Alors que le nombre de cas de COVID-19 enregistrés quotidiennement au Venezuela connaît la plus forte accélération de ces dernières semaines, les autorités ne font pas le nécessaire pour protéger la population et, en particulier, les femmes et hommes médecins, les infirmières et infirmiers et les autres membres du personnel des hôpitaux et des autres établissements de santé qui sont durement frappés, et elles emprisonnent en outre les personnes qui dénoncent ouvertement leurs conditions de travail difficiles, a déclaré Amnesty International le 18 août.
« Les autorités vénézuéliennes sont dans le déni quant au nombre de professionnel·le·s de santé morts des suites de l’infection au COVID-19, ou alors elles ne disposent pas d’informations exactes sur la précarité de la situation dans les hôpitaux et la nécessité absolue d’améliorer cette situation pour le personnel et aussi pour les patients. Dans un cas comme dans l’autre, le gouvernement est totalement irresponsable, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
Les autorités vénézuéliennes sont dans le déni quant au nombre de professionnel·le·s de santé morts des suites de l’infection au COVID-19, ou alors elles ne disposent pas d’informations exactes sur la précarité de la situation dans les hôpitaux et la nécessité absolue d’améliorer cette situation pour le personnel et aussi pour les patients. Dans un cas comme dans l’autre, le gouvernement est totalement irresponsable.
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International
« Le gouvernement de Nicolás Maduro a demandé à la population ces dernières semaines d’applaudir les professionnel·le·s de santé, mais ce dont ont besoin ces personnes, ce n’est pas d’applaudissements, mais de mesures concrètes de la part du gouvernement afin d’obtenir les ressources nécessaires pour pouvoir travailler en sécurité, et afin que leurs voix soient entendues sans qu’elles subissent des représailles. »
Selon l’organisation Medicos Unidos de Venezuela, 71 professionnel·le·s de santé sont morts entre le 1er juillet et le 16 août, et 37 de ces décès ont eu lieu au cours des 16 premiers jours du mois d’août. Ce chiffre représente presque 30 % du nombre de morts dues au COVID-19 enregistré par les autorités au Venezuela, qui s’élève à 288. Or, les autorités ne procèdent pas à la désagrégation de ce nombre par secteur, et les décès de nombreux professionnel·le·s de santé n’ont pas été intégrés dans les chiffres officiels.
Le gouvernement de Nicolás Maduro a demandé à la population ces dernières semaines d’applaudir les professionnel·le·s de santé, mais ce dont ont besoin ces personnes, ce n’est pas d’applaudissements, mais de mesures concrètes de la part du gouvernement afin d’obtenir les ressources nécessaires pour pouvoir travailler en sécurité, et afin que leurs voix soient entendues sans qu’elles subissent des représailles.
Erika Guevara-Rosas
Amnesty International a réuni des informations indiquant que le 16 août, 691 personnes étaient hospitalisées en raison de symptômes liés au COVID-19 dans les principaux hôpitaux de la ville de Caracas. Cela incite à douter de la véracité des chiffres officiels concernant le nombre de cas enregistrés quotidiennement dans tout le pays, les autorités ayant signalé seulement 1 148 nouveaux cas de COVID-19 sur l’ensemble du territoire national le 16 août.
Le Venezuela représente un exemple flagrant de représailles exercées par l’État contre le personnel de santé. Depuis qu’Amnesty International a commencé à surveiller la situation des professionnel·le·s de santé dans la région des Amériques, début avril, le Venezuela est le seul pays qui est allé jusqu’à emprisonner des personnes ayant publiquement dénoncé les risques pour leur sécurité et celles des patients.
