Arabie saoudite. Nouvelle action en justice pour empêcher le gouvernement britannique de fournir des armes destinées à une utilisation au Yémen

Cette semaine, Amnesty International, Human Rights Watch et Rights Watch UK prendront part à l’appel dans le cadre d’une nouvelle action en justice contre la poursuite des exportations d’armes vers l’Arabie saoudite.

Les organisations interviendront dans le cadre de l’affaire intentée par l’organisation Campaign Against the Arms Trade (CAAT) devant la Cour d’appel de Londres en vue de contester la légalité de la décision du gouvernement britannique de délivrer des licences pour des ventes à l’Arabie saoudite d’armes destinées à une utilisation au Yémen, en dépit des risques que ces armes soient utilisées pour commettre de graves atteintes au droit international humanitaire dans le cadre du conflit.

Combien de personnes doivent encore mourir avant que le gouvernement britannique admette qu’il a tort ?

Lucy Claridge, directrice des actions en justice à visée stratégique à Amnesty International

« La population du Yémen se fait tuer et est menacée par la famine à cause de la campagne de bombardements incessants de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite rendue possible par les ventes d’armes et d’équipements britanniques », a déclaré Lucy Claridge, directrice des actions en justice à visée stratégique à Amnesty International.

« Combien de personnes doivent encore mourir avant que le gouvernement britannique admette qu’il a tort ? En vendant des milliards de livres sterling d’armes à l’Arabie saoudite, les ministres signent un arrêt de mort pour la population du Yémen.

« Dans toute l’Europe, plusieurs pays ont cessé de vendre des armes à l’Arabie saoudite car ils savent que cela bafoue leurs obligations et car ils ont vu les ravages qu’ils causent. Il est temps que le gouvernement britannique cesse de faire passer les profits avant les vies humaines. »

Depuis que la coalition menée par l’Arabie saoudite s’est engagée dans le conflit au Yémen il y a quatre ans, plus de 17 640 personnes ont été tuées et blessées. Les Nations unies ont estimé que la majorité des victimes ont été causées par les bombardements de la coalition. Depuis, cette crise humanitaire imputable à l’homme a pris de l’ampleur, et environ 14 millions de personnes risquent actuellement de mourir de faim dans le pays.

La coalition que dirige l’Arabie saoudite a procédé à un nombre considérable de frappes aériennes disproportionnées et menées sans discrimination au Yémen, qui ont touché logements, écoles, hôpitaux, marchés, mosquées, mariages et enterrements. Amnesty International a rassemblé des informations sur 41 frappes aériennes de la coalition ayant, semble-t-il, enfreint le droit international humanitaire, et dont un grand nombre constituent des crimes de guerre. Ces frappes ont fait au moins 512 morts et 433 blessés parmi la population civile.

Suspension des ventes à l’Arabie saoudite

Le refus du Royaume-Uni de suspendre les transferts d’armes vers l’Arabie saoudite semble être en décalage avec les mesures prises par d’autres pays européens. Plusieurs pays comme les Pays-Bas, la Belgique (Région flamande) et la Grèce ont réagi sous la pression de l’opinion publique en suspendant partiellement ou totalement les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.

D’autres pays comme l’Autriche, l’Irlande, la Suède et la Suisse ont mis en place des mesures restrictives pour les exportations vers l’Arabie saoudite. À la suite de l’homicide du journaliste Jamal Khashoggi, plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, la Norvège, la Finlande et le Danemark, ont annoncé qu’ils allaient suspendre leurs transferts d’armes vers l’Arabie saoudite.

Informations recueillies par Amnesty International au Yémen

Des informations détaillées et crédibles, notamment les recherches d’Amnesty International au Yémen, démontrent que des armes de fabrication britannique ont été utilisées à plusieurs reprises, et continuent d’être utilisées, pour commettre de graves atteintes au droit international humanitaire, y compris d’éventuels crimes de guerre.

D’après des informations accessibles au public, l’Arabie saoudite n’a pas mené d’enquête efficace sur ces atteintes et n’a pas amené les responsables à rendre des comptes. Par conséquent, il existe un risque manifeste que l’autorisation de nouveaux transferts d’armes entraîne de nouvelles atteintes au Yémen, et ces transferts enfreindraient donc les obligations du Royaume-Uni au titre du droit international et britannique.

Amnesty International et d’autres organisations ont démontré que toutes les parties au conflit au Yémen se sont rendues coupables de graves atteintes au droit international humanitaire, y compris de potentiels crimes de guerre. Parmi ces parties au conflit figurent également le groupe armé houti et ses forces alliées qui ont également utilisé sans discernement des munitions explosives à large champ d’action, dont des obus de mortier et d’artillerie, en direction de zones habitées, tuant et blessant des civils.

Complément d’information

L’affaire avait initialement été entendue par la Haute cour de Londres en février 2017, et la Campagne contre le commerce des armes (CAAT) demandait la suspension des transferts d’armes vers l’Arabie saoudite au motif que ces armes risquaient manifestement d’être utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire dans le cadre du conflit armé au Yémen. Cependant, la Haute Cour de Londres avait rejeté le recours juridique formé par l’ONG et avait jugé en juillet 2017 que le gouvernement britannique était habilité à continuer d’autoriser les transferts d’armes vers l’Arabie saoudite.

La décision de la Haute cour (paragraphe 209) évoque notamment l’importance de la nature « équilibrée » de la décision que les hauts fonctionnaires et ministres devaient prendre. L’intervention conjointe d’Amnesty International porte sur la manière dont l’existence d’un risque manifeste est établie, la fiabilité des rapports de recherche des ONG et le rôle qu’ils jouent dans la détermination de l’existence de ces risques. 

Ayant obtenu le droit de faire appel de la décision en mai 2018, l’affaire de la CAAT sera entendue par la Cour d’appel de Londres du 9 au 11 avril 2019.