Bahreïn. La crise des droits humains est imminente

Les autorités bahreïnites doivent commuer immédiatement la peine capitale des deux hommes sur le point d’être exécutés, a déclaré Amnesty International mercredi 18 janvier. L’organisation a également mis en garde les autorités contre leur réaction sévère aux manifestations contre les trois exécutions par peloton d’exécution du 15 janvier, qui risque de plonger le pays dans une grave crise en matière de droits humains.

Amnesty International appelle les autorités bahreïnites à commuer immédiatement les peines capitales prononcées contre Mohamed Ramadhan et Hussain Ali Moosa, condamnés à mort en décembre 2014 après la mort d’un policier dans un attentat à l’explosif dans le village d’al Deir, en février de cette même année. Aucun d’entre eux n’a bénéficié de l’assistance d’un avocat pendant son interrogatoire. Mohamed Ramadhan affirme avoir été détenu au secret, battu, et soumis à des décharges électriques par les personnes qui l’interrogeaient à la Direction des enquêtes criminelles pour tenter de lui arracher des « aveux ». Hussain Ali Moosa déclare que ses « aveux », qui incriminent Mohamed Ramadhan, lui ont été extorqués après avoir été suspendu au plafond par les membres et battu à maintes reprises pendant plusieurs jours. Le parquet a rejeté les allégations de torture sans ordonner l’ouverture d’une enquête, et les « aveux » de Hussain Ali Moosa ont été utilisés pour condamner les deux hommes.

« En plus de commuer ces condamnations à mort, les autorités bahreïnites doivent immédiatement instaurer un moratoire officiel sur les exécutions. La peine de mort constitue le châtiment le plus cruel et le plus inhumain qui soit, et n’a pas sa place dans un pays qui prétend être attaché aux droits humains, » a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe de la recherche au bureau régional d’Amnesty International à Beyrouth.

En plus de commuer ces condamnations à mort, les autorités bahreïnites doivent immédiatement instaurer un moratoire officiel sur les exécutions.

Lynn Maalouf, directrice adjointe de la recherche au bureau régional d'Amnesty International à Beyrouth

Les autorités bahreïnites doivent également prendre sans délais des mesures afin d’éloigner le pays de la crise des droits humains dans laquelle il risque de sombrer, après les manifestations provoquées par l’exécution, le 15 janvier, de trois hommes par peloton d’exécution. Les autorités ont réagi en faisant un usage excessif de la force et ont accru les restrictions arbitraires imposées aux médias, a déclaré Amnesty International ce mercredi 18 janvier. L’organisation s’est également alarmée du fait que deux autres hommes condamnés à mort, Mohamed Ramadhan Issa Ali Hussain et Hussain Mohamed Ali Moosa Hussain, risquent désormais d’être exécutés à tout moment.

« Bahreïn est proche du point critique. Les centaines de Bahreïnites qui sont descendus dans la rue pour protester contre ces exécutions consternantes, qui ont eu lieu malgré des allégations de torture et après des procès iniques, ont été confrontés à un usage excessif de la force par les forces de sécurité et à l’intensification de la répression de la liberté d’expression, » a déclaré Lynn Maalouf.

« Nous exhortons les autorités bahreïnites à respecter le droit de réunion pacifique et à donner des instructions aux forces de sécurité afin qu’elles ne recourent pas à une force excessive contre les manifestants. L’usage arbitraire et excessif de la force par la police ainsi que les mesures draconiennes prises contre la liberté d’expression ne feront qu’exacerber la détérioration de la situation relative aux droits humains, qui a déjà atteint un niveau dangereux. »

Bahreïn est proche du point critique. Les centaines de Bahreïnites qui sont descendus dans la rue pour protester contre ces exécutions consternantes, qui ont eu lieu malgré des allégations de torture et après des procès iniques, ont été confrontés à un usage excessif de la force par les forces de sécurité.

Lynn Maalouf, directrice adjointe de la recherche au bureau régional d'Amnesty International à Beyrouth

Des centaines de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre l’exécution le 15 janvier d’Ali Abdulshaheed al Sankis, Sami Mirza Mshaima et Abbas Jamil Taher Mhammad al Samea, condamnés à l’issue d’un procès inique en lien avec le meurtre de trois policiers en mars 2014.

Des témoins à Bahreïn ont déclaré à Amnesty International que si certaines manifestations étaient bien pacifiques, d’autres ont pris une tournure plus violente. Les manifestations les plus importantes ont éclaté dans le village de Sanabis, d’où étaient originaires les trois hommes exécutés. Elles ont été suivies de manifestations de grande ampleur dans les villages de Duraz, Sitra et al Daih, auxquelles les forces de sécurité ont répondu par du gaz lacrymogène et des tirs de grenaille. Des témoins ont signalé à Amnesty International qu’ils avaient vu des membres des forces de sécurité à Sanabis utiliser du gaz lacrymogène en visant directement des manifestants, provoquant ainsi des blessures. À Duraz, de nombreux manifestants ont été blessés par les tirs de grenaille des forces de sécurité.

Un témoin a déclaré à Amnesty International que les policiers menaçaient les manifestants de les faire « exécuter comme les trois hommes ». Au moins deux policiers ainsi que des dizaines de manifestants ont également été blessés lors des affrontements, et un bâtiment municipal a été incendié à Shamalia, au sud de la capitale Manama.

Munir Mshaima, le frère de Sami Mshaima, l’un des trois hommes exécutés, a été arrêté devant le cimetière d’al Mahouz, juste après l’enterrement de son frère et a été interrogé pour avoir « insulté le roi » lors de la procédure. Il a été libéré le lendemain.

Le 16 janvier, le ministère de l’Information a ordonné la suspension de l’édition en ligne d’al Wasat, un journal indépendant, à cause de ses « diffusions répétées de messages incitant à la discorde dans la société, à l’esprit de sédition et à la perturbation de l’unité nationale qui affectent la paix publique ».

Complément d’information

Les autorités bahreïnites ont intensifié la répression de la liberté d’expression et d’association en 2016. Nabeel Rajab, un éminent défenseur des droits humains, a été emprisonné, et le principal parti d’opposition a été dissous. Son secrétaire général, cheikh Ali Salman, a été condamné à neuf ans d’emprisonnement et son chef spirituel, cheikh Issa Qassem, a été déchu de sa nationalité de manière arbitraire.

Le 9 janvier, la Cour de cassation de Bahreïn a confirmé la condamnation à mort d’Ali Abdulshaheed al Sankis, de Sami Mirza Mshaima et d’Abbas Jamil Taher Mhammad al Samea. Elle a également confirmé la condamnation à la réclusion à perpétuité de sept autres hommes et la déchéance de nationalité de huit d’entre eux. Ces 10 hommes ont été déclarés coupables à l’issue d’un procès inique en relation avec l’homicide de trois policiers en mars 2014.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale constitue une violation du droit à la vie.