Malaisie. Les interdictions de voyager imposées à Zunar et à d’autres détracteurs du gouvernement doivent être levées

Les autorités malaisiennes doivent immédiatement lever l’interdiction de voyager qui a empêché le caricaturiste et militant politique Zulkiflee Anwar Ulhaque (Zunar) de quitter le pays lundi 17 octobre.

Zunar, qui a ouvertement critiqué le gouvernement, est poursuivi pour neuf chefs d’accusation de sédition. Ces accusations sont liées à des tweets qu’il a publiés à la suite de la décision d’un tribunal fédéral qui a confirmé, le 10 février 2015, la condamnation de l’ancien dirigeant de l’opposition et prisonnier d’opinion, Anwar Ibrahim, à cinq ans d’emprisonnement pour « sodomie ».

Le 17 octobre 2016, Zunar devait partir de l’aéroport international de Kuala Lumpur pour se rendre à Singapour afin d’assister à un forum privé. Il a été arrêté au poste de contrôle des passeports de l’aéroport par l’agent des services d’immigration qui l’a informé que la police avait donné l’ordre de l’empêcher de voyager. Aucune date n’a cependant été fixée à ce jour pour le procès de Zunar et il avait jusque-là été autorisé à voyager librement, même après avoir été inculpé. Un motif valable et légal doit être fourni par les autorités malaisiennes pour justifier cette interdiction de voyager. Aucune explication et aucune raison n’ont pour l’instant été fournies.

Les interdictions arbitraires de voyager imposées aux détracteurs du gouvernement sont une violation manifeste du droit de circuler librement et du droit à la liberté d’association. De telles actions entravent également le droit à liberté d’expression. Tous ces droits sont pourtant inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Au titre du droit international, tout le monde a le droit de circuler librement sans subir d’ingérences arbitraires et a le droit de s’associer librement avec d’autres personnes et de s’exprimer pacifiquement. Le droit de circuler librement est également inscrit à l’article 9 de la Constitution fédérale de la Malaisie.

Pour Amnesty International, cette interdiction de voyager imposée à Zunar est le dernier exemple en date de tentative par les autorités malaisiennes de réduire au silence les détracteurs du gouvernement. Depuis qu’il a été inculpé l’année dernière, Zunar a continué de critiquer ouvertement le gouvernement malaisien, tant depuis son pays que depuis l’étranger, et il a également continué d’utiliser ses caricatures pour attirer l’attention sur des allégations de corruption et les abus de pouvoir dans le pays.

Cette interdiction de voyager imposée à Zunar est le dernier exemple en date de tentative par les autorités malaisiennes de réduire au silence les détracteurs du gouvernement.

Amnesty International

D’autres militants ont également été soumis à une interdiction de quitter le territoire : Maria Chin Abdullah, présidente de Bersih, la coalition en faveur d’élections transparentes et justes, a notamment été empêchée de se rendre à l’étranger en mai 2016, tout comme Hishamuddin Rais, un avocat et militant politique, en décembre 2015. 

Les interdictions de voyager sont des moyens pernicieux d’entraver le travail de défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du gouvernement. De plus, contester ces interdictions devant les tribunaux malaisiens peut être difficile et contraignant et peut épuiser les ressources, notamment financières.

Amnesty International demande aux autorités malaisiennes de respecter et de protéger le droit à la liberté d’expression, notamment en levant les interdictions de voyager qui bafouent les droits humains reconnus au niveau international, sont inconstitutionnelles et ont été imposées sans respect des garanties fondamentales.

L’organisation demande également à nouveau aux autorités d’abandonner toutes les charges contre Zunar et les autres personnes poursuivies en raison de leurs activités politiques pacifiques et de prendre immédiatement des mesures pour abroger les lois restrictives telles que la Loi relative à la sédition, la Loi sur les rassemblements pacifiques, la Loi sur la censure cinématographique et la section 233 de la Loi de 1998 sur les communications et le multimédia, ou de les modifier pour les mettre strictement en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière.

Complément d’information

Depuis 2009, les recueils de dessins de Zunar ont souvent été confisqués et leur vente a été interdite, son bureau a été perquisitionné et ses imprimantes saisies et ses assistants ont été harcelés.

Ces dernières années, des défenseurs des droits humains, des membres de l’opposition politique, des journalistes et des universitaires ont été pris pour cible par des lois répressives visant à entraver la dissidence en Malaisie. Des dizaines de personnes sont poursuivies pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions ou pour avoir participé à des manifestations pacifiques.

Le droit à la vie et à la liberté personnelle est inscrit dans la Constitution fédérale. Au titre de la loi malaisienne, les interdictions de voyager ne peuvent être imposées que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple pour des affaires d’évasion fiscale et si une personne est insolvable.