En amont d’une nouvelle manifestation, Amnesty International met le Yémen en garde contre tout recours meurtrier à la force

Les autorités yéménites doivent empêcher les forces de sécurité de recourir à une force meurtrière et à des tactiques brutales injustifiées lors d’une manifestation devant se tenir vendredi 25 mars, a déclaré Amnesty International. « Le gouvernement ne peut sortir de cette crise par les armes, a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Qu’elles soient en uniforme ou en civil, il doit immédiatement être interdit aux forces de sécurité de tirer à balles réelles sur des manifestants non armés. « Après l’homicide atroce de dizaines de manifestants vendredi 18 mars, il est incroyablement choquant que les dirigeants yéménites aient accordé aux forces de sécurité des pouvoirs supplémentaires par l’intermédiaire d’une nouvelle loi d’urgence, au lieu de les brider. » Les organisateurs ont annoncé que la manifestation de vendredi 25, surnommée « Vendredi du départ », suivra un itinéraire reliant le camp de manifestants établi non loin de l’université de Sanaa au palais présidentiel. On s’attend à une action de protestation d’une certaine ampleur, après les attaques coordonnées contre les manifestants vendredi 18 mars, menées par des tireurs d’élite postés sur les toits et les forces de sécurité dans la rue, qui auraient fait au moins 52 morts. Au moins 43 autres personnes ont été tuées au Yémen au cours des manifestations durant depuis des semaines en faveur du départ du président Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, notamment lorsque des membres des forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants non armés. Mercredi 24 mars, le Parlement yéménite a adopté une loi d’urgence octroyant aux forces de sécurité des pouvoirs étendus en matière d’arrestation, sans que celles-ci ne soient tenues de respecter la législation relative à la procédure pénale, et imposant de lourdes restrictions concernant la tenue de réunions publiques, susceptibles d’être utilisées pour interdire les manifestations. Cette loi d’urgence accorde également aux autorités le pouvoir de suspendre, saisir et confisquer « tous les médias […] et moyens d’expression ». Mercredi 23 mars, les locaux de la chaîne télévisée Al Jazira à Sanaa ont été fermés par les autorités. Les bureaux ont plus tard été mis à sac. Les militants des droits humains au Yémen ont condamné l’instauration de l’état d’urgence, la qualifiant d’atteinte à la liberté d’expression, tandis que plusieurs députés yéménites ont contesté le sérieux du vote ayant débouché sur celle-ci. « La loi d’urgence ressemble à une tentative désespérée de renforcer certains mécanismes afin d’écraser la contestation et de tenir à l’écart les témoins de violations des droits humains », a ajouté Philip Luther. « Le gouvernement yéménite doit faire respecter le droit de son peuple à exprimer des doléances légitimes et veiller à ce que justice soit rendue pour les victimes d’homicides illégaux. »