Iran. Un réalisateur et des musiciens victimes de torture risquent d’être arrêtés sous peu dans le cadre d’une répression visant les artistes

Amnesty International appelle les musiciens et les réalisateurs du monde entier à se joindre à ses membres pour demander aux autorités iraniennes d’annuler les déclarations de culpabilité, entachées de torture, à l’encontre du réalisateur Hossein Rajabian, de son frère Mehdi Rajabian et de Yousef Emadi, tous les deux musiciens, avant la Music Freedom Day [journée pour la liberté de la musique] qui aura lieu jeudi 3 mars.

Ces trois hommes risquent d’être arrêtés prochainement car une cour d’appel a confirmé les peines d’emprisonnement qui leur avaient été infligées pour des charges grotesques liées à leur travail artistique, a déclaré Amnesty International mardi 1er mars alors qu’une répression des artistes et de la liberté d’expression sévit en Iran.

« Ces peines mettent en lumière l’absurdité du système judiciaire iranien, qui traite en criminels des personnes qui n’ont fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression en faisant de la musique et des films. Ces jeunes gens n’auraient jamais dû être arrêtés, et encore moins jugés, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

Ces peines mettent en lumière l’absurdité du système judiciaire iranien, qui traite en criminels des personnes qui n’ont fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression en faisant de la musique et des films. Ces jeunes gens n’auraient jamais dû être arrêtés, et encore moins jugés.

Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International

« Ces déclarations de culpabilité vont manifestement à l’encontre de l’obligation faite à l’Iran de respecter la liberté d’expression. Si les peines sont appliquées, les hommes concernés seront des prisonniers d’opinion. »

Déclarés coupables d’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam », de « propagande contre le régime » et d’« activités audiovisuelles illégales », les artistes cités avaient été condamnés à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès de trois minutes devant un tribunal révolutionnaire.

Ces charges étaient liées à leur travail artistique, notamment à un long métrage de Hossein Rajabian sur le droit des femmes au divorce en Iran et à la distribution, par Mehdi Rajabian et Yousef Emadi, de morceaux interdits de chanteurs iraniens vivant à l’étranger, dont certains messages ou paroles sont de nature politique ou portent sur des sujets tabous.

Les trois hommes avaient été libérés sous caution en décembre 2013. Avant cela, ils avaient été détenus à l’isolement deux mois, pendant lesquels on les aurait frappés et on leur aurait administré des décharges électriques pour les contraindre à des « aveux » filmés.

Bien qu’ils se soient plaints d’avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements, la cour d’appel a statué qu’ils devaient purger la moitié de leur peine de six ans d’emprisonnement et bénéficier d’un sursis de cinq ans pour les trois années restantes, à condition qu’ils se comportent bien. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été ouverte sur les allégations de torture formulées par les trois hommes.

Le dossier se trouve entre les mains du Bureau d’application des peines, qui peut décider de les arrêter et de les emprisonner à tout moment.   

Lors de leur arrestation, le 5 octobre 2013, Hossein Rajabian, Mehdi Rajabian et Yousef Emadi ont été neutralisés au moyen d’un pistolet paralysant et on leur a bandé les yeux ; ils ont ensuite été détenus 18 jours dans un lieu tenu secret, où ils auraient subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Ils ont ensuite été placés à l’isolement à la prison d’Evin, à Téhéran, où ils sont restés deux mois à la section 2A, dirigée par les pasdaran (gardiens de la révolution).

Aucun d’eux n’a pu consulter d’avocat à un quelconque moment entre leur arrestation et leur procès en appel.

« En plus d’illustrer le mépris absolu des autorités à l’égard de la liberté d’expression, le traitement réservé à ces hommes montre à quel point la notion de justice est secondaire dans le système judiciaire iranien, où les actes de torture et les violations de la procédure sont monnaie courante », a déclaré Said Boumedouha.

Ces affaires récentes sont la partie visible d’une répression accrue visant les musiciens, réalisateurs et autres artistes en Iran. En février, une cour d’appel a statué que le réalisateur iranien Keywan Karimi devait purger un an sur sa peine de six ans d’emprisonnement pour « outrage aux valeurs sacrées de l’islam » et a prononcé un sursis pour les cinq années restantes, conditionné au « bon comportement » de l’intéressé. En outre, elle a confirmé la condamnation de cet homme à 233 coups de fouet parce qu’il aurait eu des « relations illicites » en serrant la main et « passé du temps sous le même toit qu’une femme dont le visage et le cou n’étaient pas couverts ».

En octobre 2015, les poètes Fatemeh Ekhtesari et Mehdi Moosavi ont été condamnés respectivement à 11 ans et neuf ans et demi d’emprisonnement pour plusieurs charges, notamment l’« outrage aux valeurs sacrées de l’islam » et la « propagande contre le régime », ainsi qu’à 99 coups de fouet pour « relations illicites ». Ils ont quitté le pays.

Complément d’information

L’objectif de la Music Freedom Day, qui est une manifestation mondiale, est de soutenir les musiciens persécutés et emprisonnés qui font l’objet de poursuites pénales uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression à travers leur musique.

Amnesty International profite de l’occasion pour mettre en lumière le cas de Hossein Rajabian, Mehdi Rajabian et Yousef Emadi, dernier exemple en date de la répression orchestrée par les autorités iraniennes contre les musiciens, réalisateurs, poètes et autres artistes.