Un an après avoir été libéré, l’acteur libanais Ziad Itani n’a toujours pas progressé sur le chemin de la justice pour les actes de torture qu’il a subis en prison, a déclaré Amnesty International le 13 mars 2019.
Le 13 mars 2018, le Tribunal militaire l’a acquitté des charges d’espionnage pour le compte d’Israël et a ordonné sa remise en liberté. Il avait passé trois mois et demi derrière les barreaux sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Lors de son procès, il a déclaré avoir été placé en détention à l’isolement, soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements en détention et privé de la possibilité de consulter son avocat. Le Tribunal militaire n’a pris aucune mesure concernant ces allégations.
Un an après sa libération, Ziad Itani porte toujours les traces physiques et psychologiques de la torture qu’il a subie en détention.
Sahar Mandour, chercheuse sur le Liban Amnesty International
Mi-novembre 2018, il a intenté une action au civil contre des agents de la sécurité d’État et des assistants civils, mais le parquet a transmis l’affaire au procureur militaire. Pourtant, le droit libanais comme le droit international prévoient que de telles allégations fassent l’objet d’enquêtes au sein du système judiciaire pénal civil.
« Un an après sa libération, Ziad Itani porte toujours les traces physiques et psychologiques de la torture qu’il a subie en détention. On lui a fait du tort une première fois lorsqu’il a été arrêté et placé en détention, une deuxième fois lorsqu’il a été soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et une nouvelle fois aujourd’hui du fait que les autorités ne mettent pas en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les souffrances dues à la torture, a déclaré Sahar Mandour, chercheuse sur le Liban Amnesty International.
« Récemment, les autorités ont pris des mesures pour que le Liban se conforme à ses obligations internationales, en ratifiant la loi contre la torture et, la semaine dernière, en nommant les membres du mécanisme national de prévention. Le cas de Ziad Itani sera un test décisif quant à leur volonté de faire appliquer la loi et de remédier à la torture. »
Le 23 novembre 2017, la Direction générale de la sécurité d’État, service de sécurité qui rend compte directement au président et au Premier ministre, a arrêté Ziad Itani sur la base d’accusations forgées de toutes pièces d’espionnage pour le compte d’Israël. Il n’a pas été autorisé à consulter un avocat. Lorsqu’il a comparu devant le juge du Tribunal militaire, il a déclaré que des agents de la sécurité d’État en uniforme et en civil l’avaient frappé à coups de câbles électriques, attaché dans une position douloureuse à l’aide d’une chaîne métallique, pendu par les poignets pendant des heures, lui avaient asséné des coups de pied et des coups de poing au visage et avaient menacé de le violer.
Récemment, les autorités ont pris des mesures pour que le Liban se conforme à ses obligations internationales, en ratifiant la loi contre la torture et, la semaine dernière, en nommant les membres du mécanisme national de prévention.
Sahar Mandour, Amnesty International
Ziad Itani affirme que des agents lui ont même mis de force un stylo dans la main et l’ont contraint à signer des « aveux » alors qu’il était allongé par terre, incapable de se tenir debout après une longue séance de torture. Il a raconté qu’ils avaient amené dans la salle d’interrogatoire deux des voisins de sa famille, qui l’ont insulté, lui ont craché dessus et ont menacé de s’en prendre à sa famille et de brûler leur maison. Il a ajouté que des agents lui avaient fait du chantage, affirmant qu’en échange de ses aveux, ils protégeraient sa famille.
Après sa libération, ses mains tremblaient constamment, il était agité en permanence et instable émotionnellement. Amnesty International a examiné des bilans médicaux exposant les séquelles au niveau de ses dents et de ses poignets.
Le 25 janvier 2019, le Tribunal militaire a ouvert une enquête sur la fabrication des preuves ayant conduit à l’arrestation de Ziad Itani. Cependant, aucune avancée n’a été constatée quant aux investigations sur la torture et les autres formes de mauvais traitements.
Au titre de la loi libanaise contre la torture, les informations faisant état de torture auraient dû être déférées immédiatement devant un tribunal civil et faire l’objet d’investigations sous 48 heures.
Les autorités libanaises doivent veiller à ce que les allégations de torture formulées par Ziad Itani fassent sans délai l’objet d’investigations rapides et efficaces diligentées par un tribunal civil, et à ce que les responsables rendent des comptes.
Sahar Mandour, Amnesty International
Bien qu’elle soit globalement conforme aux normes internationales, cette loi n’interdit pas clairement au Tribunal militaire d’examiner les plaintes pour torture, une lacune qu’Amnesty International avait pointée du doigt.
« Les autorités libanaises doivent veiller à ce que les allégations de torture formulées par Ziad Itani fassent sans délai l’objet d’investigations rapides et efficaces diligentées par un tribunal civil, et à ce que les responsables rendent des comptes. C’est uniquement en appliquant la loi qu’elles témoigneront de leur détermination à en finir avec la torture dans le pays », a déclaré Sahar Mandour.
Complément d’information
La semaine dernière, le gouvernement libanais approuvait la nomination de cinq membres du mécanisme national de prévention contre la torture et les autres mauvais traitements. Aux termes du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, que le Liban a tous deux ratifiés, ce mécanisme est chargé de visiter tous les lieux de détention en vue de préconiser des mesures visant à prévenir la torture et les autres mauvais traitements.