Un an après l’assassinat de la défenseure des droits humains et conseillère municipale de Rio de Janeiro Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes, les autorités brésiliennes n’ont toujours pas fourni de réponses acceptables à leurs familles et à la société et n’ont pas non plus identifié et traduit en justice les responsables, ce qui met d’autres défenseur·e·s des droits humains en danger, a déclaré Amnesty International le 11 mars 2019.
« Après un an d’enquête, l’incapacité alarmante des autorités brésiliennes à résoudre l’affaire de l’homicide de Marielle Franco laisse entendre que les attaques contre les défenseur·e·s des droits humains resteront impunies », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
« Les autorités qui ont pris leurs fonctions à l’issue des élections de 2018 doivent traduire en justice toutes les personnes ayant commandité et perpétré l’homicide, et montrer que de telles attaques ne seront pas tolérées au Brésil. »
Marielle Franco et Anderson Gomes ont été abattus alors qu’ils traversaient en voiture le quartier d’Estacio, à Rio de Janeiro, la nuit du 14 mars 2018. Les informations fournies par les autorités et révélées par la presse laissent craindre que les enquêtes n’aient pas respecté la procédure légale et aient été influencées par des interventions extérieures.
Amnesty International appelle les autorités brésiliennes à respecter la procédure légale et à nommer une équipe d’experts externes indépendants chargés de superviser l’enquête et d’examiner toute allégation de négligence, d’irrégularité ou d’interférence injustifiée. Les autorités doivent également prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des témoins de l’homicide et des familles de Marielle Franco et d’Anderson Gomes, dans le respect de leurs besoins et de leurs souhaits.
« Un an après la mort de Marielle Franco, il est clair qu’il s’agissait d’un homicide ciblé minutieusement planifié et mené à bien, dans lequel des agents de l’État étaient vraisemblablement impliqués à un certain niveau », a déclaré Jurema Werneck, directrice d’Amnesty International Brésil.
Un an après la mort de Marielle Franco, il est clair qu’il s’agissait d’un homicide ciblé minutieusement planifié et mené à bien, dans lequel des agents de l’État étaient vraisemblablement impliqués à un certain niveau.
Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International
« Les autorités brésiliennes doivent garantir le droit à la vérité, à la justice et aux réparations des familles de Marielle Franco et d’Anderson Gomes. Nous ne cesserons pas de nous battre tant que justice n’aura pas été rendue. »
Le Brésil est l’un des pays les plus dangereux pour les défenseur·e·s des droits humains. Comme l’a précédemment dénoncé Amnesty International, le bilan des autorités brésiliennes en ce qui concerne les enquêtes sur les homicides de défenseur·e·s des droits humains et les homicides dans lesquels des policiers sont impliqués est déplorable.
Amnesty International a mobilisé des centaines de milliers de personnes dans le monde en 2018 pour exiger la justice pour Marielle Franco. Margaret Huang, directrice d’Amnesty International États-Unis, se rend au Brésil du 11 au 14 mars pour marquer le premier anniversaire de l’homicide de Marielle Franco et d’Anderson Gomes et rappeler aux autorités que le monde les observe et continuera tant que l’affaire ne sera pas résolue.
Amnesty International encourage la communauté internationale, y compris les gouvernements et les organisations internationales, à demander instamment aux autorités brésiliennes d’identifier toutes les personnes ayant commandité et perpétré les homicides et de les traduire en justice dans le cadre d’un procès conforme aux normes internationales.
Complément d’information
Connue pour avoir défendu les droits des jeunes noirs, des femmes, des habitants des favelas et des personnes LGBTI, Marielle Franco, une femme noire bisexuelle née dans une favela, avait été élue conseillère municipale de la ville de Rio de Janeiro en 2016. Elle avait auparavant siégé au sein de la Commission des droits humains de l’État de Rio de Janeiro de 2006 à 2016, et avait dans ce cadre souvent dénoncé les exécutions extrajudiciaires et d’autres atteintes aux droits humains perpétrées par des policiers et des membres des forces de sécurité de l’État. Peu avant son homicide, Marielle Franco avait été nommée pour surveiller l’intervention des autorités fédérales dans la sécurité publique à Rio de Janeiro.
Les autorités brésiliennes doivent garantir le droit à la vérité, à la justice et aux réparations des familles de Marielle Franco et d’Anderson Gomes. Nous ne cesserons pas de nous battre tant que justice n’aura pas été rendue.
Jurema Werneck, directrice d’Amnesty International Brésil
Les autorités qui enquêtent sur la mort de Marielle Franco n’ont ni confirmé ni nié enquêter sur les informations des médias faisant état de la possible implication d’agents de la police militaire, de représentants des autorités locales, de groupes de milice ou d’un groupe d’hommes de main professionnels connu sous le nom de « Bureau du crime ».
D’après les informations de la presse, l’arme du crime était un pistolet-mitrailleur HK-MP5, un modèle dont l’utilisation au Brésil est réservée au personnel de sécurité et militaire et à certains représentants du système de justice pénale. Plusieurs armes de ce modèle qui apparaissaient dans l’inventaire de la police de Rio en 2011 ont disparu, et les munitions utilisées pour commettre le crime auraient fait partie d’un lot appartenant à la police fédérale qui avait disparu quelques années auparavant.
D’après des témoins, la voiture de Marielle Franco et celle de ses meurtriers étaient en mouvement quand les coups de feu ont été tirés. La précision des tirs, qui ont touché Marielle Franco à plusieurs reprises à la tête, indique que le tireur avait suivi un entraînement spécialisé. Des caméras de surveillance installées sur la scène exacte du crime ont été éteintes un jour ou deux avant l’homicide. D’autres images de surveillance montrent deux voitures suivant celle de Marielle Franco le soir du meurtre. Les médias locaux ont indiqué que les plaques d’immatriculation des véhicules étaient fausses.
Pendant toute l’enquête, des experts médicolégaux ont publiquement dénoncé des négligences, des procédures irrégulières et des violations de la procédure légale. Ils ont notamment signalé qu’aucun examen radio des dépouilles n’avait été mené lors de l’autopsie, que la voiture dans laquelle Marielle Franco et Anderson Gomes ont été tués n’avait pas été entreposée correctement et que les témoins du crime n’avaient pas été convoqués pour faire des déclarations.