La nouvelle Loi sur la sécurité numérique adoptée au Bangladesh, encore plus répressive que celle qu’elle remplace, est une atteinte à la liberté d’expression, écrit Amnesty International dans une synthèse rendue publique le 12 novembre 2018.
Intitulé Muzzling Dissent Online, ce document met en garde contre les dispositions vagues et générales du nouveau texte de loi, qui pourraient servir à intimider et emprisonner les journalistes et les utilisateurs de réseaux sociaux, à réduire les dissidents au silence et à mener des formes intrusives de surveillance.
« Loin de rompre avec le passé, lorsque la Loi sur les technologies de l’information et de la communication avait servi à arrêter au moins 1 200 personnes au Bangladesh, cette nouvelle loi draconienne menace d’être encore plus répressive, a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
« La Loi sur la sécurité numérique criminalise de nombreuses formes de liberté d’expression et prévoit de lourdes amendes et peines de prison pour des formes légitimes de dissidence. Incompatible avec le droit international et les normes internationales, elle doit être abrogée sans attendre. »
Au cours des six dernières années, le gouvernement du Bangladesh, en vertu de la Loi sur les technologies de l’information et de la communication en vigueur avant la Loi sur la sécurité numérique, a arrêté plus d’un millier de personnes – pour la plupart au titre de l’article 57.
Atteinte à la liberté d’expression
Alors que le gouvernement s’est engagé à garantir le droit à la liberté d’expression au Bangladesh, notamment en acceptant les recommandations précises visant à abroger les dispositions draconiennes de la Loi sur les technologies de l’information et de la communication, plusieurs dispositions de la nouvelle Loi sur la sécurité numérique représentent une menace tout aussi grave pour les droits humains.
Elle est gangrénée par des définitions, des explications et des exceptions peu claires, et prévoit pour 14 infractions au moins des sanctions excluant toute possibilité de libération sous caution.
L’article 21 autorise la détention à perpétuité, ainsi qu’une lourde amende, pour avoir participé à une « propagande » ou à une « campagne » dénigrant « l’esprit de la Guerre de libération », « le père de la nation », « l’hymne national » ou « le drapeau national ».
L’article 25 de la loi offre une protection spéciale à l’Etat, et peut ainsi être invoqué pour interdire ou sanctionner une expression politique légitime. L’article 28 dispose que la publication ou la diffusion de « toute information qui heurte les valeurs ou les sentiments religieux » constitue une infraction pénale.
L’immense pouvoir de l’Agence de sécurité numérique
La loi confère à l’Agence de sécurité numérique le pouvoir absolu d’ouvrir une enquête sur tout citoyen dont les activités sont jugées nuisibles ou représentant une menace. L’agence peut aussi ordonner à la Commission de régulation des télécommunications du Bangladesh de supprimer ou de bloquer des informations ou des données sur Internet.
Aux termes de la loi, la police a le pouvoir d’arrêter un citoyen, sans mandat, si elle le soupçonne de préparer la commission d’un crime en utilisant les outils numériques.
« En l’absence d’une procédure de révision judiciaire permettant d’examiner et d’annuler les actions de l’État du Bangladesh, les pouvoirs de l’agence de sécurité numérique semblent à la fois immenses et arbitraires, a déclaré Dinushika Dissanayake.
« Le gouvernement doit proposer des garanties suffisantes pour que les citoyens puissent demander réparation s’ils estiment que leurs droits sont bafoués et leurs opinions injustement censurées par l’État. »