Les irrégularités de l’enquête et de la procédure judiciaire concernant le meurtre de la militante des droits humains Berta Cáceres, ajoutées au fait que toutes les personnes ayant organisé ce crime n’ont pas encore été identifiées, permettent de conclure que ni le droit à la justice, ni le droit à la vérité, ni le droit d’obtenir réparation n’ont été garantis dans cette affaire emblématique, a déclaré Amnesty International jeudi 29 novembre.
« En excluant les victimes du procès pour le meurtre de la militante des droits humains Berta Cáceres et en imposant le ministère public – une institution qui aurait porté atteinte à leurs droits à plusieurs reprises – pour les représenter, le tribunal bloque le chemin de la vérité et de la justice pour ses proches, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
« En dépit de la décision rendue aujourd’hui dans cette affaire emblématique, le système judiciaire du Honduras doit montrer son engagement en faveur de la vérité et identifier toutes les personnes qui ont planifié et ordonné le meurtre de Berta Cáceres. »
En dépit de la décision rendue aujourd’hui dans cette affaire emblématique, le système judiciaire du Honduras doit montrer son engagement en faveur de la vérité et identifier toutes les personnes qui ont planifié et ordonné le meurtre de Berta Cáceres.
Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International
Jeudi 29 novembre, le Tribunal pénal national a conclu le procès de huit personnes accusées de l’assassinat de cette dirigeante de la communauté indigène lenca et défenseure de l’environnement, survenu le 2 mars 2016.
Douglas Bustillo (un militaire à la retraite), Henry Hernández (un ancien soldat), Edilson Duarte Meza, Óscar Torres, Sergio Rodríguez Orellana (un dirigeant de DESA, la société qui a construit le barrage d’Agua Zarca, auquel la militante s’opposait) et Mariano Díaz Chávez (un commandant de l’armée) ont tous été reconnus coupables par le tribunal. Emerson Duarte Meza a été déclaré non coupable.
David Castillo, le directeur général de DESA arrêté le 2 mars 2018, est toujours en attente de son procès.
Irrégularités dans la procédure
Tout au long de l’enquête, la famille de la militante des droits humains et Gustavo Castro, seul témoin du meurtre, ont répété que le ministère public du Honduras ne leur avait pas permis d’accéder pleinement au dossier de l’affaire et aux éléments de preuve.
Le tribunal n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour que les victimes puissent accéder aux preuves et au dossier, les représentants de la famille de Berta Cáceres et de Gustavo Castro ont déposé une requête en vue de récuser les membres de la cour, considérant qu’ils manquaient d’impartialité pour examiner et juger l’affaire. Cette requête a entraîné la suspension du procès, qui devait débuter le 17 septembre.
Le tribunal s’est à nouveau réuni pour commencer le procès le 19 octobre. Les avocats de la famille de Berta Cáceres et de Gustavo Castro ne se sont cependant pas présentés au tribunal, arguant que la reprise du procès était illégale puisque le recours en amparo formé justement pour éviter qu’il ne commence était encore en attente d’une décision.
Le jour même, le tribunal a déclaré l’abandon du procès par les proches de Berta Cáceres et par Gustavo Castro. Par conséquent, il a désigné le ministère public pour représenter la famille de la militante des droits humains et le témoin de son assassinat.
La décision du tribunal d’imposer le ministère public comme représentant des victimes porte atteinte aux garanties d’une procédure régulière et donc au droit des victimes d’accéder à la justice, à la vérité et à des réparations. La représentation des victimes n’aurait pas dû être confiée à une institution à qui elles ont plusieurs fois reproché de bafouer leurs droits.
Campagnes de dénigrement et possibles discriminations
Au fil du procès, le Conseil civique d’organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) et le Vaste mouvement pour la dignité et la justice (MADJ), organisation dont font partie les avocats de la famille de Berta Cáceres, ont été la cible de campagnes de dénigrement visant à discréditer leur travail en faveur des droits humains. Les autorités n’ont ni réfuté ces accusations, ni souligné l’importance de défendre les droits humains afin de protéger les membres de ces organisations d’autres attaques.
Selon le COPINH, le 31 août 2018, des fonctionnaires de justice ont obligé des membres indigènes du public à ôter leur tenue traditionnelle avant d’entrer dans la salle d’audience et refusé l’entrée à certains car il n’y avait pas assez de places. En revanche, des diplomates de diverses ambassades ont été autorisés à entrer et des sièges supplémentaires leur ont été fournis.