Les forces de sécurité tunisiennes doivent s’abstenir de recourir à une force inutile et excessive pour disperser les manifestant·e·s descendus dans les rues de la capitale et de plusieurs gouvernorats afin de dénoncer la marginalisation, les violences policières, la pauvreté et l’absence d’opportunités en termes d’emploi, a déclaré Amnesty International le 18 janvier 2021.
Depuis vendredi 15 janvier, de jeunes manifestant·e·s des quartiers populaires ont violé le couvre-feu et, dans certains cas, les manifestations ont dégénéré et laissé place à des actes de violence, de pillage et de vandalisme. Le 18 janvier, le ministère de l’Intérieur a confirmé l’arrestation de 630 personnes, dont la plupart sont des mineurs âgés de 14 et 15 ans.
« Même face à des actes de vandalisme et de pillage, les forces de l’ordre ne doivent recourir à la force que lorsqu’elle est absolument nécessaire et proportionnée. Rien n’autorise les forces de sécurité à déployer une force inutile et excessive, y compris lorsqu’elles font face à des actes sporadiques de violence, a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Les autorités tunisiennes doivent garantir la libération immédiate de Hamza Nassri Jeridi et de toute personne arrêtée uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. »
Même face à des actes de vandalisme et de pillage, les forces de l’ordre ne doivent recourir à la force que lorsqu’elle est absolument nécessaire et proportionnée. Rien n’autorise les forces de sécurité à déployer une force inutile et excessive, y compris lorsqu’elles font face à des actes sporadiques de violence.
Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International
Le 18 janvier, la police a dispersé un rassemblement pacifique organisé en solidarité avec les manifestants et contre les violences policières dans le centre-ville de Tunis. Selon deux manifestants interrogés par Amnesty International, des policiers ont attaqué les manifestants pacifiques à coups de matraques et de gaz lacrymogènes pour disperser le rassemblement ; ils ont arrêté le défenseur des droits humains Hamza Nassri Jeridi, qui manifestait sans violence, et l’ont emmené au quartier général de la police à Tunis pour l’interroger.
Des vidéos inquiétantes diffusées en ligne montrent des policiers en train de frapper et de traîner les personnes qu’ils arrêtent. Des témoins ont fait circuler des témoignages qui illustreraient semble-t-il les mauvais traitements infligés aux personnes placées en garde à vue dans les postes de police et le recours illégal à la force.
« Les forces de sécurité tunisiennes doivent respecter les droits de toutes les personnes détenues, quels que soient les motifs et les circonstances de leur arrestation. Chacune a le droit de ne pas être soumise à des mauvais traitements ou à des actes de torture, de contacter sa famille et un avocat, et de bénéficier d’une aide médicale, conformément au droit tunisien et au droit international relatif aux droits humains. Si la police a le droit d’arrêter des personnes pour des actes précis de violence, elle doit veiller à le faire dans le respect des normes relatives aux droits humains et dans le respect de la légalité », a déclaré Amna Guellali.
Les manifestations ont éclaté à Siliana, à 130 kilomètres de Tunis, et se sont propagées dans d’autres gouvernorats le vendredi après qu’une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux, montrant un policier agresser violemment un berger dont le troupeau était entré dans la cour d’un bâtiment du gouvernement local.
Un confinement national de quatre jours, du 14 au 17 janvier, assorti d’un couvre-feu à partir de 16 heures, a été imposé pour tenter d’endiguer la hausse du nombre de cas de COVID-19.
Amnesty International demande aux organes chargés de l’application des lois, notamment au parquet, de ne pas détenir les manifestant·e·s lorsque cela est possible, en libérant toutes les personnes arrêtées de manière arbitraire et en remettant en liberté provisoire toutes celles qui pourraient faire l’objet de poursuites dès lors qu’il existe des preuves manifestes d’infractions prévues par la loi. Les autorités doivent prendre en compte le risque élevé de contracter le COVID-19 dans les centres de détention, où les conditions sanitaires sont médiocres et où la distanciation physique est quasiment impossible à respecter.