Philippines. Le nouveau président doit briser le cycle des violations des droits humains, et non le renforcer

Si le président nouvellement élu Rodrigo Duterte veut réellement faire changer les choses aux Philippines, il doit en finir avec un passé marqué par des violations des droits humains et mettre fin à la culture dominante de l’impunité, a déclaré Amnesty International lundi 10 mai.

Rodrigo Duterte, ancien maire de Davao, est sur le point de devenir le nouveau président élu des Philippines. Il a remporté la majorité des suffrages lors de l’élection du 9 mai 2016. Les principaux rivaux de Rodrigo Duterte ont reconnu leur défaite.

« Si Rodrigo Duterte veut réellement faire changer les choses aux Philippines, il devrait prendre des mesures pour améliorer la situation des droits humains dans le pays et mettre fin aux exécutions extrajudiciaires, aux arrestations illégales, à la détention secrète ainsi qu’à la torture et aux autres mauvais traitements », a déclaré Rafendi Djamin, directeur du bureau régional Asie du Sud-Est d’Amnesty International.

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, Rodrigo Duterte a fait toute une série de déclarations incendiaires, annonçant des mesures qui, si elles sont mises en œuvre, violeront les obligations internationales des Philippines en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne sa promesse de combattre la criminalité en abattant les criminels présumés.

« En tant que dirigeant des Philippines, le président nouvellement élu doit protéger et promouvoir les droits humains, et non les rejeter. Ces droits incluent les droits à la vie, à une procédure régulière et à un procès équitable, a déclaré Rafendi Djamin.

En tant que dirigeant des Philippines, le président nouvellement élu doit protéger et promouvoir les droits humains, et non les rejeter. Ces droits incluent les droits à la vie, à une procédure régulière et à un procès équitable.

Rafendi Djamin, directeur du bureau régional Asie du Sud-Est d'Amnesty International

« Le seul moyen de faire changer les choses de façon véritable et durable aux Philippines, consiste à mettre en place des mécanismes solides, transparents et responsables permettant de mettre fin aux violations des droits humains qui minent de longue date le pays. Mettre en place une culture de l’impunité, comme a menacé de le faire Rodrigo Duterte au cours des dernières semaines, ne fera qu’exacerber les problèmes qu’il s’est engagé à résoudre au cours de sa campagne. »

Complément d’information

En novembre 2015, Amnesty International a rendu publique une proposition de programme en matière de droits humains pour le futur président des Philippines mettant en lumière cinq domaines devant être considérés comme prioritaires au cours des 100 premiers jours de son mandat. Ce programme comprend les points suivants : 

1.  Mettre fin aux exécutions extrajudiciaires, aux arrestations illégales, à la détention secrète, aux disparitions forcées, à la torture et aux autres mauvais traitements. 

  • Prendre un décret indiquant clairement l’engagement du gouvernement à mettre fin de façon prioritaire à la pratique des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires dans le pays.  
  • Garantir l’application immédiate et effective des 35 lignes directrices de l’ordonnance administrative pour le combat contre la torture et les autres mauvais traitements, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées. 
  • Créer de façon prioritaire une commission présidentielle viable chargée d’examiner tous les cas d’exécution extrajudiciaire et de disparition forcée, y compris en ce qui concerne les victimes de groupes dits d’autodéfense tels que l’escadron de la mort Davao. 
  1.       Mettre en place un contrôle et une obligation de rendre des comptes pour l’armée, la police et les autres forces dépendant de l’État, et garantir la protection des témoins. 
  • Retirer le décret n° 546, qui ordonne à la police nationale des Philippines de soutenir l’armée dans ses opérations anti-insurrectionnelles, y compris avec le recours à des milices et à des groupes paramilitaires. 
  • Veiller à ce que l’armée exerce un contrôle total sur toutes les milices et tous les groupes paramilitaires soutenus par l’État, et à ce que le ministère de la Défense nationale définisse clairement leurs différentes fonctions, leur structure hiérarchique et les mécanismes permettant qu’ils respectent leur obligation de rendre des comptes, à défaut de quoi elle devra les désarmer et les démanteler. 
  • Désarmer et démanteler toutes les armées privées. 
  • Mettre en place par un décret un mécanisme clair et transparent permettant d’empêcher la nomination et la promotion de personnes faisant l’objet d’allégations de graves atteintes aux droits humains ou ayant commis de tels actes, à la Commission des droits humains et à des postes importants du gouvernement, des institutions d’application des lois ou des institutions judiciaires, ainsi qu’à des postes de commandement au sein de l’armée tant au niveau des provinces qu’aux niveaux régional et national. 
  1.       Garantir le retour volontaire et en toute sécurité des personnes déplacées, et intégrer la protection des droits humains dans le processus de paix.  
  • Ordonner aux ministères concernés de faire le point sur la situation actuelle des populations déplacées de longue date sur l’île de Mindanao en raison du conflit et de catastrophes, et veiller au respect plein et entier des Principes directeurs des Nations unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. 
  1.       Faire des droits humains une question prioritaire pour l’ensemble des composantes du gouvernement.  
  • Déclarer prioritaire une proposition de loi présidentielle sur la charte de la Commission des droits humains des Philippines, afin de faciliter son adoption par les deux chambres du Parlement.
  • Intégrer, au moyen d’un décret, tous les principes relatifs aux droits humains dans les politiques et pratiques du gouvernement. 
  1.       Ratifier les principaux traités relatifs aux droits humains et au droit international humanitaire. 
  • Signer immédiatement le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels afin de faciliter le processus de ratification lors du mandat du nouveau gouvernement.
  • Signer immédiatement la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en vue de sa ratification ; et
  • Ratifier immédiatement le Traité international sur le commerce des armes.

Rodrigo Duterte a été le seul candidat qui n’a pas donné de réponse à ce programme.