Les autorités bangladaises doivent empêcher l’exécution imminente d’un dirigeant politique condamné à mort à l’issue d’un procès entaché de graves irrégularités, a déclaré Amnesty International mardi 30 août.
« Le peuple du Bangladesh mérite d’obtenir justice pour les crimes commis durant la guerre d’indépendance. Le recours persistant à la peine capitale ne permettra pas d’y parvenir. Il ne sert qu’à attiser les tensions nationales et à diviser encore davantage une société ravagée par la violence », a déclaré Champa Patel, directrice pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Mardi 30 août, la Cour suprême du Bangladesh a confirmé la déclaration de culpabilité et la condamnation de Mir Quasem Ali, important bailleur de fond du parti Jamaat-e-Islami, après avoir rejeté son recours. Cela fait suite à un jugement prononcé en novembre 2014 par le Tribunal pour les crimes de droit international – un tribunal bangladais examinant les crimes de guerre commis durant la guerre d’indépendance de 1971 -, estimant Mir Quasem Ali coupable d’avoir commis des crimes contre l’humanité.
La semaine dernière, un groupe d’experts des Nations unies a exhorté le gouvernement bangladais à annuler la condamnation à mort prononcée contre Mir Quasem Ali et à lui accorder un nouveau procès, en soulignant que la procédure avait semble-t-il été marquée par des irrégularités.
Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont exprimé de sérieux doutes quant à l’équité des procédures se déroulant devant le Tribunal pour les crimes de droit international. Elles déplorent notamment que les avocats de la défense ne se voient pas accorder suffisamment de temps pour préparer les affaires, et que le nombre de témoins auxquels ils peuvent faire appel soit limité de manière arbitraire.
Les personnes qui ont été affectées par les événements de 1971 méritent mieux qu’un processus entaché d’irrégularités.
Champa Patel, directrice pour l’Asie du Sud à Amnesty International
« Depuis le début, les procès jugés par le Tribunal pour les crimes de droit international ont été caractérisés par des atteintes à l’équité en la matière. La peine de mort est un châtiment cruel et irréversible qui ne fera qu’aggraver l’injustice des procédures. Les personnes qui ont été affectées par les événements de 1971 méritent mieux qu’un processus entaché d’irrégularités. Il faut immédiatement renoncer à l’ensemble des exécutions, à titre de première étape vers l’abolition de ce châtiment », a déclaré Champa Patel.
L’organisation craint par ailleurs pour Mir Ahmed Bin Quasem, fils de Mir Quasem Ali et membre de son équipe d’avocats. Le 9 août, Mir Ahmed Bin Quasem a été arrêté par des hommes en civil qui n’ont pas présenté de mandat. Il se trouve en détention au secret depuis lors, et n’a été inculpé d’aucune infraction.
« À l’heure où l’on commémore la Journée internationale des personnes disparues, les autorités bangladaises doivent diligenter dans les meilleurs délais une enquête approfondie et efficace sur la disparition forcée de Mir Ahmed Bin Quasem », a déclaré Champa Patel.
Complément d’information
Le Tribunal pour les crimes de droit international a été instauré en 2010 par le gouvernement bangladais pour enquêter sur les violations des droits humains de grande ampleur commises durant la guerre d’indépendance de 1971 dans le pays. Amnesty International a salué la décision de traduire les responsables présumés en justice, mais a insisté sur le fait que les accusés devaient bénéficier de procès équitables, sans encourir la peine de mort. De précédentes affaires jugées par cette juridiction ont été entachées de graves irrégularités et de violations du droit à un procès équitable.
Cinq personnes condamnées à mort par ce tribunal ont été exécutées depuis 2013. En 2016, Amnesty International a enregistré un total de huit exécutions au Bangladesh, notamment la pendaison le 10 mai de Motiur Rahman Nizami, qui avait été condamné à mort par le Tribunal pour les crimes de droit international.
Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. L’organisation milite en faveur de l’abolition totale de ce châtiment.