La Cour pénale internationale (CPI) doit immédiatement ouvrir une enquête approfondie sur les atrocités commises dans le cadre du conflit dans le nord-est du Nigeria, a déclaré Amnesty International le 11 décembre 2020, alors qu’une décision majeure permet de progresser sur la voie d’une justice que les victimes espèrent depuis longtemps.
Le Bureau du procureur de la CPI a annoncé le 11 décembre qu’il bouclait l’enquête préliminaire de 10 années menée sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre qu’auraient commis Boko Haram et les forces de sécurité nigérianes. Cette décision ouvre enfin la voie à une enquête approfondie.
« Cela fait des années que nous réclamons au Bureau du procureur de la CPI la tenue d’une enquête approfondie. Voici enfin le premier jalon décisif vers la justice pour les victimes des crimes atroces commis par toutes les parties au conflit dans le nord-est du Nigeria, a déclaré Netsanet Belay, directeur de la recherche et du plaidoyer à Amnesty International.
C’est une étape importante, mais elle doit s’accompagner d’une action immédiate en vue de mener une véritable enquête. Pour que les victimes de crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité obtiennent justice, le Bureau du procureur doit lancer sans attendre des investigations efficaces et dotées de ressources suffisantes.
Netsanet Belay, directeur de la recherche et du plaidoyer à Amnesty International
« C’est une étape importante, mais elle doit s’accompagner d’une action immédiate en vue de mener une véritable enquête. Pour que les victimes de crimes de guerre et de probables crimes contre l’humanité obtiennent justice, le Bureau du procureur doit lancer sans attendre des investigations efficaces et dotées de ressources suffisantes. »
Une longue attente
L’examen préliminaire de la CPI, démarré en 2010, conclut que Boko Haram et l’armée nigériane ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, et que le gouvernement nigérian a failli à ses obligations d’amener les responsables présumés à rendre des comptes. Ces conclusions font écho aux nombreux rapports d’Amnesty International publiés au fil des ans. Sans véritable enquête au niveau national, le procureur ne peut que conclure qu’une enquête de la CPI est nécessaire.
« Les victimes attendent depuis 10 ans d’obtenir justice. Le Bureau du procureur doit désormais agir rapidement afin de solliciter l’autorité judiciaire requise pour mener une enquête exhaustive. De nouveaux retards ne feraient que frustrer les victimes, avec le risque de voir disparaître définitivement des preuves et des témoignages », a déclaré Netsanet Belay.
Il faut allouer les ressources adéquates
Le Bureau du procureur fait face à de sévères contraintes en termes de ressources pour enquêter et engager des poursuites sur de nouvelles situations et de nouvelles affaires. Toutefois, cela ne doit pas servir d’excuse pour retarder encore la justice. Les États parties à la CPI doivent faire en sorte que le Bureau du procureur dispose des ressources requises pour mener ses investigations.
Le Nigeria est tenu de mener des enquêtes approfondies sur les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris s’ils impliquent sa propre armée. Pourtant, jusqu’à présent, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour esquiver des investigations indépendantes et efficaces.
Amnesty International demande aux États parties à la CPI de veiller à ce qu’une enquête au Nigeria soit dotée des ressources adéquates.
Complément d’information
Le Bureau du procureur de la CPI a annoncé un examen préliminaire de la situation au Nigeria le 18 novembre 2010. Aujourd’hui, 11 décembre 2020, il a annoncé qu’il avait décidé de clore cet examen au motif qu’il y a suffisamment de raisons de conclure que Boko Haram et l’armée nigériane ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, et que le gouvernement nigérian a manqué à ses obligations s’agissant d’amener les responsables à rendre des comptes. Il doit désormais soumettre une requête aux juges de la CPI, qui décideront s’il y a lieu ou non d’ouvrir une enquête.
L’examen préliminaire s’est focalisé sur les crimes de droit international présumés commis dans le delta du Niger, dans les États de la Ceinture centrale et dans le cadre du conflit armé opposant Boko Haram aux forces de sécurité nigérianes, notamment les crimes contre l’humanité de meurtre et de persécution, et les multiples crimes de guerre. Ces dernières années, l’examen préliminaire a aussi mis l’accent sur l’existence de véritables procédures nationales portant sur ces crimes.
Depuis près de 10 ans, Amnesty International a recensé à maintes reprises des crimes relevant du droit international et de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans le nord-est du Nigeria.
En 2018, dans un rapport intitulé Willingly Unable, Amnesty International faisait valoir que les autorités nigérianes n’ont pas pris de mesures solides pour enquêter sur les crimes imputables à Boko Haram ou aux forces de sécurité nigérianes et engager les poursuites idoines, et demandait au Bureau du procureur de la CPI de solliciter la tenue d’une enquête approfondie.
Le conflit armé qui ravage le nord-est du Nigeria continue d’avoir un terrible impact sur les civils, comme le dénonce Amnesty International dans de récents rapports sur les atrocités et les violations subies par les enfants et les personnes âgées. Ces deux rapports demandaient directement à la CPI de conclure l’examen préliminaire et d’ouvrir une enquête.
En dehors du cadre du conflit, Amnesty International a également dévoilé que l’armée du Nigeria a commis de nombreux homicides illégaux et manigancé pour dissimuler et détruire des éléments de preuve à la suite d’un affrontement entre des soldats et des membres du Mouvement islamique du Nigeria (MIN) à Zaria, dans l’État de Kaduna, en décembre 2016.