En réaction à la décision rendue jeudi 29 juin par le Conseil d’État, qui a estimé que la Fédération française de football (FFF) ne devait pas modifier sa règle discriminatoire interdisant de fait aux joueuses musulmanes qui portent un foulard de participer à des matchs en compétition, Anna Błuś, chercheuse sur les droits des femmes en Europe à Amnesty International, a déclaré :
« La décision extrêmement décevante rendue par le Conseil d’État renforce à la fois le racisme et la discrimination liée au genre dans le football français. Non seulement l’interdiction par la Fédération française de football de tout élément vestimentaire religieux empêche les footballeuses musulmanes portant un foulard de jouer en compétition, mais elle viole en outre leur droit à la liberté d’expression, d’association et de religion.
« La décision d’aujourd’hui ne tient pas compte de la recommandation du rapporteur public de mettre fin à cette interdiction discriminatoire et met à mal les efforts visant à rendre le sport féminin plus inclusif. Elle signifie que les footballeuses musulmanes en France continueront d’être traitées différemment des autres joueuses et joueurs, en violation manifeste de plusieurs des obligations internationales du pays en matière de droits fondamentaux. »
Founé Diawara, coprésidente du collectif Les Hijabeuses, qui a porté la procédure contre la FFF devant la plus haute juridiction administrative du pays, a estimé que cette décision était une occasion manquée de réparer un préjudice de longue date. Elle a notamment déclaré : « Notre combat n’est pas politique, pas religieux, il concerne le sport et seulement le sport. Il y a des femmes qui chaque week-end sont exclues des terrains parce qu’elles portent un voile. Tout ce qu’on veut, c’est jouer au football. »
Complément d’information
L’article 1 des Statuts de la FFF, en vigueur depuis 2016, interdit « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » lors de compétitions. Cette interdiction est maintenue alors même que la FIFA a annulé sa propre interdiction du port d’un couvre-chef dans le football en 2014.
Un groupe de sénateurs a tenté à plusieurs reprises d’étendre l’application de cette règle à tous les sports dans une loi nationale. Les débats parlementaires sur ces propositions ont amené certaines personnalités politiques à utiliser une rhétorique incendiaire et des stéréotypes blessants qui stigmatisent les femmes musulmanes et conditionnent souvent leur participation aux sports collectifs à des restrictions non nécessaires et disproportionnées de leur droit à la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de religion.
Aux termes du droit international, la neutralité de l’État et la laïcité ne sont pas des motifs légitimes d’imposition de restrictions des droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction, y compris sous la forme d’interdictions générales des symboles religieux et culturels. Toute restriction doit être justifiée par des faits qui peuvent être démontrés, et non par des présomptions, des hypothèses ou des préjugés.
Depuis longtemps, les foulards et les éléments vestimentaires couvrant le visage sont instrumentalisés et stéréotypés pour diaboliser les femmes musulmanes et homogénéiser les différentes significations qu’ils peuvent avoir pour celles qui les portent ou aimeraient les porter mais craignent de le faire ou sont empêchées par la loi de le faire en public. La dernière décision du Conseil d’État à ce sujet est un nouvel exemple de cas où la France renforce les conceptions stéréotypées négatives et les clichés sur les populations musulmanes et les rôles de genre.