L’agence de l’ONU doit maintenir la pression sur le Qatar, car sa réforme sur le travail des migrants n’est pas à la hauteur

Le Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) doit continuer de passer au crible le bilan du Qatar concernant les abus dont sont victimes les travailleurs migrants, a déclaré Amnesty International à l’approche du 21 mars, date à laquelle sera prise la décision concernant la plainte déposée par des syndicats contre l’État du Golfe.

La semaine dernière, le gouvernement a déclaré avoir « abrogé » sa loi controversée sur le parrainage, notamment l’obligation pour les travailleurs migrants d’obtenir de leurs employeurs un permis de sortie pour quitter le pays. Amnesty International estime que cette allégation est trompeuse et que les raisons de clore la procédure de plainte contre le Qatar restent insuffisantes. Elle demande que la procédure de plainte de l’OIT se poursuive, conformément au projet de décision rendu public avant la session du 21 mars.

« C’est un tournant pour les travailleurs migrants au Qatar. Le gouvernement a pris publiquement des engagements en réaction à la pression exercée par l’OIT, mais les allégations selon lesquelles il a aboli le système de parrainage ne tiennent pas debout, a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Thématiques mondiales à Amnesty International.

« Si le Conseil d’administration de l’OIT valide les réformes inadaptées du Qatar en abandonnant sa plainte, cela pourrait avoir des conséquences néfastes pour les droits des migrants au Qatar et dans la région. »

L’OIT se penche sur les atteintes au droit du travail dans le pays depuis 2014, en mettant l’accent sur le travail forcé et l’inspection du travail. Mardi 21 mars, le Conseil d’administration de l’OIT examinera un projet de décision qui propose d’accorder au Qatar huit mois supplémentaires pour démontrer qu’il a entrepris les réformes nécessaires concernant le travail des migrants.

Le gouvernement du Qatar a fait une série d’annonces au sujet du travail à l’approche de la réunion du Conseil d’administration, ce qui laisse à penser que la procédure de plainte a un certain impact. Cependant, ces annonces n’ont pas encore débouché sur des réformes de fond et il importe de maintenir la pression afin que ces promesses deviennent réalité.

Complément d’information sur la nouvelle loi sur le travail au Qatar

La semaine dernière, le gouvernement du Qatar a déclaré à l’OIT que sa nouvelle loi sur le travail (Loi n° 21 de 2015) « abrogeait le système de kafala [parrainage] » et qu’une modification ultérieure (Loi n° 1 de 2017) avait « abrogé le permis de sortie ».

Si la nouvelle loi sur le travail comporte un changement qui pourrait s’avérer majeur, à savoir la suppression de la règle interdisant aux travailleurs migrants de revenir travailler au Qatar pendant deux ans sans l’accord de leur ancien parrain, elle a peu changé la situation pour les travailleurs dans leur ensemble. Les termes « parrain » et « parrainage » ont été supprimés, mais les principaux éléments du système de parrainage qui sont source d’atteintes au droit du travail demeurent, notamment :

  • Les travailleurs continuent de devoir obtenir la permission de leur employeur pour se mettre en quête d’un nouvel emploi, pendant la durée de leur contrat, qui peut atteindre cinq ans. S’ils changent d’emploi sans cette autorisation, ils s’exposent à des poursuites pénales pour « fuite » et sont susceptibles d’être arrêtés, détenus et expulsés.
  • Les travailleurs continuent de devoir obtenir la permission de leur employeur pour quitter le pays. La loi n° 1 de 2017 confirme que les travailleurs doivent désormais « notifier » leur employeur de leur départ pour pouvoir quitter le pays. La procédure de « notification » fait écho au système de permis de sortie en place.
  • La nouvelle loi sur le travail introduit une faille qui permet facilement aux employeurs qui exploitent leurs employés de confisquer leurs passeports. L’augmentation de la sanction pécuniaire en cas de confiscation de passeport est affaiblie par la possibilité qu’ont désormais les employeurs de conserver les passeports des travailleurs, avec leur consentement par écrit, en toute légalité. Cette mesure augmente le risque que des employeurs qui violent les droits de leurs travailleurs conservent leurs passeports contre leur gré.