(Dakar, le 18 avril 2016) – La mort en détention dans des circonstances suspectes de l’opposant Solo Sandeng et l’arrestation du dirigeant d’opposition Ousainu Darboe et d’autres membres de leur parti au cours des derniers jours mettent en lumière la nature répressive du gouvernement de la Gambie, ont déclaré lundi 18 avril Human Rights Watch, Amnesty International et ARTICLE 19.
Ces organisations ont souligné que le gouvernement du président Yahya Jammeh devrait veiller à ce qu’une enquête indépendante et impartiale soit menée sur la mort de Solo Sandeng, libérer immédiatement tous les manifestants pacifiques et relâcher le journaliste Alhagie Ceesay, détenu arbitrairement depuis juillet 2015 et actuellement gravement malade et hospitalisé.
« La mort en détention insensée de Solo Sandeng représente le dernier épisode en date d’une longue série d’abus commis contre l’opposition politique en Gambie, a déclaré Corinne Dufka, directrice pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. Cette affaire avive les craintes d’une intensification de la répression menée par les autorités gambiennes à l’encontre des voix indépendantes en amont de l’élection du mois de décembre. »
La mort en détention insensée de Solo Sandeng représente le dernier épisode en date d'une longue série d'abus commis contre l'opposition politique en Gambie.
Corinne Dufka, directrice pour l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch
Solo Sandeng, qui était l’un des dirigeants du principal mouvement d’opposition, le Parti démocratique unifié (UDP), a été arrêté le 14 avril 2016, au cours d’une manifestation pacifique en faveur d’une réforme électorale en vue de l’élection présidentielle du mois de décembre. Fatoumata Jawara, dirigeante d’une section jeunesse de l’UDP, a également été arrêtée et elle aurait subi des blessures mettant sa vie en danger. Un certain nombre de manifestants arrêtés au même moment sont toujours détenus. Des membres du parti de Solo Sandeng affirment que ce dernier est mort des suites de tortures infligées par des agents de l’Agence nationale de renseignements et que deux autres membres de ce parti sont également morts en détention au cours des derniers jours.
L’élection du mois de décembre sera le cinquième scrutin présidentiel organisé depuis l’arrivée au pouvoir de Yahya Jammeh à l’issue d’un coup d’État sanglant, en 1994. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a refusé d’envoyer des observateurs lors du dernier scrutin en 2011, en raison des manœuvres d’intimidation visant l’opposition et les électeurs. Un vaste ensemble de groupes d’opposition demandent depuis longtemps une réforme électorale, notamment une commission électorale indépendante et un accès égal aux médias.
Pendant la manifestation du 14 avril, un petit groupe de manifestants ont agité des banderoles à Serekunda, dans la banlieue de Banjul, la capitale du pays, sur lesquelles on pouvait lire des slogans tels que « Nous avons besoin d’une réforme électorale et de la liberté d’expression. » Les forces de sécurité ont dispersé la manifestation et arrêté un grand nombre de participants.
Des membres de l’UDP se sont de nouveau réunis le 16 avril afin de demander justice pour la mort de Solo Sandeng et la libération des autres membres de leur parti. La police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants et arrêté au moins cinq membres de l’exécutif de l’UDP, parmi lesquels Ousainu Darboe, ainsi que d’autres protestataires et des passants.
Alhagie Ceesay, directeur de la radio indépendante Teranga FM, a été arrêté le 2 juillet 2015 par l’Agence nationale de renseignement, après qu’il eut partagé de façon privée avec son téléphone une image montrant un pistolet pointé vers une photo de Yahya Jammeh. Cette image circulait sur Internet, et Alhagie Ceesay n’en était pas l’auteur. Teranga FM a été fermée à plusieurs reprises au cours des dernières années.
Malgré ses problèmes de santé – il a été hospitalisé le 13 avril et c’était la troisième fois depuis le début de l’année 2016 qu’il séjournait à l’hôpital – Alhagie Ceesay s’est vu refuser la libération sous caution au moins quatre fois. En mars 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a rendu public un avis, adopté pendant sa dernière session en décembre 2015, dans lequel il estime qu’Alhagie Ceesay a été arbitrairement privé de liberté. Il a appelé la Gambie à le libérer et à abandonner toutes les charges retenues contre lui.
« Les charges retenues contre Alhagie Ceesay sont sans fondement, et il n’aurait jamais dû être arrêté, a déclaré Fatou Jagne Senghor, directrice régionale d’ARTICLE 19. La dégradation de son état de santé rend d’autant plus urgente sa libération. »
Les charges retenues contre Alhagie Ceesay sont sans fondement, et il n'aurait jamais dû être arrêté.
Fatou Jagne Senghor, directrice régionale d'ARTICLE 19
Depuis qu’il a pris le pouvoir, Yahya Jammeh réprime systématiquement et implacablement toutes les formes de dissidence dans le pays. Les forces de sécurité gouvernementales et des groupes paramilitaires opaques se sont rendus responsables d’homicides illégaux et d’arrestations arbitraires, et ont arrêté et soumis à une disparition forcée des personnes considérées comme représentant une menace pour le gouvernement, ce qui a incité des centaines de personnes à fuir ce pays qui compte 1,8 million d’habitants.
De nombreux militants gambiens des droits humains craignent que l’élection du mois de décembre ne conduise le gouvernement à prendre de nouveau pour cible les opposants politiques et les quelques journalistes indépendants restés dans le pays.
« Nous sommes extrêmement préoccupés par la direction que prend le gouvernement gambien en vue de l’élection du mois de décembre. Il est essentiel que la Gambie respecte le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, a déclaré Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. Les manifestants pacifiques doivent être libérés immédiatement et sans condition, et tous ceux qui sont blessés doivent recevoir sans délai des soins médicaux. »
Nous sommes extrêmement préoccupés par la direction que prend le gouvernement gambien en vue de l'élection du mois de décembre. Il est essentiel que la Gambie respecte le droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique.
Alioune Tine, directeur régional d'Amnesty International pour l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest