Mardi 10 novembre, le bureau de la Médiatrice européenne a annoncé qu’il allait ouvrir une enquête sur les possibles insuffisances de l’action de la Commission européenne pour vérifier si les autorités croates avaient respecté les droits fondamentaux lors d’opérations frontalières contre des migrant·e·s et des réfugié·e·s qui ont été financées par l’Union européenne. En réaction à cette décision, la directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes, Eve Geddie, a déclaré :
« Au fil des années, Amnesty International et d’autres organisations ont relevé de nombreuses violations, notamment des coups et des actes de torture infligés à des personnes migrantes et demandeuses d’asile par des policiers croates, dont les salaires ont été payés par des fonds européens. L’annonce d’une enquête de la Médiatrice européenne sur le maintien de ce financement par la Commission européenne sans vérification du respect des droits humains dans le cadre de son utilisation est une première étape importante vers la prise en compte de ces violations flagrantes et l’établissement des responsabilités.
« En continuant de financer des opérations frontalières et en donnant son feu vert à l’entrée de la Croatie dans l’espace Schengen, la Commission a renoncé à sa responsabilité de surveiller la manière dont les aides européennes sont utilisées et envoyé un dangereux signal laissant penser que des violations flagrantes des droits humains peuvent se poursuivre sans qu’aucun compte ne soit rendu. »
Dans sa plainte déposée en septembre 2020, qui a déclenché l’enquête, Amnesty International a souligné que la Commission avait ignoré les informations faisant état de violations persistantes. L’organisation a également révélé que la Commission n’avait pas créé de mécanisme de suivi indépendant chargé de vérifier que les mesures de surveillance des frontières prises par les autorités croates, en grande partie financées par les aides d’urgence de l’UE, respectaient les droits fondamentaux.
« Nous espérons que l’enquête de la Médiatrice incitera la Commission à agir pour veiller à ce que l’aide européenne pour les opérations frontalières ne permette pas davantage de violences et de mauvais traitements contre des hommes, des femmes et des enfants aux frontières de l’Europe. »
Complément d’information
Le bureau de la Médiatrice européenne a décidé d’ouvrir une enquête à la suite de la plainte d’Amnesty International reprochant à la Commission européenne de ne pas avoir garanti le respect des droits fondamentaux dans le contexte des opérations de contrôle des frontières financées par des fonds de l’UE.
La Croatie bénéficie de plus de 108 millions d’euros au titre du Fonds Asile, migration et intégration (FAMI) et a en outre reçu 23,3 millions d’euros sous forme d’aides d’urgence pour la gestion de l’immigration et des frontières depuis 2017. Les aides d’urgence accordées à la Croatie ont couvert une grande partie des coûts de fonctionnement, notamment les salaires des forces de police qui ont été accusées à plusieurs reprises de renvois illégaux et de violences à l’encontre de personnes migrantes et demandeuses d’asile.
De nombreuses informations obtenues au cours des trois dernières années montrent que la police croate agresse régulièrement des hommes, des femmes et des adolescents qui tentent d’entrer dans le pays, qu’elle détruit leurs effets personnels, et qu’il arrive aussi que des policiers prennent les vêtements et les chaussures de personnes qui sont ensuite forcées de marcher pendant des heures dans la neige et de traverser les eaux glaciales de rivières.
En octobre, le Conseil danois pour les réfugiés a dénoncé une série d’actes de torture, de coups violents, d’humiliations et même un cas d’agression sexuelle subis par des hommes et des enfants appréhendés sur le territoire croate, ce qui a conduit la Commission européenne à appeler la Croatie à enquêter sur ces faits.