Malte. L’affaire de l’El Hiblu illustre « tout ce qui dysfonctionne au niveau de la politique migratoire en Méditerranée centrale »

En réaction à la décision de la Cour d’appel pénale de Malte de rejeter l’exception d’incompétence invoquée par l’équipe de défense des accusés de l’El Hiblu, ce qui signifie que leur procès va se poursuivre, Elisa De Pieri, chercheuse sur l’Europe pour Amnesty International, a déclaré :

« La décision rendue aujourd’hui est décevante : c’est une occasion manquée de mettre fin au calvaire d’Abdalla et d’Amara.

« Nous demandons une nouvelle fois aux autorités maltaises d’abandonner cette affaire et toutes les charges qui pèsent sur les accusés. Il a fallu six ans aux autorités pour porter cette affaire devant les tribunaux, contre trois adolescents qui ont servi de médiateurs entre l’équipage de l’El Hiblu et plus de 100 personnes secourues, terrifiées par la perspective d’être renvoyées illégalement en Libye.

« L’utilisation abusive par Malte du système de justice pénale pour dissuader les gens de gagner l’Europe en quête de sécurité est inacceptable. Cette affaire illustre parfaitement tout ce qui dysfonctionne au niveau de la politique migratoire des institutions et des États membres de l’Union européenne en Méditerranée centrale.

« Cette affaire est entachée de violations des droits humains, notamment le placement en détention des accusés, mineurs à l’époque, dans des établissements pour adultes, l’ouverture contre eux de poursuites devant des tribunaux pour adultes et le manquement au devoir de convoquer des témoins clés aptes à témoigner et de fournir des services d’interprétation adéquats. L’affaire n’aurait pour ainsi dire jamais dû débuter. Il est grand temps de mettre fin à cette parodie de justice afin que les ” Trois de l’El Hiblu ” puissent reprendre le cours de leur vie. »

Complément d’information

En mars 2019, trois adolescents d’Afrique de l’Ouest, originaires de Côte d’Ivoire et de Guinée, âgés de 15, 16 et 19 ans, ont embarqué à bord d’un canot pneumatique surchargé pour fuir la Libye avec 108 autres passagers. Lorsque leur canot a commencé à se dégonfler, ils ont été secourus par un navire marchand privé, l’El Hiblu. Le capitaine du navire a alors essayé de les ramener en Libye, ce qui aurait constitué une violation du droit international, les capitaines ayant l’obligation légale d’emmener les personnes secourues en mer vers une destination sûre. Abdalla, Amara et Kader ont été inculpés d’« activités terroristes » et d’autres infractions.

Le 22 janvier 2025, la Cour d’appel de La Valette a estimé que Malte était compétente pour juger l’affaire, qui doit donc continuer d’être entendue par le tribunal correctionnel de Malte.

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