Angola. Les autorités intensifient le recours à une force excessive pour réprimer la dissidence

Les autorités angolaises ont intensifié la répression de la dissidence ces derniers mois en recourant à une force disproportionnée et inutile, y compris à des homicides illégaux, pour disperser des manifestations et répondre aux infractions aux dispositions liées à l’état d’urgence imposées pour endiguer la propagation du COVID-19, a déclaré Amnesty International ce mardi 8 décembre.

Ce que nous constatons en Angola, c’est une attaque frontale contre les droits humains. L'État utilise les forces de sécurité pour réduire les gens au silence et les priver de leurs droits aux libertés d'expression et de réunion pacifique.

Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe

Amnesty International et l’organisation angolaise de défense des droits humains OMUNGA ont recueilli des informations sur de nombreuses violations commises par les forces de l’ordre, notamment sur la mort de 10 personnes, entre mai et septembre 2020, tuées par des membres de la police nationale et des forces armées nationales, chargées de faire respecter les restrictions liées au COVID-19. La plus jeune victime était un adolescent de 14 ans.

« Ce que nous constatons en Angola, c’est une attaque frontale contre les droits humains. L’État utilise les forces de sécurité pour réduire les gens au silence et les priver de leurs droits aux libertés d’expression et de réunion pacifique. Ce qui est encore plus effrayant, ce sont les homicides illégaux d’Angolais.es, considérés comme ayant enfreint les dispositions liées au COVID-19 et tués par les forces de sécurité », a déclaré Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

« Les autorités angolaises doivent immédiatement mettre fin à l’utilisation illégale de la force par les forces de sécurité, enquêter sur les violations commises et soumettre les auteurs présumés de ces agissements à l’obligation de rendre des comptes. Au lieu de s’en prendre aux manifestant.es, les autorités doivent créer un environnement permettant à la population de s’exprimer. Manifester pacifiquement pour demander aux dirigeants de mieux faire n’est pas un crime », a déclaré João Malavindele, directeur exécutif d’OMUNGA.

Une vague récente de manifestations

Plusieurs manifestations pacifiques récentes, dont celle du 11 novembre contre la hausse du coût de la vie à Luanda, se sont heurtées à un usage illégal de la force par la police, un certain nombre de manifestant.es et de passant.es étant arrêtés, puis relâchés.

Le COVID-19 a aggravé les inégalités sociales et économiques dans le pays, entraînant dans son sillage la faim, le chômage et le mécontentement populaire. Depuis le mois de septembre, des gens descendent régulièrement dans la rue pour protester contre l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim et de la pauvreté. Les autorités ont réagi par un recours à une force illégale, les forces de sécurité utilisant des canons à eau, des balles en caoutchouc, des matraques et du gaz lacrymogène pour disperser illégalement les manifestant.es.

Une manifestation pacifique dénonçant les conditions de vie précaires et appelant à la tenue d’élections municipales s’est heurtée à l’utilisation de la force par la police dans les rues des provinces de Luanda et de Huambo le 24 octobre 2020. À Luanda, la police nationale angolaise a érigé des barricades pour empêcher les manifestant.es de se réunir au point de rassemblement et a arrêté arbitrairement 103 manifestant.es et passant.es.

Les personnes arrêtées ont fait l’objet d’un procès sommaire entre le 26 octobre et le 1er novembre. Le tribunal provincial de Luanda a déclaré 71 personnes coupables de désobéissance et les a condamnées chacune à un mois d’emprisonnement, converti en amende. Les manifestant.es ont fait appel et la Cour suprême ne s’est pas encore prononcée sur l’affaire.

Les autorités angolaises doivent immédiatement mettre fin à l'utilisation illégale de la force par les forces de sécurité, enquêter sur les violations commises et soumettre les auteurs présumés de ces agissements à l’obligation de rendre des comptes.

João Malavindele, directeur exécutif d’OMUNGA

La veille des manifestations du 24 octobre, le président João Lourenço a promulgué un décret interdisant les rassemblements de plus de cinq personnes dans la rue.

Après les manifestations contrariées du 24 octobre, des mouvements populaires ont appelé à des actions de protestation dans tout le pays le 11 novembre, à l’occasion des 45 ans de l’indépendance de l’Angola. Les autorités ont réagi par la violence, notamment en tirant des coups de feu en l’air et des balles en caoutchouc, tuant un manifestant dans la municipalité de Luanda, Inocêncio de Matos, un étudiant de 26 ans, et blessant des dizaines d’autres personnes. L’autopsie doit encore confirmer la cause de la mort d’Inocêncio de Matos.

Les mouvements populaires se préparent pour une nouvelle manifestation nationale le 10 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme. Amnesty International et OMUNGA demandent instamment au gouvernement de mettre un terme immédiatement à l’utilisation illégale de la force par la police contre les manifestant.es pacifiques.

Les deux organisations demandent également qu’il soit mis fin à la pratique consistant à disperser arbitrairement les rassemblements pacifiques et que les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique soient pleinement respectés pour toutes les personnes en Angola.