Les autorités algériennes doivent cesser de tenter sans relâche de réduire au silence les manifestants pacifiques, a déclaré Amnesty International en amont de l’ouverture du procès, jeudi 19 mai, de quatre manifestants originaires de la ville de Ouargla qui risquent jusqu’à un an d’emprisonnement pour avoir participé à des manifestations contre le chômage à Hassi Messaoud, capitale pétrolière algérienne.
Le militant Tahar Belabes, qui est membre du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), et trois autres membres du CNDDC ont été inculpés de participation à des « attroupements non armés » en 2015. S’ils sont déclarés coupables, ces quatre hommes risquent d’être condamnés à une peine pouvant atteindre un an d’emprisonnement.
« Si Tahar Belabes et de ses compagnons se retrouvent emprisonnés uniquement en raison de leur participation à des manifestations pacifiques, cela constituera une grave atteinte au droit à la liberté d’expression et de réunion. Leur seul “crime” est apparemment d’avoir défendu les droits des chômeurs. Ils n’auraient jamais dû être traînés devant la justice, et encore moins subir le risque d’une peine d’emprisonnement. Les charges retenues contre eux doivent être immédiatement abandonnées », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« S’ils sont emprisonnés, Amnesty International considèrera alors ces quatre hommes comme des prisonniers d’opinion, incarcérés uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Les manifestants demandaient aux compagnies pétrolières et gazières basées à Hassi Messaoud – y compris aux filiales de l’entreprise publique Sonatrach – d’employer davantage d’Algériens du sud du pays riche en minerais.
Tahar Belabes a été employé par une des filiales de Sonatrach à Hassi Messaoud, avant d’être licencié en février 2015 apparemment en raison de ses activités militantes, et de sa participation à des manifestations sans précédent anti-gaz de schiste qui ont eu lieu dans le sud du pays au cours du premier semestre de 2015. Plusieurs personnes, parmi lesquelles des membres du CNDDC, ont alors fait l’objet de poursuites judiciaires à cause de leur participation à ces manifestations.
Ce procès s’ouvre dans un climat de répression croissante des manifestations pacifiques dans toute l’Algérie. Sept manifestants pacifiques purgent actuellement des peines d’un an d’emprisonnement à Tamanrasset, dans le sud du pays, pour avoir protesté contre le chômage et l’exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique et défendu les droits des travailleurs employés par des compagnies minières ayant des activités dans cette région, en décembre 2015. Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion.
« Les autorités algériennes recourent de plus en plus aux poursuites judiciaires pour réduire au silence les manifestants, ce qui est l’indice d’un durcissement inquiétant de la répression. Au lieu d’emprisonner des militants pacifiques, les autorités devraient répondre à leurs réclamations. Le durcissement de la répression n’est pas une réponse adéquate face à la montée du chômage et à une aggravation de la situation économique exacerbée par la chute du prix du pétrole », a déclaré Magdalena Mughrabi.
Les autorités algériennes recourent de plus en plus aux poursuites judiciaires pour réduire au silence les manifestants, ce qui est l'indice d'un durcissement inquiétant de la répression.
Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International
Les autorités algériennes utilisent un éventail de lois répressives pour étouffer l’opposition pacifique. Il est nécessaire d’obtenir une autorisation préalable pour tenir un rassemblement public, et à Alger, la capitale du pays, les manifestations publiques restent totalement interdites. Des manifestations contre la pauvreté, le chômage et la corruption ont souvent lieu dans ce pays riche en ressources pétrolières.