Arabie saoudite. Il faut cesser de poursuivre des militants en justice pour des motifs fallacieux

La peine prononcée contre un militant saoudien influent, condamné mercredi 25 juin pour avoir dénoncé la situation des droits humains dans son pays, doit être annulée, a déclaré Amnesty International alors que se poursuit la répression contre les groupes de défense des droits fondamentaux. Fowzan al Harbi, l’un des membres fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), a été condamné par un tribunal de Riyadh, la capitale, à sept ans de prison et à une interdiction de voyager pour la même durée, après avoir été déclaré coupable d’un ensemble de charges fallacieuses liées à son travail en faveur des droits humains. « Fowzan al Harbi a été pris pour cible sans pitié parce qu’il a osé remettre en cause le bilan des autorités saoudiennes en matière de droits humains », a déclaré Saïd Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Sa condamnation doit être immédiatement annulée et il doit être un homme libre à sa sortie du tribunal. Il n’aurait même jamais dû être poursuivi en justice. » Fowzan al Harbi a été déclaré coupable d’avoir « rompu son allégeance » au roi en lançant des appels à manifester, d’avoir critiqué les autorités et d’avoir participé à la création d’une « organisation non agréée » (qui serait l’ACPRA), entre autres « infractions ». Cet homme de 36 ans, père de deux enfants, a été placé en détention arbitrairement le 26 décembre 2013, quand un juge a ordonné son arrestation sans fournir de raison. Il a été libéré le 23 juin, la veille de sa condamnation, et est actuellement libre en attendant le résultat de son procès en appel. Cependant, le juge a insisté pour qu’il signe une déclaration par laquelle il s’engageait à ne rien publier sur les médias sociaux et à ne pas participer à des événements sociaux jusqu’à ce que la décision de justice soit considérée comme finale, après le jugement en appel. Il risque encore d’être détenu arbitrairement. L’Arabie saoudite a à plusieurs reprises poursuivi des militants des droits humains en toute impunité et l’ACPRA est la cible principale de la répression menée par les autorités. Cette organisation, fondée en octobre 2009, s’est attiré les foudres du gouvernement en dénonçant des violations des droits fondamentaux et en aidant les familles de personnes détenues sans inculpation à engager des poursuites contre les autorités. Depuis sa création, une bonne partie de ses membres fondateurs ont été emprisonnés. « La persécution de l’ACPRA et de ses membres par le gouvernement démontre le mépris total de ce dernier pour les droits fondamentaux. Au lieu de sanctionner les militants, les autorités devraient faire face de manière constructive aux critiques qu’ils expriment à propos du bilan du gouvernement en matière de droits humains et des errances du système judiciaire. Elles devraient travailler avec eux pour mener à bien leurs engagements et réformer en profondeur le système judiciaire saoudien », a affirmé Saïd Boumedouha. « La condamnation et la peine injustes prononcées contre Fowzan al Harbi, qui l’empêchent non seulement d’écrire à travers des médias quels qu’ils soient mais aussi de participer à des événements sociaux, sont destinées à servir d’avertissement pour les autres militants en leur montrant que la dissidence, la liberté d’expression et la critique de l’injustice n’ont pas leur place en Arabie saoudite. » Complément d’information Une enquête avait été ouverte sur Fowzan al Harbi le 11 mai 2013 par le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires. Son procès a débuté le 4 décembre 2013. Il devait répondre de chefs d’accusation tels que : « incitation à la désobéissance envers le dirigeant en lançant des appels à manifester », « signature de documents incitant l’opinion publique à se retourner contre les autorités » ou encore « description de l’Arabie saoudite comme étant un “État policier” ». Il était également jugé pour avoir « accusé le système judiciaire d’être incapable de rendre la justice » et « cofondé une organisation non agréée » (qui serait l’ACPRA), et pour n’avoir « tenu aucun compte des décisions judiciaires ordonnant sa dissolution ». Il est pour l’instant le dernier membre de l’ACPRA à avoir été condamné par le gouvernement saoudien pour des chefs d’accusation semblables. Le 9 mars 2013, deux cofondateurs de l’ACPRA, Abdullah al Hamid et Mohammad al Qahtani, avaient été condamnés respectivement à des peines de 10 et 11 ans d’emprisonnement, assorties d’une interdiction de voyager subséquente pour les mêmes durées. Le tribunal avait également ordonné la dissolution de l’ACPRA, la confiscation de ses biens et la fermeture de ses comptes sur les réseaux sociaux. Un autre membre fondateur de l’organisation, Issa al Hamid, le frère d’Abdullah al Hamid, comparaît actuellement devant un tribunal pénal à Buraydah, au nord de Riyadh, pour des chefs d’accusation similaires. Un troisième frère, Abdulrahman al Hamid, a été arrêté le 15 avril 2014. Il a dans un premier temps été détenu au secret avant d’être transféré à la prison d’al Qassim, à Buraydah, où il est actuellement maintenu en détention sans inculpation ni jugement. Le plus jeune membre de l’ACPRA, Omar al Said (22 ans), a été condamné le 12 décembre 2013 à quatre ans d’emprisonnement et à 300 coups de fouet par un tribunal pénal siégeant à Buraydah. Il s’est aussi vu infliger une interdiction de voyager pendant quatre ans, qui s’appliquera à sa sortie de prison. Dernier membre fondateur de l’ACPRA, outre Issa al Hamid, à n’avoir pas encore été condamné et emprisonné, Abdulaziz al Shubaily a été plusieurs fois convoqué au Bureau général des enquêtes et des poursuites judiciaires. Il est à craindre que ces deux hommes soient bientôt condamnés à de longues peines de prison.