Turkménistan

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
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Turkménistan 2022

Le pays a été le théâtre de violations des droits humains toujours aussi graves et systématiques, qui ont notamment pris la forme d’arrestations arbitraires et de condamnations motivées par des considérations politiques visant toutes les personnes qui osaient critiquer ou remettre en cause la politique officielle. Les autorités ont continué de contrôler strictement la circulation des informations et l’ensemble des médias. Le Turkménistan n’a pas pris de mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. Les femmes et les filles ont vu leurs droits et leurs libertés, notamment leur droit de disposer de leur corps, davantage restreints. L’avortement a été de fait interdit. Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction pénale.

Contexte

En mars, Serdar Berdymoukhamedov a pris la présidence à la suite de son père, Gourbangouly Berdymoukhamedov, au terme d’élections qui, selon les observateurs internationaux, n’étaient ni équitables, ni libres. Il n’a pas pris de mesures concrètes pour remédier à la détérioration de la situation socioéconomique, sanitaire et climatique.

Répression de la dissidence

Les autorités ont poursuivi leur campagne implacable visant à museler toutes les formes de dissidence pacifique et de critique publique.

En mai, le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] a conclu que le seul motif réel du placement en détention de l’avocat Pygamberdy Allaberdyev, en 2020, et de sa condamnation ultérieure à une peine de six ans d’emprisonnement pour houliganisme, était son exercice pacifique des droits à la liberté d’expression et de réunion. Pygamberdy Allaberdyev était en train d’organiser une manifestation pacifique lorsqu’il avait été arrêté par la police pour avoir soi-disant agressé un client dans une boulangerie. Son procès s’est tenu en secret et n’a duré que deux heures. Pygamberdy Allaberdyev est resté détenu au secret jusqu’à sa libération en décembre à la faveur d’une grâce présidentielle.

Les autorités ont également continué à tenter d’empêcher les manifestations pacifiques de militant·e·s et ressortissant·e·s vivant à l’étranger. En août, des employés du consulat du Turkménistan à Istanbul, en Turquie, ont agressé verbalement et physiquement cinq militant·e·s turkmènes en exil, leur avocate turque et un militant turc des droits humains, alors qu’ils tentaient de remettre une lettre exprimant leurs préoccupations au sujet de la situation des droits humains au Turkménistan. Deux des militant·e·s, Atamurat Saparov, qui avait été blessé à la tête et avait besoin de soins de premiers secours, et Dursoltan Taganova, ont été brièvement placés en détention par la police turque.

Liberté d’expression

L’État contrôlait la circulation des informations en censurant tous les reportages sur des sujets négatifs, comme les difficultés économiques, les pénuries de denrées alimentaires de base, les conséquences du changement climatique et la pandémie de COVID-19. L’accès à Internet était strictement limité afin d’empêcher la réception d’autres informations en provenance de l’étranger. En octobre, le site d’information Fergana Media a indiqué que les autorités avaient bloqué 1,2 milliard d’adresses IP. Les services de sécurité surveillaient étroitement l’utilisation de réseaux privés virtuels et de serveurs proxys afin de réprimer les tentatives de contournement des contrôles de l’État. Les personnes qui se livraient à de telles tentatives risquaient de se voir infliger des amendes, d’être placées en détention, voire d’être poursuivies en justice.

Soltan Achilova, journaliste indépendante ayant travaillé par le passé pour Radio Free Europe/Radio Liberty, a signalé que les services de sécurité la surveillaient de près et disaient aux gens qu’elle avait interviewés au sujet de problèmes économiques et sociaux qu’elle collaborait avec des organisations qui cherchaient à nuire à l’État.