Si des représailles visant les professionnel·le·s de santé agissant en tant que lanceurs et lanceuses d’alertes ont été observées dans de nombreux pays de la région, à la connaissance d’Amnesty International, le Venezuela est de seul pays de la région à avoir arrêté des professionnel·le·s de santé et traduit ces personnes devant des tribunaux militaires et civils. Jusqu’à présent, Amnesty International a reçu des informations signalant qu’au moins 12 professionnel·le·s de santé ont été arrêtés au cours de la pandémie, et les droits à une procédure équitable ont été violés pour un grand nombre d’entre elles, qui n’ont pas été informées des accusations retenues contre elles. Amnesty International dénonce depuis plusieurs années maintenant la politique de répression menée par le gouvernement de Nicolás Maduro, qui vise à museler et contrôler la population et qui s’illustre par la détention arbitraire et la torture d’un vaste ensemble de personnes qui ont élevé la voix.
Ces dernières années, environ 50 % des médecins du pays sont partis à l’étranger, selon la Fédération des médecins vénézuéliens (FMV), le Venezuela se retrouvant ainsi avec des ressources humaines insuffisantes pour faire face à la pandémie. Le départ de si nombreux membres du personnel de santé s’inscrit dans le contexte d’une crise humanitaire et en matière de droits humains qui a poussé 5,2 millions de personnes à fuir le pays.
Le personnel de santé qui est resté au Venezuela gagne entre 4 et 18 dollars des États-Unis par mois, et nombre de ces personnes doivent aller à pied au travail, franchissant parfois des distances de plus de 10 kilomètres, car elles n’ont pas assez d’argent pour emprunter un moyen de transport. Selon l’organisation de la société civile Monitor Salud, 68 % des 296 professionnel·le·s de santé interrogés à Caracas entre mars et juin arrivaient au travail l’estomac vide avant de prendre leur poste pour un travail difficile. Les dépenses mensuelles moyennes de chaque Vénézuélien·ne pour la nourriture et les services de base sont estimées à 513 dollars des États-Unis, selon l’organisation nationale de recherche CENDAS.
Le droit du travail vénézuélien prévoit que les travailleurs et travailleuses doivent être protégés contre les dangers au travail, mais selon l’ONG locale PROVEA, le personnel n’est absolument pas protégé et ne dispose d’aucun équipement de protection individuelle (EPI). Les rares personnes qui ont reçu des EPI ont été contraintes de réutiliser les masques pendant une longue période, ce qui rend cet équipement inefficace. Il a aussi été signalé de façon inquiétante que des délégués du gouvernement envoyés dans certains États pour effectuer des visites dans des hôpitaux étaient revêtus d’un équipement de protection intégral, alors que les professionnel·le·s de santé ne disposaient que de très peu d’équipement.
Mi-juillet, l’Organisation panaméricaine de la santé (PAHO) a donné 20 tonnes d’EPI pour 31 hôpitaux à travers le pays. Il s’agit d’une importante contribution pour la protection du personnel de santé vénézuélien, mais il y a 240 hôpitaux dans le pays et les autorités ont la responsabilité d’assurer pour tous les hôpitaux la fourniture d’équipements de protection. De plus, dans les États où des dons de la PAHO sont censés avoir été distribués, le personnel de santé a indiqué que rien n’avait changé en ce qui concerne les conditions de travail au quotidien après l’arrivée de ces dons dans le pays. Il est indispensable que les organisations de la société civile reçoivent des informations plus précises au sujet de ces dons humanitaires, afin d’actionner un mécanisme de contrôle indépendant permettant de veiller à ce que l’aide arrive là où elle est le plus nécessaire.
Le gouvernement vénézuélien doit prendre davantage de mesures pour évaluer de façon satisfaisante les besoins du pays concernant la coopération nationale sous forme de dons, et prendre des initiatives concertées pour réassigner les ressources, afin que les professionnel·le·s de santé disposent de gants, de blouses et de masques chirurgicaux. Le gouvernement doit également veiller à ce que les hôpitaux disposent de suffisamment de produits de nettoyage et de désinfection. Près de la moitié des hôpitaux du pays n’ont pas d’eau ou ont des pénuries d’eau, et selon des organisations professionnelles, beaucoup d’entre eux n’ont pas une seule fois été correctement désinfectés depuis le début de la pandémie.