Les autorités pakistanaises doivent immédiatement annuler l’interdiction de quitter le territoire infligée à un journaliste de premier plan, et permettre aux médias de mener librement et sans crainte leurs activités, a déclaré Amnesty International mardi 11 octobre.
Cyril Almeida, rédacteur en chef adjoint du journal Dawn, a été inscrit par les autorités pakistanaises sur la liste des personnes dont la sortie du territoire est soumise à contrôle, après que le bureau du Premier ministre se fut élevé contre un article dont il était l’auteur, paru à la une de l’édition du 6 octobre et portant sur les tensions entre le gouvernement civil et l’armée.
« L’interdiction de sortie du territoire infligée à Cyril Almeida est une manœuvre d’intimidation visant à réduire au silence les journalistes et à les empêcher de faire leur travail, a déclaré Audrey Gaughran, directrice du programme Thématiques mondiales à Amnesty International.
L'interdiction de sortie du territoire infligée à Cyril Almeida est une manœuvre d'intimidation visant à réduire au silence les journalistes et à les empêcher de faire leur travail.
Audrey Gaughran, directrice du programme Thématiques mondiales à Amnesty International.
« Le journalisme n’est pas un crime. Les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier librement et sans crainte. Les autorités pakistanaises doivent mettre fin à la pratique de longue date consistant à soumettre les professionnels des médias à des manœuvres d’intimidation, des menaces, des restrictions de leur liberté de mouvement, des disparitions forcées et des violences. »
En début d’année, Reporters sans frontières a, dans son classement mondial de la liberté de la presse, placé le Pakistan au 147e rang sur 180 pays, le rang le plus faible pour un pays d’Asie du Sud.
L’interdiction de sortie du territoire infligée à Cyril Almeida a été décidée après que le bureau du Premier ministre pakistanais eut diffusé trois communiqués, en l’espace de quatre jours, dans lesquels il s’attaquait au journaliste et au Dawn, un journal très respecté, en raison d’un article portant sur les tensions entre le gouvernement civil et l’armée.
Dans sa dernière déclaration en date du 10 octobre, le bureau du Premier ministre menaçait de prendre « des mesures sévères » à cause de la publication de cet article, qui selon lui « mettait en danger des intérêts vitaux de l’État ».
« Les termes utilisés par le Premier ministre sont extrêmement inquiétants. C’est une chose quand les autorités contestent et contredisent un article de journal. C’en est une autre quand elles menacent les journalistes en prenant prétexte de la sécurité nationale », a déclaré Audrey Gaughran.
C'est une chose quand les autorités contestent et contredisent un article de journal. C'en est une autre quand elles menacent les journalistes en prenant prétexte de la sécurité nationale.
Audrey Gaughran
« Le Premier ministre Nawaz Sharif doit se rappeler qu’il s’est engagé à améliorer la situation des journalistes. Il est absolument crucial qu’il prenne les mesures nécessaires pour concrétiser cet engagement. »
Complément d’information
Amnesty International a rassemblé des informations sur toute une série d’attaques portées contre la liberté d’expression et la sécurité des journalistes au Pakistan.
Le 30 août, à l’occasion de la Journée internationale des personnes disparues, l’organisation a demandé qu’une enquête exhaustive et efficace soit menée dans les meilleurs délais pour déterminer où se trouve Zeenat Shahzadi, une journaliste de 24 ans dont on est sans nouvelles depuis plus d’un an.
La Commission des droits humains du Pakistan, qui est indépendante, pense que les forces de sécurité l’ont soumise à une disparition forcée.
En 2014, Amnesty International a publié un important rapport intitulé ‘A bullet has been chosen for you’: Attacks on journalists in Pakistan, qui montre que les journalistes dans ce pays risquent constamment d’être tués, harcelés et soumis à d’autres violences par toutes les parties en présence, notamment les services de renseignement, les partis politiques et des groupes armés tels que les talibans.
Ce rapport montre aussi que les autorités pakistanaises ne font quasiment rien pour stopper les atteintes aux droits humains commises contre les professionnels des médias et pour déférer à la justice les responsables de ces actes.
En 2014 également, à l’issue d’une réunion avec le Comité pour la protection des journalistes, le Premier ministre Nawaz Sharif s’est engagé à créer une commission spéciale chargée d’enquêter sur la situation des journalistes et de recommander des mesures pour assurer leur protection. Plus de deux ans après, aucune avancée n’a été notée sur ce front.