Sommet Chine/États-Unis. Faire l’économie des droits humains aboutira à un monde plus dangereux

Si les droits humains ne figurent pas à l’ordre du jour de la première rencontre entre le président Donald Trump et le président Xi Jinping, qui doit se dérouler en Floride les 6 et 7 avril, cela risquerait d’inciter les gouvernements du monde entier à mener des politiques clivantes, destructrices et déshumanisantes, a déclaré Amnesty International le 5 avril.

Cette rencontre intervient alors que les deux présidents restreignent des protections relatives aux droits humains, ce qui touche des millions de personnes en Chine, aux États-Unis et à travers le monde

Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International

« En tant que dirigeants de deux des plus grandes puissances du globe, ce que disent et font les présidents Trump et Xi en matière de droits humains résonne bien au-delà de leurs propres frontières. Cette rencontre intervient alors que les deux présidents restreignent des protections relatives aux droits humains, ce qui touche des millions de personnes en Chine, aux États-Unis et à travers le monde. Des réfugiés renvoyés à la frontière américaine aux avocats des droits humains qui croupissent dans les geôles chinoises, les conséquences de leur mépris envers les droits fondamentaux sont dévastatrices, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

« Les droits humains sont gravement menacés autour du globe et faute d’un leadership audacieux et éclairé, nous suivrons un cap très dangereux. Le reste du monde a les yeux tournés vers eux : le président Donald Trump et le président Xi Jinping doivent placer les droits humains au cœur de leur rencontre, s’éloigner du précipice et réaffirmer leur engagement envers leurs obligations internationales. »

Le président Donald Trump continue de mettre en application ses promesses de campagne haineuses et xénophobes, par exemple en s’entêtant à priver des personnes qui fuient des conflits et des persécutions dans des pays ravagés par la guerre, comme la Syrie, de la possibilité de trouver refuge aux États-Unis.

Depuis le 1er avril, les États-Unis assument la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU et ils ont promis d’accorder la priorité aux droits humains. Peu avant, l’administration Trump a pourtant levé les conditions relatives aux droits humains qui bloquaient la vente de chasseurs F-16 à Bahreïn, alors que ce pays participe à une coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui a bombardé des milliers de civils au Yémen.

« De nombreux gouvernements s’inspireront de la politique du président Trump et le message délivré jusqu’à présent est qu’il est prêt à fermer les yeux sur de graves violations des droits humains », a déclaré Margaret Huang, directrice d’Amnesty International États-Unis.

Par ailleurs, les États-Unis se sont abstenus de condamner la persécution croissante visant les avocats défenseurs des droits humains en Chine, en refusant de signer une lettre dans laquelle le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada, ainsi que huit autres pays, exhortaient la Chine à enquêter sur les allégations de torture.

Répression orchestrée par le président Xi Jinping

Les cinq années au pouvoir du président Xi Jinping ont été marquées par une répression généralisée visant les détracteurs du gouvernement, les avocats, les journalistes et les militants. Beaucoup sont condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de procès iniques. C’est le cas d’Ilham Tohti, critique à l’égard des politiques du gouvernement chinois vis-à-vis des minorités ethniques, qui a été condamné à la détention à perpétuité en 2014 pour « séparatisme », une accusation sans fondement.

Il faut que la communauté internationale fasse pression sur la Chine et que les États-Unis n’hésitent pas à mettre en avant ces critiques

Margaret Huang

Depuis 2015, le gouvernement chinois a adopté une série de lois vagues en prétextant la sécurité nationale. Elles servent à réduire au silence la dissidence et à réprimer les militants, en s’appuyant sur des infractions à caractère politique comme la « subversion ».

En 2015, une loi antiterroriste a été promulguée qui ne contenait pratiquement aucune garantie pour éviter que des personnes pratiquant leur religion ou critiquant l’action du gouvernement de façon pacifique ne soient poursuivies pour des infractions ayant trait au « terrorisme », dont le champ d’application est étendu.

« Les droits humains connaissent des jours sombres en Chine. Les autorités se servent de ces nouvelles lois relatives à la sécurité nationale pour prendre la mainmise sur la société civile et persécuter les détracteurs pacifiques, faisant preuve d’un mépris total pour le droit international relatif aux droits humains, a déclaré Salil Shetty.

« Il faut que la communauté internationale fasse pression sur la Chine et que les États-Unis n’hésitent pas à mettre en avant ces critiques », a déclaré Margaret Huang.

Paralysie au Conseil de sécurité de l’ONU

Le Conseil de sécurité de l’ONU demeure paralysé par les rivalités entre les États membres permanents, notamment les États-Unis et la Chine. Le gouvernement chinois a usé de son droit de veto à l’ONU pour empêcher que des sanctions ne soient imposées aux responsables des atrocités massives commises en Syrie.

Par ailleurs, les États-Unis semblent vouloir qu’Israël puisse continuer de se soustraire à l’examen de ses graves violations des droits humains, et ont opposé leur veto aux résolutions visant à l’amener à rendre des comptes pour les civils morts à Gaza et pour la poursuite des activités de colonisation dans les Territoires palestiniens occupés.

Dans son discours au Forum économique mondial à Davos, en début d’année, le président Xi Jinping a exhorté les gouvernements à faire respecter l’autorité et l’efficacité des institutions multilatérales. Pourtant, le gouvernement chinois s’oppose aux investigations des organes de défense des droits humains de l’ONU, malgré ses récentes promesses de coopération.

Amnesty International engage les États-Unis et la Chine, ainsi que les trois autres membres permanents du Conseil de sécurité, à renoncer à leur droit de veto dans les cas où des atrocités sont commises.

« Lorsqu’un intérêt national étriqué prend le pas sur les droits humains, les principes de base tels que l’obligation de rendre des comptes pour les atrocités massives et le droit d’asile sont en jeu. Si deux des dirigeants les plus puissants de la planète ne prennent pas dûment en compte les droits humains, l’effet domino sera dévastateur, mettant en péril des garanties relatives à ces droits, et de nouvelles crises sont à prévoir », a déclaré Salil Shetty.