La Libye doit immédiatement remettre Saif al Islam Kadhafi à la CPI

Les autorités libyennes doivent immédiatement livrer Saif al Islam Kadhafi à la Cour pénale internationale (CPI) afin qu’il soit jugé pour crimes contre l’humanité, a déclaré Amnesty International après que la Cour a décidé d’engager des poursuites contre lui. Les quatre motifs de recours présentés par le gouvernement libyen ont été rejetés à la majorité par la chambre d’appel de la CPI mercredi 21 mai, qui a confirmé une décision précédemment rendue par la section préliminaire, selon laquelle Saif al Islam Kadhafi doit être jugé par la CPI. Les raisons de ce refus incluent l’incapacité du gouvernement à prouver que cet homme ferait essentiellement l’objet des mêmes poursuites en Libye que devant la CPI. « La décision de la chambre d’appel de la CPI est un pas en avant crucial vers la justice pour les victimes des crimes contre l’humanité commis durant le soulèvement libyen en 2011 et le conflit armé qui s’en est suivi. Les autorités libyennes doivent immédiatement remettre Saif al Islam Kadhafi à la CPI afin que son procès puisse enfin s’ouvrir », a déclaré Solomon Sacco, juriste à Amnesty International. « La Libye a jusqu’à présent refusé de le livrer à la CPI. Si elle continue ainsi, la communauté internationale – en particulier le Conseil de sécurité des Nations unies, qui a saisi le procureur de la CPI de la situation en Libye – devra exiger que la Libye respecte ses obligations légales. » Amnesty International demande aux autorités libyennes de coopérer pleinement avec la CPI afin de garantir que les audiences soient retransmises au peuple libyen et que les victimes puissent excercer leur droit de participer à la procédure et de demander réparation. Les autorités libyennes doivent prendre toutes les mesures en leur pouvoir afin de reconstruire un système de justice efficace qui respecte et protège le droit de tous les suspects à un procès équitable. Elles doivent par ailleurs abolir la peine de mort. Face à la détérioration de la situation en matière de sécurité, Amnesty International demande à la communauté internationale de renforcer son soutien aux autorités libyennes dans le cadre de l’établissement de l’état de droit. Stephanie Barbour, responsable du Centre d’Amnesty International pour la Justice internationale, était présente lorsque l’arrêt a été prononcé, et est disponible pour répondre aux demandes de renseignements (à La Haye), ainsi que le sont Tawanda Hondora (à Johannesburg), Solomon Sacco (à Londres) et Jonathan Donohue (en Australie). Complément d’information Saif al Islam Kadhafi est accusé par la CPI d’avoir commis des crimes contre l’humanité en 2011, dans le cadre des tentatives visant à étouffer le soulèvement contre le gouvernement de son père, le colonel Mouammar Kadhafi, entre le 15 et le 28 février au moins. En Libye, il est inculpé d’une série d’infractions en relation avec ses incitations ou ordres présumés ayant mené aux crimes perpétrés pendant les troubles civils, qui ont commencé le 15 février 2011, et le conflit armé qui s’en est suivi. Les charges incluent entre autres des bombardements aveugles, l’utilisation d’armes à feu contre des manifestants, des actes de vandalisme, des pillages et des homicides. Certaines de ces charges sont passibles de la peine de mort en vertu du droit libyen – un châtiment auquel Amnesty International est opposée en toutes circonstances et qu’elle estime cruel, inhumain et dégradant. L’organisation considère en outre que la Libye n’est pas en mesure de garantir que Saif al Islam Gaddafi bénéficie d’un procès équitable et pense donc qu’il doit être jugé par la CPI. Amnesty International craint que la grave situation du pays en matière de sécurité ne menace le fonctionnement de la justice. Saif al Islam Kadhafi est détenu par la brigade Abu Baker al Siddiq, dans la ville de Zintan, depuis novembre 2011 et ses droits n’ont pas été respectés. Cette milice refuse de le remettre au gouvernement. Il est maintenu à l’isolement et a été empêché de consulter un avocat pendant les 21 premiers mois de son incarcération. Il a subi un interrogatoire sans la présence d’un avocat, ce qui est contraire au Code libyen de procédure pénale, et n’a pas été amené à une seule des séances de la chambre d’accusation au cours de la phase ayant précédé le procès, entre le 19 septembre et le 24 octobre 2013. Il est actuellement privé de l’aide d’un avocat dans le cadre de son procès en cours à Tripoli. Le 14 novembre 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déterminé que la détention de Saif al Islam Kadhafi à Zintan était arbitraire, et a demandé au gouvernement libyen de prendre des mesures afin de mettre un terme aux poursuites engagées contre lui, ainsi qu’à sa détention au titre de ces poursuites. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a également demandé à la Libye de garantir qu’il puisse consulter un avocat de son choix et de se garder de lancer des procédures susceptibles de lui causer des préjudices irréparables. Les craintes d’Amnesty International sont exacerbées par de récents changements apportés au droit libyen afin de permettre l’utilisation de moyens de communication modernes pour établir le lien entre un accusé et la salle d’audiences lorsque l’on craint pour sa sécurité ou qu’il existe un risque d’évasion. Le 14 avril, un tribunal de Tripoli a ordonné que Saif al Islam Kadhafi soit jugé par liaison vidéo, de même que d’autres accusés dans cette affaire. Amnesty International estime que la comparution par vidéoconférence de Saif al Islam Kadhafi porte non seulement atteinte à son droit d’être présent à son propre procès mais restreint par ailleurs la possibilité pour le juge d’évaluer la manière dont il est traité en détention, et souligne l’incapacité du tribunal à exercer son autorité sur lui.