Italie

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
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Italie 2024

De nouvelles informations ont fait état d’actes de torture commis par des agent·e·s pénitentiaires. Des violences faites aux femmes ont continué d’être perpétrées à une fréquence alarmante. Cette année encore, des personnes racisées et des personnes LGBTI ont subi des actes racistes et discriminatoires, y compris de la part de représentant·e·s de l’État. L’Italie a essayé d’envoyer en Albanie des demandeurs d’asile secourus en mer, afin que leur demande soit examinée en dehors du pays. La police a eu recours à une force excessive et inutile contre des manifestants et manifestantes à de multiples reprises, et a limité le droit à la liberté de réunion pacifique. Environ 10 % de la population vivait dans une pauvreté absolue. Des obstacles ont continué de limiter l’accès à l’avortement. Le changement climatique causé par les activités humaines a provoqué une vague de chaleur extrême en juillet.

Torture et autres mauvais traitements

Des milliers de détenus ont enduré des conditions de vie déplorables dans des cellules surpeuplées et délabrées. Certaines sources ont indiqué craindre que ces conditions aient contribué à la hausse du nombre de suicides parmi la population carcérale, qui s’élevait à 83 au 20 décembre.

Les conditions de vie dans les centres de détention pour le rapatriement des personnes migrantes ne respectaient pas non plus les normes internationales (détention dans des cages, mobilier en béton, installations sanitaires inadéquates et manque d’activités intéressantes).

En avril, des procureures ont révélé que 13 agent·e·s pénitentiaires avaient été arrêtés et huit suspendus en raison d’allégations de torture et d’autres atteintes aux droits d’adolescents incarcérés dans la prison pour mineurs de Milan. Deux anciennes directrices de prison ont également fait l’objet d’une enquête pour avoir manqué de prévenir et signaler ces mauvais traitements, qui se sont déroulés sur plusieurs années.

Violences faites aux femmes et aux filles

Cette année, 95 femmes ont été tuées dans des affaires de violence domestique, dont 59 par leur partenaire ou leur ex-partenaire.

En février, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est dit préoccupé par les « nombreux actes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » et le fait qu’ils ne soient pas systématiquement signalés. Il a également noté que la définition du viol n’était pas fondée sur la notion d’absence de consentement.

Discrimination

Deux organismes internationaux – le Mécanisme international d’experts indépendants chargé de promouvoir la justice et l’égalité raciales dans le contexte du maintien de l’ordre, et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) – ont publié des rapports en septembre et en octobre respectivement, dans lesquels ils indiquaient que des personnes roms, africaines et d’ascendance africaine, migrantes et LGBTI avaient continué de faire l’objet de racisme et de discrimination, y compris de la part d’agent·e·s de l’État.

Ces deux organismes ont déploré le recours systémique des forces de l’ordre au profilage ethnique. Le Mécanisme a noté que les organes d’application des lois se laissaient influencer par une « présomption de culpabilité omniprésente » envers les personnes africaines et d’ascendance africaine. L’ECRI a formulé des inquiétudes quant à la présence de la xénophobie, de l’homophobie et de la transphobie dans le discours public, y compris de la part de responsables politiques et de hauts fonctionnaires.

En mai, le Comité européen des droits sociaux a établi que l’Italie avait violé la Charte sociale européenne concernant le droit au logement des Roms, dont l’accès à un logement convenable était entravé par la discrimination et qui étaient particulièrement touchés par les expulsions forcées et subissaient la ségrégation et des conditions de vie insalubres1.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Quelque 1 700 personnes sont décédées en mer alors qu’elles essayaient d’atteindre l’Europe en traversant la Méditerranée centrale. La plupart d’entre elles étaient parties de Libye ou de Tunisie.

En juillet, plusieurs procureurs ont inculpé six agent·e·s des douanes et gardes-côtes pour n’avoir rien fait pour empêcher un naufrage près de Steccato di Cutro (Calabre) en février 2023. Au moins 94 personnes, dont 34 mineur·e·s, s’étaient alors noyées dans les eaux territoriales italiennes. L’enquête indiquait que la décision prise en 2019 par le ministère de l’Intérieur de déployer les unités de sauvetage moins rapidement pour les bateaux de personnes réfugiées ou migrantes aux abords des côtes italiennes avait possiblement contribué à ces décès, qui auraient pu être évités.

