A farmer walks on a marshy shore of a river polluted by oil spills in Ogoniland in Rivers State

Nigeria. Le gouvernement doit bloquer la vente par Shell de ses activités dans le delta du Niger tant que les droits humains ne sont pas dûment protégés

Le projet de vente des activités pétrolières terrestres de Shell dans la région du delta du Niger, dans le sud du Nigeria, risque d’aggraver les violations des droits humains et le gouvernement doit s’y opposer, tant qu’une série de garanties ne sont mises en place, ont déclaré le 15 avril 2024 un groupe de 40 organisations de la société civile, dont Amnesty International.

Dans une lettre ouverte adressée à l’autorité de régulation de l’industrie au Nigéria, les signataires font valoir que la vente de la Shell Petroleum Development Company (SPDC) à Renaissance Africa Energy ne doit pas être autorisée, tant que la pollution environnementale causée par la SPDC n’est pas évaluée précisément, que la SPDC ne reçoit pas de fonds suffisants pour couvrir les coûts des opérations de nettoyage et que les populations locales ne sont pas dûment consultées.

« Les opérations que mène Shell dans le delta du Niger depuis des décennies sont à l’origine de graves violations des droits fondamentaux des populations qui y vivent. Les fuites fréquentes de pétrole de ses infrastructures et les pratiques de maintenance et de nettoyage inadéquates ont contaminé les nappes phréatiques et les sources d’eau potable, empoisonné les terres agricoles et les réserves de pêche, et nuisent gravement à la santé et aux moyens de subsistance des habitants », a déclaré Olanrewaju Suraju, responsable de l’Human and Environmental Development Agenda (HEDA).

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria, a déclaré : « Le risque est grand que Shell empoche des milliards d’euros de la vente de cette entreprise et s’en aille en laissant les victimes de préjudices sans recours, en prise à des abus qui perdurent et à des préjudices pour leur santé. Il faut mettre en place des garanties et des assurances financières afin de remédier sans délai à la contamination existante et de protéger la population contre des dommages futurs, avant de donner le feu vert à ce projet de vente. On ne peut pas laisser Shell esquiver ses responsabilités en matière de dépollution ; elle doit réparer les dégâts très importants qu’elle a causés dans la région. »

Le risque est grand que Shell empoche des milliards d’euros de la vente de cette entreprise et s’en aille en laissant les victimes de préjudices sans recours, en prise à des abus qui perdurent et à des préjudices pour leur santé

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria

La lettre des organisations fait suite à l’annonce de Shell du mois de janvier : elle a convenu de vendre la SPDC au consortium Renaissance, composé de quatre sociétés d’exploration et de production basées au Nigeria et d’un groupe énergétique international, dans le cadre d’un accord d’un montant de 2,2 milliards d’euros en partie financé grâce à un prêt accordé aux acheteurs.

Dans cette lettre, les signataires indiquent que cet accord semble loin de répondre à plusieurs critères réglementaires et légaux, et relèvent notamment l’absence manifeste d’étude environnementale permettant d’évaluer les besoins en matière de nettoyage et d’évaluation permettant de prévoir des fonds suffisants pour l’éventuel démantèlement des infrastructures pétrolières – une somme qui s’élèvera probablement à plusieurs milliards d’euros. En outre, est pointée l’absence d’inventaire des actifs physiques vendus, ce qui doit alerter sur le possible état de délabrement des oléoducs et des infrastructures responsables de nombreuses fuites. Les fuites ont bien souvent des conséquences dévastatrices sur la santé et le bien-être des populations locales. Or, chacun·e a droit à un environnement propre, sain et durable.

La lettre relève que, par le passé, des ventes similaires au Nigeria ont exposé les habitants des zones polluées à des préjudices durables, car les acheteurs manquaient parfois de moyens financiers pour gérer efficacement les infrastructures, ou ont carrément cessé de les exploiter.

Enfin, elle souligne que lorsque Shell avait précédemment cédé l’Oil Mining Lease 26 (OML 26) à First Hydrocarbon Nigeria en 2010, l’actionnaire majoritaire de la société acheteuse a été mis en liquidation et son directeur général et son directeur d’exploitation avaient été reconnus coupables de fraude au Royaume-Uni.

Complément d’information

Parmi les signataires de la lettre adressée à l’organisme de régulation, la Nigerian Upstream Petroleum Regulatory Commission (NUPRC), citons Amnesty International Nigeria, Stichting Onderzoek Multinationale Ondernemingen – the Centre for Research on Multinational Corporations (SOMO), The Corner House, Human and Environmental Development Agenda (HEDA), ReCommon, le Centre pour l’environnement, les droits humains et le développement (CEHRD), Stakeholder Democracy Network (SDN), Hawkmoth, et Friends of the Earth/Environmental Rights Action. La liste complète des signataires est disponible ici.

Renaissance Africa Energy est un consortium qui comprend ND Western Limited, Aradel Holdings Plc, FIRST Exploration and Petroleum Development Company Limited, Waltersmith Group et Petrolin Group.

Au cours des décennies d’activité de Shell au Nigeria, on a recensé des centaines de déversements d’hydrocarbures provenant de ses infrastructures.