Zambie

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
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Zambie 2022

Le gouvernement s’est engagé à abroger la disposition du Code pénal érigeant en infraction la diffamation envers la personne du président, à modifier la Loi relative à l’ordre public et à abolir la peine de mort. Des personnes atteintes d’albinisme ont subi de violentes attaques et les droits des personnes LGBTI étaient de plus en plus menacés. Les violences fondées sur le genre ont augmenté, touchant de manière disproportionnée les femmes et les filles. Des enfants et des femmes demandaient toujours réparation pour leurs problèmes de santé causés par l’extraction du plomb. Le gouvernement a tenu sa promesse d’instaurer la gratuité de l’enseignement. Des expulsions forcées ont porté atteinte au droit au logement.

Contexte

La secrétaire générale d’Amnesty International s’est rendue en Zambie en mars pour examiner, entre autres, les progrès réalisés par le gouvernement dans la mise en œuvre de son programme électoral en termes de protection des droits humains.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Des avancées positives ont été constatées en matière de sauvegarde des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifiques. Le 9 septembre, le président Hakainde Hichilema a annoncé que des modifications de la Loi relative à l’ordre public, ainsi que l’abrogation de la disposition du Code pénal érigeant en infraction la diffamation envers la personne du président, seraient proposées lors de la prochaine session parlementaire, en janvier 2023. La Loi relative à l’ordre public était utilisée depuis longtemps pour restreindre le droit à la liberté de réunion pacifique des partis d’opposition et des organisations de la société civile. L’article 5(4) de cette loi prévoyait que toute personne désirant organiser un rassemblement public, un défilé ou une manifestation devait le signaler à la police sept jours avant, sans toutefois requérir une quelconque validation officielle de la part des autorités. La police faisait pourtant une interprétation différente du texte, en exigeant une autorisation avant tout rassemblement public.

La législation relative à la diffamation envers la personne du président, inscrite à l’article 69 du Code pénal, était utilisée depuis longtemps pour étouffer toute critique visant le président. Cet article disposait que toute personne déclarée coupable d’avoir tenu des propos diffamatoires ou insultants, que ce soit à l’écrit, sur un support imprimé ou à l’oral, dans l’intention d’inciter à la haine, au mépris ou à la moquerie à l’égard du président était passible d’une peine maximale de trois ans de prison.

Cette année encore, la police a eu recours à cette disposition législative pour arrêter des dirigeant·e·s de l’opposition et des personnes qui critiquaient le gouvernement, portant atteinte au droit à la liberté d’expression. En janvier, Raphael Nakacinda, membre du principal parti d’opposition, le Front patriotique (PF), a été arrêté pour diffamation envers la personne du président à la suite de propos tenus alors qu’il était en campagne dans le secteur de Mapoloto, à Chilenje (un quartier résidentiel de la capitale, Lusaka). Il avait affirmé que le président et ses « amis étrangers » prévoyaient d’expulser les résident·e·s de Mapoloto pour laisser place à un centre commercial.

Le 24 juin, Justine Chimpinde et Danny Kapambwe, du district de Chiengi, dans la province de la Luapula, ont été condamnés à 24 mois d’emprisonnement assortis de travaux forcés pour insulte au président sur TikTok. Avant leur condamnation, ils ont été frappés en détention par des militaires armés. Le 1er septembre, Sean Tembo, dirigeant du parti d’opposition des Patriotes pour le progrès économique (PEP), a été arrêté pour avoir critiqué les augmentations mensuelles du prix du carburant décidées par le gouvernement. Il a passé six jours au poste de police de Woodlands, à Lusaka, avant d’être inculpé et libéré sous caution. La police l’a tenu pour responsable de sa détention prolongée, prétextant qu’il avait refusé d’être inculpé en l’absence de ses avocats.

Peine de mort

Le 24 mai, le président Hakainde Hichilema s’est engagé à collaborer avec l’Assemblée nationale en vue d’abolir la peine de mort et a commué les sentences de 30 condamnés à mort en peines de réclusion à perpétuité. Il a réitéré cet engagement le 9 septembre dans son discours d’ouverture de la deuxième session parlementaire.

Discrimination

Personnes atteintes d’albinisme

Des personnes atteintes d’albinisme ont été la cible de violentes attaques et de mutilations en raison de fausses croyances sur l’albinisme relevant de la superstition. En janvier, un membre d’une unité locale de prévention de la criminalité a découvert la tombe vandalisée d’un garçon de 12 ans, dont les mains avaient été coupées. Les policiers qui se sont rendus sur les lieux, au cimetière du village de Mungwalala, dans le district de Chama (province de l’Est), ont confirmé que la tombe et le corps avaient été profanés. À la fin de l’année, les responsables de ces actes n’avaient pas été identifiés.

Le 25 juin, dans le district de Mkushi (province du Centre), trois hommes ont tranché l’index d’un garçon de 10 ans pendant que ses parents étaient à l’église. La police a lancé une opération de recherche pour retrouver ces trois personnes soupçonnées de coups et blessures graves : un homme uniquement connu sous le nom de « Kendrick », qui résiderait à proximité, ainsi que deux autres hommes non encore identifiés.

