Bangladesh. La sécurité des réfugié·e·s rohingyas doit être garantie, alors que Cox’s Bazar est le théâtre de violents affrontements

Les autorités bangladaises doivent assurer la protection des réfugié·e·s rohingyas à la suite de violents affrontements entre des gangs criminel armés qui ont fait au moins huit morts et des centaines de blessés dans les camps à Cox’s Bazar depuis le 4 octobre, a déclaré Amnesty International.

Au moins 2 000 réfugié·e·s rohingyas ont été contraints de fuir leurs abris pour se rendre dans d’autres camps depuis que des violences ont éclaté entre deux factions rivales qui cherchent à prendre le contrôle du commerce illicite de la drogue à l’intérieur des camps. Le 7 octobre, plus d’une dizaine d’abris au camp de réfugiés de Kutupalong ont été réduits en cendres.

À moins que les autorités ne prennent les mesures nécessaires pour apaiser les violences et protéger les réfugié·e·s, de nouvelles effusions de sang sont à craindre.

Saad Hammadi, chargé de campagne pour l’Asie du Sud à Amnesty International

« La situation à l’intérieur des camps est très précaire et, à moins que les autorités ne prennent les mesures nécessaires pour apaiser les violences et protéger les réfugié·e·s, de nouvelles effusions de sang sont à craindre, a déclaré Saad Hammadi, chargé de campagne pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

« Ceux qui souffrent le plus sont les réfugié·e·s rohingyas pris entre deux feux. Les autorités bangladaises doivent renforcer la sécurité à l’intérieur des camps aussi longtemps que nécessaire, afin de garantir leur sécurité, et mener une enquête immédiate et impartiale sur les violences en vue de traduire les responsables présumés en justice. »

Les réfugié·e·s rohingyas ont déclaré à Amnesty International que des affrontements ont éclaté entre un groupe qui gère un cartel de la drogue à l’intérieur du camp et un autre groupe armé appelé l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA) ; ils se battent pour contrôler les camps. Les violences auraient débuté lorsque les négociations au sujet d’un partenariat entre les deux groupes ont échoué. Selon les médias locaux, ils se servent d’armes de fabrication artisanale et de barres de fer.

Les autorités bangladaises ont déployé des forces de sécurité supplémentaires dans les camps le 6 octobre, mais les affrontements se poursuivent. Le mois dernier, AKM Mozammel Huq, ministre du gouvernement bangladais, a indiqué que des tours de guet et des caméras en circuit fermé allaient être installées pour renforcer la surveillance dans les camps.

Selon les réfugié·e·s rohingyas qui se sont entretenus avec Amnesty International, les violences ont été en partie déclenchées par une guerre pour contrôler le marché de la méthamphétamine, une drogue récréative fabriquée au Myanmar et entrée en contrebande au Bangladesh. À la lumière de la violente répression qu’exerce le gouvernement bangladais contre le trafic illicite de stupéfiants, qui se traduirait entre autres par des exécutions extrajudiciaires, les craintes sont vives parmi les réfugié·e·s que les violences croissantes ne mettent tout le monde en péril dans les camps.

D’après l’organisation bangladaise de défense des droits humains Odhikar, les autorités bangladaises ont tué plus de 100 réfugié·e·s rohingyas lors d’exécutions extrajudiciaires présumées entre août 2017 et juillet 2020, semble-t-il dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants à Cox’s Bazar.

« Les autorités ne sont pas censées prendre des mesures qui bafouent les droits humains des réfugié·e·s. Les violences sont le fait de membres de gangs criminels, qui devraient rendre des comptes dans le cadre de procès équitables pour ces crimes violents », a déclaré Saad Hammadi.

Les réfugié·e·s rohingyas ont peur que le gouvernement du Bangladesh ne se serve de cette violence comme d’un prétexte pour les réinstaller à Bhashan Char, une île reculée dans le Golfe du Bengale, entièrement formée par dépôt de limon, dont l’habitabilité n’a pas encore été évaluée par les Nations unies. Ils ont dit à des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, qu’ils ne souhaitent pas être réinstallés sur cette île, par peur des conditions précaires et de l’isolement.

« Réinstaller les Rohingyas sur Bhashan Char ne mettra pas fin à leur situation actuelle d’insécurité et n’apportera pas de solution durable à la crise des réfugiés. Au contraire, les autorités doivent dialoguer avec les réfugié·e·s rohingyas, prendre en compte leurs préoccupations et veiller à ce qu’ils prennent part aux décisions qui les affectent », a déclaré Saad Hammadi.

Complément d’information

Plus de 740 000 Rohingyas ont fui leur foyer au Myanmar après que l’armée du pays a commis des crimes atroces contre cette minorité à titre de représailles d’une série d’attaques perpétrées par les combattants de l’Armée du salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA) contre 30 postes de sécurité au Myanmar, le 25 août 2017. Les réfugié·e·s rohingyas ont déclaré qu’ils étaient inquiets pour leur sécurité du fait de la présence dans les camps de l’ARSA et d’autres gangs criminels qui continuent d’être actifs et d’étendre leur réseau sur le trafic illicite d’armes et de drogues de contrebande.

En septembre, Amnesty International a publié un rapport intitulé Let Us Speak For Our Rights, demandant au gouvernement du Bangladesh et à la communauté locale et internationale de travailler ensemble pour élaborer un document d’orientation publiquement accessible, transparent et respectueux des droits, en vue de garantir la participation des réfugié·e·s rohingyas aux décisions qui les concernent.