Au cours de la semaine dernière, les autorités saoudiennes ont intensifié leur répression contre la liberté d’expression et arrêté plus de 20 dignitaires religieux, écrivains, journalistes, universitaires et militants, a déclaré Amnesty International.
« C’est la première fois au cours de ces dernières années qu’autant de personnalités saoudiennes sont ciblées en si peu de temps, a déclaré Samah Hadid, directrice des campagnes pour le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Il est clair que les autorités, désormais dirigées par le prince héritier Mohamad Bin Salman, adressent un message glaçant : la liberté d’expression ne sera pas tolérée, vous êtes dans notre collimateur. »
Parmi les personnes arrêtées figurent des dignitaires religieux musulmans comme Salman al Awda, personnalité influente qui compte plus de 14 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, et qui a été interpellé le 9 septembre. Il est connu pour ses appels à la réforme et prône un plus grand respect des droits humains au sein de la charia islamique.
Abdullah al Maliki, universitaire et écrivain connu pour son engagement en faveur de réformes et des droits humains, aurait été arrêté le 12 septembre. Essam al Zamel, entrepreneur connu pour ses articles soulignant la nécessité de réformes économiques, a lui aussi été arrêté le même jour.
Les autorités n’ont donné aucune information sur le lieu où se trouvent les personnes ciblées dans le cadre de cette répression. On ignore le nombre de personnes interpellées, des informations sur de nouvelles arrestations étant postées sur les réseaux sociaux.
« Amnesty International est très préoccupée par le sort des personnes arrêtées. Le gouvernement saoudien doit révéler immédiatement où elles se trouvent, garantir leur protection contre la torture et les mauvais traitements, et leur permettre de consulter leurs avocats et de communiquer avec leurs familles, a déclaré Samah Hadid.
« Les autorités doivent sans délai dévoiler les charges pesant sur les détenus et, s’ils sont détenus pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, les libérer immédiatement. »
Si les raisons exactes de ces arrestations demeurent floues, la sécurité de l’État, organe dépendant du roi récemment mis sur pied pour consolider le renseignement antiterroriste et national, a publié une déclaration le 11 septembre, affirmant qu’elle avait repéré « les activités de renseignement d’un groupe de personnes œuvrant au profit de parties étrangères contre la sécurité du Royaume, ses intérêts, ses choix, ses potentialités et sa paix sociale, afin de susciter la sédition et de porter atteinte à l’unité nationale ».
« Certaines personnes arrêtées sont des personnalités connues pour leur militantisme pacifique. Si elles sont finalement accusées d'” incitation à la discorde ” et d'” atteinte à l’unité nationale “, infractions considérées comme des crimes terroristes en Arabie saoudite, les perspectives pour la liberté d’expression dans le pays seront bien sombres », a déclaré Samah Hadid.
Depuis que le prince Mohamad Bin Salman est devenu prince héritier le 21 juin, la situation des droits humains dans le pays s’est nettement détériorée.
Les autorités continuent de traduire des défenseurs des droits humains en justice pour des accusations liées à leurs activités pacifiques devant le Tribunal pénal spécial à Riyadh, tribunal de triste réputation mis en place pour connaître des affaires de sécurité et de terrorisme au titre de la loi antiterroriste de 2014. On recense également une hausse inquiétante des exécutions et la confirmation des condamnations à mort de dissidents politiques.
« La majorité des défenseurs saoudiens des droits humains se trouvent déjà en prison en train de purger leurs peines ou sont jugés dans le cadre de procès manifestement iniques. Ceux qui restent craignent de voir leur nom figurer sur une ” liste noire ” et d’être arrêtés sous peu », a déclaré Samah Hadid.
Complément d’information
Depuis 2013, les autorités saoudiennes ciblent les militants de la société civile et les défenseurs des droits humains. Les militants indépendants les plus connus et autres détracteurs ont été réduits au silence, poursuivis en justice et condamnés à de lourdes peines de prison ou contraints de fuir le pays.
Des défenseurs des droits humains sont poursuivis pour des accusations formulées en termes vagues et généraux au titre de la loi antiterroriste de 2014 en lien avec leurs activités pacifiques et condamnés à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à 15 ans à l’issue de procès iniques devant le Tribunal pénal spécial, tribunal de triste réputation constitué pour connaître des infractions liées à la sécurité et au terrorisme.
En juillet 2017, Abdulaziz al Shubaily, dernier membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) à être condamné, a été informé par le Tribunal pénal spécial que sa condamnation à une peine de huit ans d’emprisonnement, assortie d’une interdiction de voyager consécutive de la même durée et d’une interdiction d’écrire sur les réseaux sociaux, avait été confirmée. Il risque aujourd’hui d’être incarcéré à tout moment.
Le 21 août, les défenseurs des droits humains Issa al Nukheifi et Essam Koshak ont comparu devant le Tribunal pénal spécial. Ils ont été inculpés de plusieurs infractions liées à leur militantisme en faveur des droits fondamentaux et de leurs publications sur les réseaux sociaux.