Au lendemain de l’annonce du Mouvement de défense de la démocratie (M2D), coalition sénégalaise de partis et de militants de l’opposition, qui prévoit trois jours de manifestations nationales à partir de lundi 8 mars 2021, Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International, a déclaré :
« Les manifestations au Sénégal ont déjà causé la mort d’au moins huit personnes la semaine dernière, certaines en raison du recours excessif à la force et de l’usage d’armes à feu par les forces de sécurité.
Nous demandons une nouvelle fois aux autorités d’ouvrir une enquête impartiale sur les circonstances de ces décès et les engageons à faire en sorte que chacun·e puisse exercer en toute sécurité son droit de réunion pacifique, tel que protégé par la Constitution sénégalaise et le droit international.
Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International
« Nous demandons une nouvelle fois aux autorités d’ouvrir une enquête impartiale sur les circonstances de ces décès et les engageons à faire en sorte que chacun·e puisse exercer en toute sécurité son droit de réunion pacifique, tel que protégé par la Constitution sénégalaise et le droit international.
« Les forces de sécurité doivent user de la force avec retenue, lorsque cela est strictement nécessaire et de manière proportionnée. Les armes à feu ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours et dans les limites de ce qui est strictement nécessaire pour protéger d’une menace imminente qui pourrait entraîner la mort ou une blessure grave. Les membres des forces de sécurité qui recourent à une force excessive ou à une force meurtrière illégale doivent faire l’objet de poursuites conformément à la loi.
« Les agents qui assurent le maintien de l’ordre lors des manifestations doivent porter des uniformes distinctifs qui permettent de les identifier clairement. En divers sites, on a pu voir des individus en civil armés de bâtons, de matraques et de fusils en train de frapper des manifestant·e·s lors des rassemblements de la semaine dernière, sous les yeux des forces de sécurité, et certains se sont même servis d’armes à feu dans certains quartiers de la capitale. Il importe d’enquêter sur la présence et le rôle de ces personnes. »
Complément d’information
Le M2D, une coalition de partis et de militants de l’opposition, prévoit trois jours de manifestations partout au Sénégal à partir d’aujourd’hui jusqu’au mercredi 10 mars. Il lance cet appel à la suite des manifestations et des violents affrontements qui ont éclaté dans le pays après qu’Ousmane Sonko, chef de file de l’opposition, a été arrêté le 3 mars et inculpé de trouble à l’ordre public et de participation à une manifestation non autorisée. Il se rendait au tribunal pour répondre à la convocation d’un juge dans le cadre d’une autre affaire pénale.
Après son interpellation, Ousmane Sonko a comparu devant un juge en l’absence de ses avocats, le 5 mars. Inculpé d’« appel à l’insurrection », il doit de nouveau se présenter devant le juge aujourd’hui. Il a été libéré le 7 mars, tout comme deux de ses partisans.
Huit personnes sont mortes en marge des manifestations et des émeutes au cours des cinq derniers jours. Les émeutiers ont saccagé des supermarchés et des habitations privées de personnalités publiques considérées comme proches du gouvernement. Une chaîne de télévision, TFM, a été prise pour cible le 5 mars.
À Dakar, le 5 mars, les nombreux effectifs de police ont empêché les manifestant·e·s de suivre le tracé prévu, ce qui a donné lieu à des affrontements entre forces de sécurité et manifestants dans plusieurs secteurs. D’après la Croix-Rouge sénégalaise, 235 personnes ont été blessées lors de ces manifestations à Dakar.
D’après les médias, une centaine de personnes ont été arrêtées depuis le 3 mars, dont six membres du collectif militant Y’en a Marre, le 5 mars. Parmi eux, le rappeur et membre fondateur Cheikh Oumar Touré « Thiat ».
Dans une allocution télévisée le 5 mars, le ministre de l’Intérieur a qualifié les manifestations d’« actes terroristes et de banditisme » et a dénoncé la présence de « forces occultes » derrière les rassemblements. Il n’a pas annoncé la tenue d’une enquête sur les morts en marge de ces manifestations, pas plus que sur les circonstances les entourant. Il a souligné que les rassemblements sont interdits au Sénégal du fait de l’état d’urgence sanitaire décrété en raison de la pandémie de COVID-19.