Russie. La condamnation d’une bibliothécaire pour détention de « livres extrémistes » témoigne d’un mépris flagrant pour l’état de droit

La condamnation pour détention de « livres extrémistes » de Natalia Charina, ancienne directrice de la Bibliothèque de littérature ukrainienne, un organisme public situé à Moscou, témoigne d’un mépris flagrant pour l’état de droit et met en lumière les failles dans l’indépendance du système judiciaire en Russie, a déclaré Amnesty International le 5 juin 2017.

Natalia Charina a été déclarée coupable d’« incitation à la haine » et de « détournement de fonds », et condamnée à une peine de quatre ans de prison avec sursis par le tribunal de district de Meschanski, à Moscou. Elle a été arrêtée en octobre 2015, après que des œuvres du nationaliste ukrainien Dimitri Kortchinski ont été trouvées dans une pile de livres qui n’avaient pas encore été indexés dans la bibliothèque qu’elle dirigeait. Les œuvres de Kortchinski sont officiellement interdites en Russie et les livres ont été qualifiés d’« extrémistes » et de « propagande anti-russe » par le procureur.

« Cette affaire très politisée va totalement à l’encontre de la justice et met en lumière les graves lacunes de l’indépendance du système judiciaire en Russie. Natalia Charina n’aurait jamais dû être inculpée, et encore moins reconnue coupable, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International.

L'accusation a exploité le climat très hostile à l'Ukraine qui règne actuellement en Russie

Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International

« L’accusation a exploité le climat très hostile à l’Ukraine qui règne actuellement en Russie, tandis que le tribunal a tout bonnement écarté des preuves clés pour la défense, notamment des témoignages selon lesquels des policiers ont été vus en train de placer en secret les livres interdits à la bibliothèque. »

Durant le procès, le procureur a accusé Natalia Charina de promouvoir le nationalisme ukrainien, affirmant qu’il marche « main dans la main avec le fascisme allemand ».

Amnesty International considère ces deux accusations comme infondées et motivées par des considérations politiques, et estime que Natalia Charina est victime d’une parodie de justice. 

Complément d’information

Arrêtée le 28 octobre 2015, Natalia Charina a passé un an et sept mois en résidence surveillée avant de comparaître en justice.

En avril 2016, elle a été accusée de détournement de fonds : elle aurait détourné des fonds de la bibliothèque afin de payer un avocat pour la défendre dans le cadre de poursuites infondées engagées à son encontre en 2011 et 2013.