du pays depuis 1978, quitte le pouvoir immédiatement et que les membres de son gouvernement soient jugés pour les meurtres de manifestants de ces dernières semaines. Un accord politique proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui a joué le rôle de médiateur entre le président et l’opposition, prévoit la démission du président dans un délai de 30 jours en lui accordant néanmoins, à lui et ses alliés, une immunité totale de poursuites. « Le prix à payer pour la fin de la crise des droits humains dans le pays ne doit pas être l’immunité de poursuites pour le président et ses alliés politiques », a conclu Malcolm Smart.