Côte d’Ivoire. Le transfert à la CPI de l’ancien chef d’une milice est une première étape vers la justice

La décision prise jeudi 20 mars par la Côte d’Ivoire de remettre Charles Blé Goudé, ancien chef de milice accusé de crimes contre l’humanité, à la Cour pénale internationale (CPI) est une étape décisive vers l’obtention de la justice pour les victimes des graves crimes commis après les élections il y a trois ans, a déclaré Amnesty International. « Ce cas nous préoccupe depuis plus d’un an. Les autorités ivoiriennes doivent livrer Charles Blé Goudé à la CPI dans les meilleurs délais, comme elles s’y sont engagées, et donner ainsi espoir à un certain nombre de victimes des violences qui se sont abattues sur la Côte d’Ivoire pendant six mois en 2010 et 2011 », a déclaré Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Droit et stratégie politique d’Amnesty International. Le fait que les autorités aient tardé à remettre Charles Blé Goudé à la CPI est cependant source d’inquiétudes. Il a été incarcéré dans un lieu de détention illégal sans pouvoir consulter son avocat pendant plus d’un an après son extradition du Ghana vers la Côte d’Ivoire. » En janvier, Amnesty International a attiré l’attention sur le fait que Charles Blé Goudé était détenu dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire, qui dépend du ministère de l’Intérieur, où il a été établi que des partisans de l’ancien président, Laurent Gbagbo, ont été détenus au secret et torturés. Les autorités ivoiriennes doivent s’assurer que les droits de ce suspect sont respectés pendant son transfert vers La Haye. Amnesty International exhorte la Côte d’Ivoire à remettre immédiatement Simone Gbagbo, l’ancienne Première dame du pays, à la CPI, qui la recherche pour crimes contre l’humanité. Les autorités ivoiriennes ont contesté la requête de la CPI en ce sens et Simone Gbagbo se trouve toujours en détention. Complément d’information Charles Blé Goudé a été incarcéré illégalement en Côte d’Ivoire sans pouvoir s’entretenir avec un avocat et sans que les droits de la défense aient été respectés. Près de trois ans après la fin de la crise post-électorale qui a fait près de 3 000 morts, des partisans avérés ou présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo continuent à être victimes de violations des droits humains, telles que des détentions prolongées sans jugement et la privation de contacts avec leurs avocats et leur famille. Ces deux dernières années, Amnesty International a recensé des centaines de cas de personnes maintenues en détention pendant des mois sans pouvoir communiquer avec leurs proches ni leurs avocats, du fait de leur soutien réel ou supposé à l’ancien président Gbagbo. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, l’armée nationale) et la police militaire ont été responsables de nombreuses violations des droits humains, après avoir arrêté et détenu des personnes souvent en raison de leurs origines ethniques ou de leurs affiliations politiques. Ces actes ont été rendus possibles par l’utilisation de lieux de détention informels, où des personnes soupçonnées d’atteintes à la sécurité de l’État ont été détenues au secret, parfois pendant de longues périodes et dans des conditions inhumaines et dégradantes. Beaucoup ont été torturées et certaines ont été relâchées moyennant le paiement d’une rançon. Les enquêtes criminelles en cours dont Amnesty International a connaissance visent uniquement des sympathisants de Laurent Gbagbo. L’organisation n’a trouvé aucun élément attestant que des enquêtes dignes de ce nom ont été ouvertes sur les forces de sécurité et les graves violations qu’elles auraient commises après les élections. L’ancien président Laurent Gbagbo a été remis à la CPI à La Haye en novembre 2011. Il est poursuivi pour crimes contre l’humanité. Une décision sur ces charges doit être prononcée cette année.