Les États-Unis entrent en guerre contre les réfugiés musulmans

Le président Donald J.Trump ne prend plus de gants. En promulguant vendredi 27 janvier l’ordonnance visant à « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux États-Unis », il déclare la guerre aux réfugiés musulmans autour du monde.
D’un trait de plume, le président a – entre autres – interdit aux réfugiés syriens l’entrée sur le sol américain, ainsi qu’à tout ressortissant, réfugiés y compris, d’Iran, d’Irak, de Libye, de Somalie, du Soudan et du Yémen. Ces sept pays partagent deux grands points communs : ils sont majoritairement musulmans et c’est de là que provient la majorité des personnes en quête de sécurité qui tentent de fuir de graves violations des droits humains comme la persécution ou la torture.

S’il n’était pas aussi inquiétant et dangereux, le côté absurde de ce décret confinerait au pathétique.

Il est absurde parce qu’aucune donnée ne vient étayer l’idée que les réfugiés – musulmans ou autres – ont plus de probabilités de commettre des actes de terrorisme que les citoyens. Un réfugié n’est pas quelqu’un qui commet des actes terroristes. C’est quelqu’un qui fuit ceux qui commettent de tels actes. Au titre du droit international, les auteurs de ces crimes perdent automatiquement la possibilité d’obtenir le statut de réfugiés. En outre, le programme américain d’admission de réfugiés prévoit, pour les réfugiés souhaitant entrer aux États-Unis, les contrôles de sécurité les plus rigoureux et complets s’appliquant à une catégorie de personnes – immigrants ou visiteurs.

Le caractère irrationnel du décret le rend grotesque. Mais nul ne devrait en rire.

C’est un document très préoccupant. Confrontée à une urgence mondiale – on compte 21 millions de réfugiés dans le monde – l’une des nations les plus riches et puissantes du globe répond en supprimant une de leurs raisons d’espérer : la réinstallation. Cette procédure permet à des personnes vulnérables (des victimes de torture ou des femmes et des filles en danger), prises au piège de situations terribles dans des pays comme le Liban, la Jordanie, le Kenya et le Pakistan, de se réinstaller dans un pays comme les États-Unis. En résumé, ce décret abandonne les pays d’accueil et sanctionne les plus fragiles parmi une catégorie déjà exposée.

Un réfugié n’est pas quelqu’un qui commet des actes terroristes. C’est quelqu’un qui fuit ceux qui commettent de tels actes.

Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International

Le décret interdit-il explicitement l’entrée du pays aux réfugiés musulmans ? Non. Mais le fondement anti-musulman est flagrant. Tous les pays soumis à ces restrictions sévères sont majoritairement musulmans. Avec cette mesure, le président Donald Trump fait clairement savoir que les États-Unis doivent se protéger contre les musulmans, car ils représentent un danger intrinsèque.

En outre, le texte précise l’une des exceptions à ces nouvelles restrictions, dont bénéficieraient les personnes victimes de persécutions religieuses, mais uniquement si elles appartiennent à une minorité religieuse. Une interprétation simple en est que l’administration Trump réinstallera les chrétiens qui fuient des pays majoritairement musulmans. Cette disposition cache en fait une discrimination religieuse sous couvert de persécution religieuse. On peut même imaginer que ce traitement de faveur aggravera le risque pour les minorités chrétiennes dans certains pays, où elles sont en butte aux discriminations et aux violences au motif qu’elles appartiennent à une religion étrangère ou américaine.

Somme toute, ce décret ferait un outil de recrutement parfait pour les groupes armés comme l’État islamique – toujours prompts à clamer que des pays tels les États-Unis sont fondamentalement hostiles aux musulmans.

Ne vous méprenez pas : des personnes vont perdre la vie à cause de ce décret. Des pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés, se sentant lésés et abandonnés par la communauté internationale, vont se mettre à expulser des réfugiés, ou accroître le nombre d’expulsions. Des hommes, des femmes et des enfants exposés à des violations des droits humains, qui auraient pu se rendre aux États-Unis, et qui sont enlisés dans des situations intenables, « choisiront » de rentrer chez eux, au risque d’être torturés ou tués.

Il importe de se rappeler qui sont ces gens. En 2016, 72 % des réfugiés ayant bénéficié d’une réinstallation aux États-Unis étaient des femmes et des enfants. À mon avis, le terme « réfugié » ne rend pas justice aux personnes qui ont bravé la mort en mer ou dans le désert, et affronté des dangers causés par l’homme, dans l’espoir de reconstruire leur vie en paix. J’ai eu le privilège d’en rencontrer certains, et je suis toujours impressionné par leur résilience face à une adversité inimaginable. N’importe quel pays, y compris les États-Unis, aurait avantage à les accueillir.

Vous ne prenez sans doute plus de gants, M. le Président. Sachez que, par solidarité avec les 21 millions de réfugiés du monde, et les innombrables citoyens et organisations qui travaillent aux côtés et au nom des personnes en quête de protection, nous non plus.

Cet article a initialement été publié dans IPS