Trinité-et-Tobago ne doit pas s’engager sur la voie des exécutions

Amnesty International exhorte les membres du Parlement de Trinité-et-Tobago à voter contre un projet d’amendement de la Constitution qui autoriserait la reprise des exécutions dans le pays. Aux termes de ce projet d’amendement, qui doit être débattu le 18 février, les tribunaux de Trinité-et-Tobago pourraient contourner les décisions de justice qui ont renforcé la protection des droits humains et conduit à l’arrêt des exécutions en 1999. Selon les autorités de cette nation caribéenne, le fait de procéder à des exécutions constitue un moyen de remédier à la hausse du taux d’homicides et de dissuader toute personne de commettre des crimes violents. « Les meurtres et crimes violents sont un vrai problème à Trinité-et-Tobago, mais l’expérience a montré que la solution ne réside pas dans une augmentation des exécutions, a affirmé Chiara Liguori, responsable des recherches sur Trinité-et-Tobago pour Amnesty International. « Accélérer les exécutions ou ignorer les procédures de recours invoquées bafoue les droits des accusés en les privant des garanties d’une procédure régulière inscrites dans le droit international. « Ce projet d’amendement permettrait de mettre à mort des condamnés même s’ils ont interjeté appel de leur sentence, ce qui est leur droit, a ajouté Chiara Liguori. « Nous exhortons le Parlement à le rejeter et l’encourageons à s’attaquer aux causes profondes de la criminalité violente, ainsi qu’à réformer les systèmes de police et de justice. « Ce qui peut apparaître comme une simple modification technique de la Constitution est en fait une question de vie ou de mort pour de nombreuses personnes. » En effet, plus de 40 personnes attendent actuellement dans le quartier des condamnés à mort à Trinité-et-Tobago. En 1984, le Conseil économique et social de l’ONU a déclaré qu’aucune exécution ne peut avoir lieu si une procédure d’appel ou toute autre procédure de recours est en instance dans l’affaire concernée. La nouvelle loi contournerait ce principe et permettrait des exécutions accélérées. Actuellement, en vertu d’une décision du Comité judiciaire du Conseil privé (JCPC), plus haute juridiction du pays, exécuter un prisonnier plus de cinq ans après sa condamnation initiale est assimilé à un acte de torture – par conséquent illégal au titre de la Constitution du pays. Au regard de la lenteur des procédures en appel dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort, dans la pratique, aucune exécution ne peut avoir lieu durant cette période de cinq ans. La plupart des condamnations à la sentence capitale sont donc commuées en peines d’emprisonnement. Cependant, d’après Amnesty International, le projet d’amendement passera outre cette décision et rendra la Constitution non conforme aux droits humains. « Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que le nouveau projet d’amendement de la Constitution autoriserait à exécuter des prisonniers peu de temps après leur condamnation, ne leur permettant pas de bénéficier de toutes les procédures de recours, tandis que d’autres pourraient être maintenus dans l’antichambre de la mort pendant de longues années », a souligné Chiara Liguori. La Premier ministre du pays, Kamla Persad-Bissessar, aurait assimilé la peine de mort à une « arme dans [notre] arsenal » pour lutter contre le taux d’homicides. Selon une citation figurant sur son site Internet Facebook, elle a déclaré : « Le gouvernement que j’ai l’honneur de diriger va veiller à ce que cette loi soit mise en œuvre et à ce que les personnes reconnues coupables de meurtre souffrent et paient le prix ultime, en appliquant la sentence capitale. » Trinité-et-Tobago compte parmi les 93 États du monde qui maintiennent la peine de mort pour les crimes de droit commun. Si des condamnations à mort continuent d’y être prononcées, la dernière exécution remonte à 1999.