Mongolie. Des milliers de personnes risquent d’être privées de logement en raison des erreurs commises par les autorités en matière de réaménagement urbain

Les autorités mongoles manquent à leur devoir vis-à-vis des habitants d’Oulan-Bator en matière de logement, en raison d’un projet de réaménagement urbain qui expose des milliers de personnes au risque de subir une expulsion forcée et d’être privées de logement, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public le 7 décembre.

Les familles vivent dans la peur d'être privées de logement en raison du réaménagement de la ville.

Nicholas Bequelin, directeur pour l'Asie de l'Est à Amnesty International

Ce rapport de 55 pages intitulé Falling Short: The Right to Adequate Housing in Ulaanbaatar, Mongolia expose les grandes difficultés que rencontrent les habitants de la capitale mongole, ainsi que le projet de réaménagement urbain, qui est marqué par un manque d’informations en ce qui concerne les expulsions, l’indemnisation et la réinstallation.

« Les familles vivent dans la peur d’être privées de logement en raison du réaménagement de la ville. Les autorités n’assument pas leurs responsabilités en ce qui concerne la protection des droits des habitants, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur pour l’Asie de l’Est à Amnesty International.

« L’ambitieux projet de réaménagement de la ville ne s’accompagne pas de garanties suffisantes destinées à protéger les habitants contre le risque d’expulsion forcée. Les autorités doivent mettre en place de toute urgence des garanties claires et efficaces pour protéger les droits des habitants. »

Le projet de réaménagement d’Oulan-Bator

L’actuel projet de réaménagement d’Oulan-Bator concerne 24 zones de yourtes où vivent 9 % des 1,3 million d’habitants et des logements sociaux considérés comme peu sûrs ou présentant des défauts structurels.

Les zones de yourtes comprennent des maisons et des yourtes (habitation traditionnelle de forme ronde et en feutre) et elles sont souvent dépourvues d’infrastructure de base telles que les routes, l’accès à l’eau, les installations sanitaires et le chauffage. Elles se sont multipliées au cours des dix dernières années, car des dizaines de milliers de familles d’éleveurs ont quitté les steppes pour s’installer à la périphérie de la ville. Généralement, ces familles, qui cherchent à subvenir à leurs besoins d’une autre manière, trouvent une parcelle de terrain non occupée, y construisent une clôture et y montent leur yourte.

Le projet de réaménagement de la ville peut potentiellement transformer les conditions de vie de nombreux habitants d’Oulan-Bator, en permettant aux personnes qui y vivent depuis longtemps ou depuis peu d’obtenir un meilleur logement ainsi que l’accès à des services. Il pourrait également aider à lutter contre la forte pollution notamment grâce à une meilleure gestion des terres et à une modernisation des systèmes de chauffage et d’approvisionnement en eau.

Or, en raison de l’absence d’une réglementation gouvernementale claire et adaptée, d’une véritable consultation et de mesures de contrôle, les personnes concernées par ce réaménagement risquent de subir toute une série de violations des droits humains, en particulier la violation de leur droit à un logement convenable.

Failles en matière de protection juridique

Amnesty International a constaté, en ce qui concerne les graves failles que présente la politique de relogement, que les habitants qui ne possèdent pas de titre de propriété officiel ou dont le nom n’apparaît pas sur les titres fonciers – ce qui est fréquent à Oulan-Bator, où les khashas (parcelles de terrain clôturées) sont souvent partagées par plusieurs familles – ne sont pas prises en compte dans les procédures d’expulsion et de relogement.

Le fait que des personnes puissent être chassées de leur terrain et de leur logement à des fins de réaménagement urbain, sans consultation ni indemnisation adéquates, représente un grave risque d’expulsion forcée et d’autres violations des droits humains et va à l’encontre des objectifs déclarés du projet de réaménagement urbain, qui sont de « garantir un cadre de vie sain, sûr et confortable ». Le droit international relatif aux droits humains prévoit qu’il est nécessaire, pour qu’une expulsion soit légale, que tous les habitants aient été convenablement consultés et indemnisés.

Parmi les autres failles essentielles du cadre juridique actuel, il faut noter l’absence de mesures spécifiques visant à garantir une participation égale de tous et la consultation des personnes concernées à divers titres par ce réaménagement urbain, notamment les femmes, les personnes âgées, les jeunes et les handicapés.

Par exemple, la Loi relative au réaménagement comprend une disposition prévoyant que les nouvelles infrastructures doivent être facilement accessibles pour les personnes handicapées, mais aucune disposition ne prévoit, concernant la conception et l’aménagement de ces nouvelles infrastructures, une consultation des handicapés qui ne possèdent peut-être pas de titre de propriété.

Risque accru de privation de logement

Les recherches menées par Amnesty International ont également mis en évidence que les habitants ne disposaient souvent pas des informations nécessaires, ce qui contribuait fortement à les désavantager face aux promoteurs immobiliers. Les promoteurs privés jouent un rôle de première importance dans l’actuel programme de réaménagement de la ville d’Oulan-Bator.

Si au cours des dernières années un certain nombre de lois et de politiques de réaménagement ont été modifiées – parfois dans le bon sens –, les habitants ont été tenus dans l’ignorance des conséquences de ces changements en pratique en cas de risque d’expulsion ou de relogement.

Une habitante a dit à Amnesty International que sa famille n’avait pu faire autrement que de signer avec une entreprise de construction un accord qu’elle considérait comme potentiellement désavantageux. L’entreprise de construction a dit à ces personnes que si elles refusaient les conditions proposées dans l’accord, le promoteur utiliserait les dispositions de la loi pour les faire expulser (ces dispositions vont à l’encontre d’autres lois et règlements en matière de réaménagement).

Au début des opérations de réaménagement, les habitants ont souvent reçu l’argent du loyer pour une durée déterminée afin qu’ils puissent payer un logement temporaire en attendant la construction de leur nouvelle maison. Cependant, de nombreux projets sont actuellement bloqués en raison de la crise économique et comme les promoteurs n’ont pas fait de réserves ils ne sont plus en mesure de payer les loyers ; or, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de payer elles-mêmes ce loyer.

Alors que l’hiver arrive, plusieurs familles ont dit à Amnesty International qu’elles craignent dans ces conditions de perdre leur logement. À Oulan-Bator, pendant l’hiver les températures atteignent souvent les moins 30 degrés Celsius.

« Personne ne devrait perdre son logement en raison d’un projet de réaménagement. Or, à Oulan-Bator, des familles se retrouvent dans une situation incertaine, sans bénéficier d’aucune protection de la part des autorités alors que les promoteurs ont interrompu la construction des logements, a déclaré Nicholas Bequelin.

« Les autorités mongoles doivent privilégier les droits des habitants et veiller à ce que toutes les personnes concernées par le réaménagement urbain participent aux consultations. Le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que toutes les personnes concernées soient informées de leurs droits. »