Personnes LGBTI

Les droits des personnes LGBTI étaient de plus en plus menacés à mesure que des responsables du gouvernement, des dirigeant·e·s d’organisations religieuses et d’autres citoyen·ne·s condamnaient publiquement les relations consenties entre personnes de même sexe dans les médias en ligne et hors ligne. Des membres du mouvement homophobe #BanNdevupaNdevu #BanHomosexuality, créé par Brian Sampa, ont organisé une manifestation et utilisé WhatsApp pour appeler à la violence contre les hommes soupçonnés d’être gays et inciter à les tuer. En mai, le président Hakainde Hichilema a déclaré que son gouvernement respectait et protégeait les droits humains, mais qu’il ne défendait pas les droits des gays, justifiant sa position par le fait que la Zambie était une nation chrétienne. Il a fait cette déclaration après que les ambassades suédoises et finnoises en Zambie ont déployé le drapeau arc-en-ciel à côté de leurs drapeaux nationaux en signe de soutien aux droits des personnes LGBTI.

En septembre, de nouvelles atteintes aux droits des personnes LGBTI ont été commises à l’occasion de Lusaka July, un événement annuel consacré à la mode et à l’art de vivre. Des commentaires homophobes diffusés dans les médias et sur les réseaux sociaux ont qualifié cet événement de tribune visant à faire avancer la cause LGBTI et insinué qu’il s’agissait d’une attaque commanditée par l’Occident contre les valeurs religieuses et culturelles zambiennes. Des appels à l’arrestation et à l’inculpation de toute personne dont « les vêtements, le comportement et l’apparence » pouvaient laisser penser qu’elle était gay ou lesbienne ont été lancés. Il a également été reproché aux personnes LGBTI d’être responsables de l’augmentation du nombre de cas signalés de viols de garçons et d’hommes. L’archevêque catholique de Lusaka a accusé le président et les forces de l’ordre d’avoir ignoré la supposée augmentation du nombre d’incidents liés à des relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe.

Violences fondées sur le genre

Les violences faites aux femmes et aux enfants demeuraient répandues. Selon des statistiques publiées par la police zambienne pour le premier trimestre 2022, 6 915 cas de violences fondées sur le genre ont été signalés, contre 4 254 pendant le premier trimestre de 2021. Sur les 6 915 victimes, 58,7 % étaient des femmes et 25,6 % étaient des enfants, dont 72,6 % de filles. Les femmes et les filles représentaient 77,3 % de l’ensemble des victimes. La hausse s’est poursuivie au deuxième trimestre, avec 7 589 cas signalés, soit 1 441 de plus qu’au deuxième trimestre de l’année précédente. Entre janvier et août, 1 066 cas de violences sexuelles infligées à des enfants ont été recensés.

Dégradations de l’environnement

Le 9 mai, Amnesty International et le Centre d’action judiciaire d’Afrique australe (SALC) ont demandé à intervenir dans le cadre d’une action collective en justice engagée en Afrique du Sud par un groupe d’enfants et de femmes zambiens contre Anglo American, géant mondial du secteur minier. Les requérant·e·s demandaient réparation pour les effets considérables à long terme de l’intoxication au plomb causée par l’exploitation minière à Kabwe, dans la province du Centre1.

Droits économiques, sociaux et culturels

Droit à l’éducation

En janvier, le gouvernement a tenu sa promesse électorale d’instaurer la gratuité de l’enseignement primaire et secondaire. Le ministère de l’Éducation a annoncé en juillet le recrutement de 30 496 enseignant·e·s pour répondre à un autre de ses engagements, celui d’améliorer le système éducatif et de garantir le droit à l’éducation.

Droits en matière de logement

Le 20 août, le conseil municipal de Chingola a fait procéder à la démolition de plus de 300 habitations construites sur des terres appartenant à l’aviation civile à proximité de la piste d’atterrissage de Kasompe, dans le district de Chingola (province de Copperbelt). Le conseil municipal a affirmé qu’il n’avait pas attribué ces terres et que les habitations avaient été érigées en l’absence de permis de construire délivrés par les autorités locales. Les habitant·e·s concernés n’ont pas été consultés en bonne et due forme, puisque le conseil municipal de Chingola aurait organisé une réunion le 19 août pour planifier les démolitions, avant d’exécuter cette décision le lendemain à 2 heures du matin. Les autorités n’ont pas pris de mesures adéquates pour que des solutions satisfaisantes de relogement ou de réinstallation soient proposées avant de procéder aux expulsions forcées. Aucune voie de recours n’a été mise à la disposition des habitant·e·s, et les personnes qui en avaient besoin n’ont bénéficié d’aucune assistance juridique pour demander réparation devant un tribunal.

Pendant les démolitions, la maison du maire local et un pavillon lui appartenant ont été incendiés. La police a arrêté un homme de 23 ans et un garçon de 15 ans soupçonnés de faire partie des responsables. Les habitant·e·s expulsés ont accusé le maire de leur avoir illégalement attribué les parcelles.


  1. « Afrique du Sud. Des organisations des droits humains interviennent dans une action collective sur l’empoisonnement par le plomb », 9 mai