En avril, Amnesty International s’est rendue dans les centres de rapatriement de Ponte Galeria (à Rome, la capitale) et de Pian del Lago (à Caltanissetta) et a découvert que des personnes demandeuses d’asile et migrantes y faisaient l’objet d’une détention administrative illégale, ce qui laissait craindre que des violations similaires aient cours dans d’autres centres2.

Les procédures accélérées aux frontières, introduites en 2023 pour examiner les demandes d’asile formulées par des personnes venant de pays considérés comme « sûrs » par l’Italie, ont continué d’être contestées devant les tribunaux.

Coopération avec l’Albanie, la Libye et la Tunisie

En octobre, l’Italie a commencé à mettre en œuvre l’accord conclu en 2023 avec l’Albanie, qui visait à ce que les demandes d’asile déposées par des personnes venant de pays jugés « sûrs » soient traitées dans des centres de détention extraterritoriaux situés en Albanie. Vingt-quatre hommes secourus en mer par la marine italienne ont été emmenés en Albanie, où leur demande d’asile a été rejetée en moins de 48 heures. Cependant, un tribunal de Rome a refusé de valider les ordonnances de placement en détention visant ces personnes, au motif que leurs pays d’origine ne pouvaient pas être considérés comme « sûrs ». Il a exigé de l’Italie qu’elle laisse ces hommes entrer sur son territoire et qu’elle les relâche. Une décision de la Cour de justice de l’Union européenne dans cette affaire était encore attendue à la fin de l’année. Le gouvernement a essayé de discréditer les juges qui n’ont pas validé les ordonnances de placement en détention, nuisant ainsi à leur indépendance3.

L’Italie a continué d’aider la Libye à retenir des personnes sur son territoire, malgré les preuves accablantes de graves violations des droits humains commises contre des personnes réfugiées ou migrantes dans ce pays. L’assistance fournie par l’Italie à la Tunisie pour délimiter sa zone de recherche et de sauvetage faisait craindre que davantage de personnes soient interceptées et débarquées en Tunisie, au risque d’y être persécutées.

En juin, le tribunal civil de Rome a ordonné à l’Italie de verser 15 000 euros de réparations à chacune des personnes ayant survécu à un renvoi illégal par bateau en Libye qui avait eu lieu en 2018, et de leur accorder le droit d’entrer sur son territoire.

Criminalisation de la solidarité

En avril, le tribunal de Trapani a acquitté les équipages de la Iuventa et de plusieurs autres navires de sauvetage affrétés par des ONG, qui étaient accusés d’aide à l’immigration irrégulière. Le tribunal a classé l’affaire et souligné que l’équipage de la Iuventa avait agi pour sauver des vies sur instruction des autorités italiennes.

En mai, trois procédures spéciales des Nations unies ont exprimé leur préoccupation quant aux restrictions imposées par l’Italie aux activités des défenseur·e·s des droits humains qui sauvaient des vies en mer. Malgré cela, l’Italie a continué de faire obstruction à leur travail. En septembre, les autorités ont ordonné au navire de sauvetage Geo Barents de Médecins sans Frontières de débarquer des personnes secourues à Gênes, plutôt que dans le port sûr le plus proche. Elles ont également suspendu les activités de ce navire pendant 60 jours au motif qu’il n’aurait pas coopéré avec les autorités libyennes et qu’il présenterait de prétendus problèmes techniques.

Liberté de réunion pacifique

En janvier, le Parlement a érigé en infraction pénale le fait de dégrader ou souiller des monuments et des biens historiques lors de manifestations. Certains craignaient que cette loi entraîne des restrictions excessives du droit de manifester pacifiquement.

