Zimbabwe. Près de 20 000 personnes risquent d’être expulsées de force

Les autorités zimbabwéennes doivent stopper les expulsions menaçant près de 20 000 habitants d’un quartier informel de la banlieue de Harare, qui n’ont pas payé les frais de renouvellement de bail prohibitifs que leur imposent les autorités, a déclaré Amnesty International ce jeudi 30 septembre 2010. La plupart des habitants du quartier d’Hatcliffe Extension se sont vus attribuer des terrains pour bâtir de nouvelles habitations après avoir été expulsés de force par les autorités en 2005 dans le cadre de l’opération Murambatsvina. Dans le cadre de ce programme d’expulsions massives, quelque 700 000 personnes ont perdu leur maison ou leurs moyens de subsistance. « Les habitants d’Hatcliffe Extension comptent parmi les plus pauvres et les plus marginalisés de la société zimbabwéenne et de nombreux foyers n’ont pas les moyens de s’acquitter de frais pour renouveler leur bail, surtout lorsqu’il s’agit de les régler en une seule fois, a expliqué Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International. « Au lieu de menacer d’expulsion des gens vulnérables, le gouvernement doit les protéger du cycle de l’insécurité et des atteintes aux droits humains qui peuvent en découler, en leur garantissant la sécurité de l’occupation et en établissant des plans de paiement raisonnables pour les baux. » Hatcliffe Extension compte parmi les quartiers issus de l’opération Garikai – programme du gouvernement lancé en vue de fournir un toit aux personnes qui se sont retrouvées à la rue à la suite de l’opération Murambatsvina. Mais dans les faits, seul un petit nombre de personnes ont été relogées. La majorité ont été entassées dans des habitations existantes, tandis que d’autres étaient réinstallées de force dans des zones rurales par le gouvernement. « L’opération Garikai n’était absolument pas à même de remédier aux graves violations du droit à un logement convenable perpétrées dans le cadre de l’opération Murambatsvina », a déploré Michelle Kagari. Cinq ans après les vagues d’expulsions forcées, les habitants des quartiers de l’opération Garikai survivent dans des conditions épouvantables, dans des baraques couvertes de bâches en plastique, sans avoir accès aux services les plus élémentaires. « Les habitants d’Hatcliffe ont été littéralement abandonnés par le gouvernement. Il est donc d’autant plus choquant qu’au lieu de prendre des mesures pour améliorer leurs conditions de vie, le gouvernement brandisse des menaces qui ne feront qu’aggraver les souffrances et le dénuement », a indiqué Michelle Kagari. En juin, les autorités ont placardé des affiches à Hatcliffe Extension, enjoignant tous les locataires à s’acquitter du renouvellement de leur bail avant le 30 septembre. En cas de non-paiement, les habitants perdraient leur terrain, qui serait alors attribué à d’autres personnes inscrites sur une liste d’attente. Les habitants n’ont absolument pas été consultés sur la procédure de renouvellement ni sur les montants fixés par les autorités. Nombre des 3 000 foyers du quartier n’ont pas les moyens de s’acquitter des 100 euro exigés par le gouvernement. L’opération Murambatsvina ne s’est pas contentée de détruire des habitations, elle a aussi anéanti le secteur de l’emploi informel, privant des milliers de personnes d’un revenu stable. Au Zimbabwe, le taux de chômage avoisine en effet les 90 %. Depuis le mois de juin, les habitants ont à plusieurs reprises tenté de se rapprocher des autorités compétentes, mais en vain. Le problème des baux par trop excessifs ne concerne pas le seul quartier d’Hatcliffe Extension. Les habitants des autres quartiers informels bâtis dans le cadre de l’opération Garikai sont également menacés d’expulsion. Au début du mois de septembre, la police a brûlé des cabanes dans un quartier informel de Borrowdale, dans la banlieue de Harare. Plus de 200 victimes de l’opération Murambatsvina se sont retrouvées sans abri. « Le gouvernement du Zimbabwe doit examiner et remodeler l’opération Garikai, en menant une véritable consultation avec l’ensemble des victimes de l’opération Murambatsvina, afin de répondre à leurs besoins en termes de logements », a conclu Michelle Kagari.