Des chercheurs d’Amnesty International ont découvert des équipements de torture illégaux, notamment des matraques à pointes, des fourches antiémeute à pointes envoyant des décharges électriques, des gilets envoyant des décharges électriques et de lourdes entraves pour les pieds, vendues par des entreprises chinoises sur le salon Milipol, qui présente des équipements militaires et de police et qui se tient à Paris cette semaine.
L’importation et l’exportation d’équipements de torture sont interdites dans l’Union européenne (UE) depuis 2006. En 2016, l’UE a également interdit la promotion et l’exposition de ces équipements dans les salons professionnels.
Certains de ces articles découverts par Amnesty International figuraient dans des catalogues présentés à Milipol, et d’autres étaient exposés au salon, et l’on se demande comment ils ont pu être importés dans l’UE.
La France permet aux tortionnaires de venir faire leur marché.
Ara Marcen Naval, conseillère sur le contrôle des armes à Amnesty International
« Des instruments de torture effrayants tels que des matraques électriques et de lourdes entraves pour les pieds sont censés être interdits dans l’UE. Alors pourquoi en trouve-t-on en vente à Paris aujourd’hui ?, a déclaré Ara Marcen Naval, conseillère sur le contrôle des armes à Amnesty International.
« En ne faisant pas appliquer la législation, la France permet aux tortionnaires de venir faire leur marché. Milipol est le premier véritable test grandeur nature pour la nouvelle règlementation de l’UE sur les instruments de torture, et il est très inquiétant de constater que ces règles sont déjà bafouées, moins d’un an après leur entrée en vigueur. »
En septembre, l’« Alliance pour des échanges commerciaux sans instruments de torture » a été lancée sous la houlette de l’UE par la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malström, lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Cette Alliance, dont fait partie la France, vise notamment à promouvoir la législation lancée par l’UE.
Si les États de l'UE ne mettent pas correctement en œuvre cette législation au sein même de l'UE, comment peuvent-ils persuader d'autres pays de mettre fin à cet atroce commerce ?
Ara Marcen Naval
« L’UE a ouvert la voie en ce qui concerne l’interdiction des équipements de torture, mais nous avons vu aujourd’hui des instruments de torture fièrement exposés au cœur de Paris. Si les États de l’UE ne mettent pas correctement en œuvre cette législation au sein même de l’UE, comment peuvent-ils persuader d’autres pays de mettre fin à cet atroce commerce ?, a déclaré Ara Marcen Naval.
« Nous demandons instamment aux autorités françaises d’enquêter de toute urgence sur l’importation de ces articles illicites. Elles doivent mettre en place des mesures garantissant la stricte application de la législation de l’UE afin que personne et qu’aucun pays ne continue de tirer bénéfice de ce commerce d’instruments conçus pour infliger des souffrances à des êtres humains. »
Complément d’information
Liste complète des équipements vus par les chercheurs d’Amnesty International au salon Milipol :
Entraves électriques pour les chevilles, fourches antiémeute à pointes envoyant des décharges électriques, gilets envoyant des décharges électriques, appareils à décharges électriques pour les cuisses, boucliers à décharges électriques pouvant être munis de pointes, entraves lestées pour les pieds, manchette de protection à pointes, lourdes entraves pour les pieds.
Milipol est l’un des plus grands salons organisés en Europe dans le domaine de la sécurité, et il se tient à Paris du 21 au 24 novembre 2017.
Amnesty International a signalé ses observations au service de contrôle du salon. Des représentants de ce service ont dit qu’ils essaient de contrôler les stands pour surveiller la présence d’articles interdits de ce type. Amnesty International estime qu’il est nécessaire que Milipol accroisse de façon significative les ressources dédiées à cette tâche.
Le terme « instruments de torture » désigne une large gamme d’équipements en matière de sécurité et de maintien de l’ordre qui peuvent être utilisés pour torturer, maltraiter ou exécuter des personnes. Pour en savoir plus, consultez le rapport d’Amnesty International et Omega intitulé Tackling The Trade In Tools Of Torture And Execution Technologies.
Les gouvernements de l’UE ont adopté le Règlement (CE) n° 1236/2005 qui porte sur « le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Il est entré en vigueur le 31 juillet 2006.
Les listes de biens interdits et soumis à contrôle se trouvent dans le Règlement d’exécution (UE) n° 775/2014 de la Commission et ont été modifiées par le Règlement (UE) n° 2016/2134 du Parlement européen et du Conseil. Le Règlement (UE) n° 2016/2134 a été adopté le 16 décembre 2016 et il renforce le texte de 2005.
Version consolidée : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1497343656144&uri=CELEX%3A02005R1236-20170317
Il interdit explicitement la promotion de ces biens (Annexe II) lors des salons et expositions professionnels au sein de l’Union, ainsi que l’achat d’espaces/de temps publicitaires (y compris en ligne) pour de tels biens.