Un projet de loi sur la sécurité, qui comprenait des dispositions draconiennes restreignant le droit de réunion pacifique, a été débattu par le Parlement. En décembre, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a demandé aux autorités de modifier une grande partie de cette proposition de manière à la rendre conforme aux normes relatives aux droits humains.

La police a employé une force excessive et inutile contre des manifestant·e·s à de nombreuses reprises. En février, les forces de l’ordre ont blessé 15 personnes, dont 11 mineur·e·s, en utilisant illégalement des matraques contre des étudiant·e·s qui manifestaient à Pise en solidarité avec le peuple palestinien. Une enquête sur les actions de 10 policiers était en cours.

Les autorités ont interdit une manifestation en soutien à la population palestinienne le 5 octobre à Rome. Cette interdiction a été partiellement levée le jour même, mais d’autres restrictions du droit de circuler librement ont été imposées4.

En février, le tribunal de Milan a acquitté huit militant·e·s écologistes accusés d’avoir entravé la circulation et souillé des biens publics lors d’une manifestation en 2021. Le tribunal a mis en avant leur volonté de faire en sorte que le gouvernement prenne des mesures quant au changement climatique.

Droits économiques, sociaux et culturels

En octobre, l’Institut national de la statistique (ISTAT) a révélé que, en 2023, près de 10 % de la population (soit 2,2 millions de familles ou 5,7 millions de personnes) vivait dans une pauvreté absolue. Les familles comprenant au moins une personne étrangère étaient touchées de façon disproportionnée et représentaient 30 % de cette population.

Le manque d’investissement dans les services de santé nationaux a engendré des inégalités croissantes en termes d’exercice du droit à la santé. Les données publiées en avril par l’ISTAT montraient que, en 2023, le contexte économique et la longueur des listes d’attente faisaient partie des obstacles qui poussaient 4,5 millions de personnes à refuser des rendez-vous médicaux, et compromettaient l’accessibilité, y compris financière, des soins de santé. En février, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] s’est dit préoccupé par les disparités et inégalités régionales dans l’accès aux soins de santé essentiels, liées au statut social et économique, au genre et à la situation géographique.

Droits sexuels et reproductifs

L’accès à l’avortement restait entravé par plusieurs obstacles, dont le nombre élevé de médecins et d’autres professionnel·le·s de la santé qui refusaient de pratiquer cet acte médical.

En avril, en modifiant une loi relative à un autre sujet, le Parlement a autorisé les groupes antiavortement à intervenir dans les centres de santé familiale proposant des soins liés à l’avortement.

Droit à un environnement sain

En juillet, l’Italie est revenue sur son Plan national pour l’énergie et le climat et a repoussé l’abandon progressif du charbon à 2030 au lieu de 2025.

Le même mois, le pays a connu une vague de chaleur extrême, que les scientifiques ont attribuée au changement climatique causé par les activités humaines. Le changement climatique a également aggravé considérablement la sécheresse extrême qui a touché la Sardaigne et la Sicile pendant plusieurs mois et atteint un pic en mai. Selon une étude de World Weather Attribution, les moyens de subsistance de la population sicilienne ont été gravement affectés par l’impact économique catastrophique de la sécheresse.


  1. « Italie. La décision relative au scandale des politiques discriminatoires envers les personnes roms en matière de logement doit pousser les autorités à agir enfin », 13 mai ↩︎
  2. Liberty and dignity: Amnesty International’s observations on the administrative detention of migrant and asylum-seeking people in Italy, 4 juillet ; « Italie. Les abus en matière de détention pour des motifs liés à la migration, dans des conditions punitives, bafouent les droits à la liberté et à la dignité », 4 juillet ↩︎
  3. Italy: The Italy-Albania agreement on migration: Pushing boundaries, threatening rights, 19 janvier ; « Italie. Les parlementaires doivent rejeter l’accord migratoire “inapplicable, nuisible et illégal” avec l’Albanie », 22 janvier ↩︎
  4. Statement expressing concern about law enforcement officials violating human rights, including the rights to freedom of expression and to peaceful assembly, on 5 October in Rome preceding and during the “National Demonstration for Palestine”, 28 novembre ↩︎