RDC. Lancement de la campagne électorale dans un contexte de violations persistantes des droits humains

La campagne électorale va se dérouler dans un environnement politique hostile qui laisse peu de place aux citoyens pour exercer leurs droits humains librement et en sécurité, a déclaré Amnesty International à la veille du lancement de la campagne le 22 novembre, pour ces élections longtemps attendues en République démocratique du Congo (RDC).

Le gouvernement maintient une interdiction totale des manifestations autres que celles organisées par des acteurs politiques proches du président sortant Joseph Kabila. Les opposants et ceux qui réclament des améliorations au niveau de la sécurité et des services sont en butte aux menaces, aux actes d’intimidation et de harcèlement, aux arrestations et aux dispersions violentes qui se traduisent souvent par des morts et des blessés.

La détermination des autorités à réduire au silence la dissidence est évidente : elles étouffent systématiquement toute forme de critique ou de revendication publique, qu’elle touche à la situation difficile du pays en termes de sécurité, aux revendications sociales ou au processus électoral en cours.

Joan Nyanyuki, directrice régionale pour Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands Lacs à Amnesty International

« La détermination des autorités à réduire au silence la dissidence est évidente : elles étouffent systématiquement toute forme de critique ou de revendication publique, qu’elle touche à la situation difficile du pays en termes de sécurité, aux revendications sociales ou au processus électoral en cours », a déclaré Joan Nyanyuki, directrice régionale pour Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands Lacs à Amnesty International.

Le 15 novembre, deux étudiants de l’Université de Kinshasa sont morts, tués par les tirs de la police, qui a utilisé de manière illégale la force létale sur le campus pour disperser les étudiants manifestant pacifiquement contre la grève de leurs professeurs. Les policiers qui ont fait feu ont été arrêtés et inculpés, mais leurs supérieurs au sein de la chaîne de commandement doivent encore rendre des comptes pour avoir déployé des policiers armés sur un campus universitaire.

Au mois d’août, cinq personnes ont été tuées à Lubumbashi alors qu’elles étaient descendues dans les rues pour protester contre l’interdiction faite à Moise Katumbi, leader de l’opposition en exil, de revenir au pays pour se présenter comme candidat à l’élection présidentielle.

Les autorités font clairement preuve de partialité et de sélectivité en autorisant les rassemblements du parti au pouvoir, tout en réprimant les rassemblements et les manifestations des partisans de l’opposition et des détracteurs du gouvernement.

Joan Nyanyuki, Amnesty International

« Les autorités font clairement preuve de partialité et de sélectivité en autorisant les rassemblements du parti au pouvoir, tout en réprimant les rassemblements et les manifestations des partisans de l’opposition et des détracteurs du gouvernement », a déclaré Joan Nyanyuki.

Depuis le mois d’août, lorsque le président Joseph Kabila a clairement indiqué qu’il respecterait la Constitution et ne se présenterait pas pour un troisième mandat, Amnesty International a recensé plus de 150 arrestations et détentions arbitraires à travers le pays, dont 28 jeunes militants à Kinshasa qui auraient remis en cause la crédibilité de ce scrutin.

Au moins 50 personnes arrêtées de manière arbitraire ont été soumises à une détention prolongée, certaines ont été frappées. En septembre, deux policiers ont été arrêtés et placés en détention pendant deux semaines pour « passivité » et « non-respect des instructions de leur hiérarchie », parce qu’ils n’avaient pas empêché une manifestation pacifique des militants du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA) à Kananga, dans le centre de la RDC.

La police recourt de manière endémique à des méthodes brutales pour écraser la dissidence et les manifestations, ce qui sape et menace la liberté des citoyens d’exercer leurs droits humains avant, pendant et après la campagne et la période électorale.

Joan Nyanyuk, Amnesty International

« La police recourt de manière endémique à des méthodes brutales pour écraser la dissidence et les manifestations, ce qui sape et menace la liberté des citoyens d’exercer leurs droits humains avant, pendant et après la campagne et la période électorale », a déclaré Joan Nyanyuki 

Les autorités doivent immédiatement lever l’interdiction totale imposée aux rassemblements publics et permettre à chacun d’organiser des réunions et des rassemblements pacifiques et d’y participer, sans ingérence.

Par ailleurs, le gouvernement doit libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir manifesté sans violence, notamment les quatre militants du mouvement citoyen Filimbi, détenus depuis décembre 2017, et les sept militants du mouvement Les Congolais Debout, détenus au secret depuis septembre 2018. Les militants politiques et pro-démocratie en exil doivent être autorisés à rentrer en RDC et à poursuivre leurs activités.

Les journalistes congolais et étrangers doivent pouvoir circuler librement en RDC pour couvrir rapidement les événements d’intérêt public, sans avoir à demander à chaque fois une autorisation.

Joan Nyanyuki, Amnesty International

En outre, le gouvernement doit veiller à ce qu’Internet et les réseaux sociaux ne soient pas coupés et à ce que les journalistes puissent faire leur travail librement.

« Nous sommes préoccupés par le fait que la mesure prise par le gouvernement en juillet 2017, exigeant que les correspondants étrangers demandent une autorisation à chaque fois qu’ils veulent se rendre dans des régions différentes de celle pour laquelle ils ont au départ été accrédités. Cette mesure est une grave atteinte à la liberté de la presse et doit être annulée sans attendre, a déclaré Joan Nyanyuki.

« Les journalistes congolais et étrangers doivent pouvoir circuler librement en RDC pour couvrir rapidement les événements d’intérêt public, sans avoir à demander à chaque fois une autorisation. »

Le gouvernement doit tout faire pour garantir la sécurité lors de la campagne et du scrutin, et doit amener toute personne soupçonnée d’être responsable d’atteintes aux droits humains à rendre des comptes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU doivent aussi jouer un rôle proactif pour la protéger les civils contre toute violence, qu’elle soit imputable aux forces gouvernementales ou aux groupes armés, conformément au mandat du Conseil de sécurité.

Complément d’information

La République démocratique du Congo (RDC) organise ses élections – présidentielle, législatives et provinciales – très attendues le 23 décembre 2018, avec plus de deux ans de retard. Elles étaient au départ prévues en novembre 2016.

Plus de 40 millions de personnes sont enregistrées comme électrices. Elles voteront parmi 21 candidats qui briguent la présidence de la République, plus de 15 000 candidats qui briguent 500 sièges à l’Assemblée nationale, et plus de 19 000 candidats pour les sièges de 26 Assemblées provinciales.

Plus de 40 millions de personnes sont enregistrées comme électrices. Elles voteront parmi 21 candidats qui briguent la présidence de la République, plus de 15 000 candidats qui briguent 500 sièges à l’Assemblée nationale, et plus de 19 000 candidats pour les sièges de 26 Assemblées provinciales.

Le lancement officiel de la campagne est fixé au 22 novembre et elle se terminera le 21 décembre.

Ces élections sont marquées par la controverse et les contestations au sujet de « l’indépendance de la Commission électorale indépendante (CENI), l’usage de la machine à voter et le fichier électoral. » En effet, celui-ci a fait l’objet d’un audit de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui a révélé que six millions d’électeurs ont été enregistrés sans empreintes digitales.

Le président Joseph Kabila, dont le mandat a officiellement pris fin en 2016, est resté au pouvoir, annonçant en août qu’il ne se présenterait pas lors des prochaines élections et désignant l’ancien ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary comme le candidat de son parti à la présidence.