Iran. Une dessinatrice satirique incarcérée a été contrainte de subir un «test de virginité»

La récente révélation de la dessinatrice satirique Atena Farghadani, qui affirme avoir été contrainte de subir un « test de virginité et de grossesse » avant d’être jugée pour « relations sexuelles illégitimes » parce qu’elle a serré la main de son avocat, entache un peu plus le bilan de l’Iran concernant les violences faites aux femmes, a déclaré Amnesty International vendredi 9 octobre 2015.

Dans une note écrite en prison qui a été divulguée et qu’Amnesty International a pu consulter, Atena Farghadani déclare que les autorités judiciaires l’ont emmenée dans un centre médical en dehors de la prison le 12 août, et l’ont contrainte à subir ces tests, soi-disant dans le but d’enquêter sur les accusations portées à son encontre.

« Il est choquant que les autorités iraniennes, non contentes de porter une accusation absurde contre Atena Farghadani pour le ” crime ” d’avoir serré la main de son avocat, l’aient contrainte à subir un ” test de virginité et de grossesse “, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

Il est choquant que les autorités iraniennes, non contentes de porter une accusation absurde contre Atena Farghadani pour le ” crime ” d'avoir serré la main de son avocat, l'aient contrainte à subir un ” test de virginité et de grossesse “.

Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International

« Les autorités judiciaires iraniennes sont tombées bien bas, s’efforçant d’exploiter la honte associée aux violences sexuelles et liées au genre en vue de l’intimider, de la sanctionner et de la harceler. »

Les « tests de virginité » pratiqués sous la contrainte sont reconnus au niveau international comme une forme de violence et de discrimination à l’égard des femmes et des jeunes filles. Ils bafouent l’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants garantie par le droit international, notamment par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie. 

« Les autorités iraniennes doivent libérer immédiatement et sans condition Atena Farghadani, qui est une prisonnière d’opinion. Pendant sa détention, elle doit être protégée contre les mauvais traitements et les représailles, notamment contre les pressions visant à lui faire retirer sa plainte. Une enquête indépendante et impartiale sur ces actes de torture et mauvais traitements présumés s’impose de toute urgence, en vue de traduire les responsables en justice », a déclaré Said Boumedouha.

Une enquête indépendante et impartiale sur ces actes de torture et mauvais traitements présumés s'impose de toute urgence, en vue de traduire les responsables en justice.

Said Boumedouha

Atena Farghadani et toutes les détenues qui dénoncent des violences fondées sur le genre doivent être louées pour leur courage et doivent se voir accorder des réparations pleines et entières, notamment des garanties que cela ne se reproduise plus.

Au lieu d’exploiter les tabous liés aux violences sexuelles pour effrayer les femmes et les dissuader de militer politiquement, les autorités iraniennes doivent prendre des mesures pour mettre fin aux violences et aux discriminations que subissent les femmes et garantir leur accès à des procédures légales permettant de rendre justice dans les cas de violences fondées sur le genre.

Depuis qu’elle a été inculpée de « relations sexuelles illicites s’apparentant à un adultère » pour avoir serré la main de son avocat, Atena Farghadani s’est plainte de ce que des membres de l’administration pénitentiaire et des gardiennes se permettent des gestes obscènes et des insultes notamment sexuelles à son égard. En septembre 2015, elle a observé une grève de la faim « sèche », c’est-à-dire sans eau ni nourriture, pour protester contre ces mauvais traitements. Toutefois, les actes de harcèlement se poursuivent.

Complément d’information

Atena Farghadani est une prisonnière d’opinion. Elle n’a pas commis de crime reconnu par le droit international et a été sanctionnée uniquement pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.

Incarcérée depuis janvier 2015, Atena Farghadani a été condamnée en juin à 12 ans et neuf mois de prison pour son militantisme pacifique, notamment pour avoir rencontré des familles de prisonniers politiques et dessiné les législateurs sous les traits de singes, de vaches et d’autres animaux. Son dessin satirique dénonçait un projet de loi visant à ériger en infraction la stérilisation volontaire et à restreindre l’accès à la contraception et aux services de planification familiale.

En décembre 2014, alors qu’elle se trouvait en liberté sous caution, elle a posté sur YouTube une vidéo dans laquelle elle dénonçait le fait que des gardiennes à la prison d’Evin l’avaient frappée, insultée et contrainte à se déshabiller pour une fouille au corps. Au lieu d’enquêter sur ces allégations, les autorités iraniennes l’ont de nouveau arrêtée en janvier 2015, probablement à titre de représailles pour cette vidéo.

Un test de virginité contraint commis en détention est une grave violation du droit international. Il bafoue les droits des femmes et des jeunes filles à l’intégrité physique, à la dignité, à la vie privée et leur droit de ne pas être soumises à la torture ni à tout autre traitement cruel, inhumain et dégradant. Ces tests sont discriminatoires par nature et dans les faits, et rien ne saurait justifier la légitimité d’une telle violation des droits humains.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) exhorte les autorités sanitaires dans le monde à mettre fin à la pratique des « tests de virginité » en toutes circonstances et interdit aux professionnels de santé de pratiquer ces tests discriminatoires et dégradants.