Le 14 juillet, à l’occasion du premier anniversaire du placement en détention de la médecin Khursanai Ismatullaeva, qui avait protesté publiquement contre son licenciement abusif, des membres du Parlement européen, des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes indépendants ont publié une déclaration conjointe appelant à sa remise en liberté immédiate. Khursanai Ismatullaeva avait été condamnée en 2021 à une peine de neuf ans d’emprisonnement sur la foi d’éléments forgés de toutes pièces, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante. Elle avait été sanctionnée après avoir demandé de l’aide à des défenseur·e·s des droits humains et à des journalistes indépendants pour dénoncer le caractère abusif de son licenciement. Khursanai Ismatullaeva a été libérée en décembre à la faveur d’une amnistie.

Lutte contre la crise climatique

Bien que très fier de sa Stratégie nationale sur le changement climatique adoptée en 2012, le Turkménistan n’a pas mis en œuvre de lois ni de politiques pour sortir rapidement et efficacement des énergies fossiles, et s’est contenté d’approuver une nouvelle Contribution déterminée au niveau national en mai. Le pays restait l’un des principaux émetteurs de méthane au monde et ne faisait pas grand-chose pour réparer les fuites ou lutter contre les mauvaises pratiques dans le secteur de l’extraction de pétrole et de gaz. Des données recueillies depuis la Station spatiale internationale entre juillet et octobre ont montré qu’il était toujours un « super-émetteur ».

Aucune mesure réelle d’atténuation et d’adaptation conforme aux droits humains n’a été mise en place pour lutter spécifiquement contre les conséquences du changement climatique sur les groupes menacés. Le Turkménistan restait pourtant l’un des pays au monde les plus touchés par la hausse des températures et la désertification des rares terres arables qu’elle entraînait. En novembre, le Programme des Nations unies pour le développement a cité expressément les femmes vivant dans les régions rurales du Turkménistan comme faisant partie des populations qui risquaient le plus d’être affectées de façon disproportionnée par les conséquences du changement climatique.

Discrimination

Les autorités ont continué de se rendre coupables de discrimination à l’encontre des femmes et des filles, ainsi que des personnes LGBTI, dont elles restreignaient arbitrairement les droits, les libertés et le droit de disposer de leur corps au nom des traditions culturelles et de la Turkmeniçilik (l’identité nationale turkmène).

Femmes et filles

En avril, la police a commencé à appliquer de nouvelles règles interdisant aux femmes de s’asseoir sur le siège passager avant d’une voiture. Elle a également effectué des descentes dans des salons de beauté à la suite de consignes gouvernementales internes interdisant aux femmes et aux filles de se faire prodiguer certains soins, tels que la pose d’extensions de cils ou d’ongles et les injections de toxine botulique. Ces instructions étaient entourées d’un flou juridique, constituaient une discrimination fondée sur le genre et étaient appliquées de manière arbitraire par les forces de l’ordre.

Personnes LGBTI

Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction passible d’une peine maximale de deux ans de prison au titre de l’article 133 (anciennement 135) du Code pénal. Aucune avancée n’a été observée quant à l’engagement de réexaminer cet article en vue de dépénaliser les relations entre hommes pris par le Turkménistan dans son troisième rapport périodique au Comité des droits de l’homme [ONU], en 2020.

Droits sexuels et reproductifs

En avril, les autorités ont rendu publique une loi, adoptée en 2015 mais jamais publiée jusqu’alors, qui limitait l’accès à l’avortement à cinq semaines de grossesse au lieu de 12. Cela revenait de fait à interdire l’interruption volontaire de grossesse, car il est rare qu’une personne s’aperçoive si tôt qu’elle est enceinte. Les défenseur·e·s de la santé reproductive ont exprimé leur crainte que des femmes et des filles se voient forcées de poursuivre des grossesses non désirées ou de recourir à des avortements illégaux et dangereux. Une étude menée en 2021 par le Fonds des Nations unies pour la population au sujet des droits reproductifs au Turkménistan a révélé que 60 % des femmes n’étaient pas en mesure de prendre des décisions de façon autonome concernant la contraception et la grossesse. Les médias nationaux ont continué de renforcer les stéréotypes fondés sur le genre en glorifiant le rôle d’épouses et de mères des femmes, soumises à leur mari.