Turquie. La décision d’arrêter de nouveau l’écrivain Ahmet Altan est scandaleusement injuste

En réaction à une décision de justice demandant l’arrestation de l’écrivain Ahmet Altan une semaine seulement après sa libération de prison, où il a passé plus trois ans en détention provisoire, Marie Struthers, directrice d’Amnesty International pour l’Europe, a déclaré :

« Nous sommes scandalisés d’apprendre qu’Ahmet Altan va de nouveau être arrêté à la suite de l’appel du parquet contre sa libération. 

« Cet homme a été poursuivi, emprisonné et condamné sans la moindre preuve, uniquement en raison de ses opinions. Il est impossible de voir dans cette décision autre chose qu’une nouvelle sanction visant à le punir de sa détermination à ne pas se laisser réduire au silence, punition qui vient s’ajouter à la liste scandaleuse des injustices qu’il a déjà subies.

Nous sommes scandalisés d'apprendre qu'Ahmet Altan va de nouveau être arrêté à la suite de l’appel du parquet contre sa libération.

Marie Struthers, directrice d'Amnesty International pour l'Europe

« Ahmet Altan n’a commis aucun crime. Il a été libéré lundi 4 novembre 2019 sur décision unanime du tribunal. Les trois années qu’il a passées en détention provisoire découlent d’une parodie de justice, tout comme la peine à laquelle il a été condamné. Il faut mettre un terme à cette mascarade judiciaire, qui est emblématique d’une période où les procès-spectacles motivés par des considérations politiques sont devenus la norme. Ahmet Altan doit être autorisé à rester chez lui avec sa famille et la peine absurde qui lui a été infligée doit être annulée. »

Il faut mettre un terme à cette mascarade judiciaire, qui est emblématique d'une période où les procès-spectacles motivés par des considérations politiques sont devenus la norme.

Marie Struthers, Amnesty International

Ahmet Altan et son avocat ont appris cette décision dans les médias progouvernementaux, mais ils n’en ont toujours pas été informés directement.

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Le 4 novembre 2019, Ahmet Altan et sa collègue écrivaine Nazlı Ilıcak ont été condamnés respectivement à 10 ans et demi et huit ans et neuf mois de prison, sur la base d’accusations absurdes d’« aide apportée sciemment et volontairement à une organisation terroriste ». Tous deux ont été libérés par la cour pénale spéciale n° 26 d’Istanbul, avec interdiction de quitter le pays, en attendant l’examen de leurs recours. Le tribunal a aussi injustement déclaré coupables trois autres personnes, dont deux travaillant dans les médias, jugeant qu’elles devaient être maintenues en détention provisoire.

Le parquet a fait appel de la libération d’Ahmet Altan le 6 novembre. Le 8 novembre, la cour pénale spéciale n° 26, qui avait jugé l’affaire, a rejeté la demande de réincarcération d’Ahmet Altan formulée par le parquet, renvoyant l’affaire devant la cour pénale spéciale n° 27, qui s’est prononcée sur l’appel du parquet mais a refusé de communiquer sa décision à l’avocat de l’écrivain.

Ahmet Altan et Nazlı Ilıcak sont restés plus de trois ans en détention provisoire sur des accusations fallacieuses. Ils ont d’abord été poursuivis pour avoir « tenté de renverser l’ordre constitutionnel » et condamnés à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Ils ont ensuite fait l’objet d’une deuxième procédure pour des accusations de terrorisme, à la suite d’une décision de la Cour d’appel suprême annulant leurs condamnations en juillet 2019. Le frère d’Ahmet Altan, Mehmet Altan, universitaire lui aussi poursuivi dans la même affaire, a quant à lui été acquitté par la cour pénale spéciale, conformément à la décision de la Cour d’appel suprême.