Pakistan. Il faut enquêter sur la disparition d’un militant anti-drone, survenue à la veille de son voyage en Europe

Les autorités pakistanaises doivent immédiatement identifier le lieu où se trouve un militant anti-drone, qui a disparu quelques jours avant de se rendre en Europe pour témoigner devant le Parlement européen, a déclaré Amnesty International. D’après des témoins, plus d’une dizaine d’hommes, certains portant l’uniforme de la police, d’autres en civil, ont fait irruption chez Kareem Khan et l’ont emmené avec eux le 5 février, au petit matin. « Nous craignons que cet éminent défenseur des droits humains n’ait été victime d’une disparition forcée pour qu’il ne puisse pas s’exprimer à l’étranger au sujet des attaques de drones américains au Pakistan », a déclaré Isabelle Arradon, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Le frère et le fils de cet homme ont été tués lors d’une attaque de drones américains en décembre 2009. Kareem Khan a saisi la justice pakistanaise pour que les membres de l’Agence centrale du renseignement (CIA) américaine soient poursuivis pour ces meurtres. Il a également intenté une procédure contre le gouvernement pakistanais qui n’a, selon lui, pas enquêté efficacement sur les circonstances de la mort de son fils et de son frère. « La disparition de Kareem Khan confirme une tendance inquiétante au Pakistan, où celles et ceux qui osent parler en public des atteintes aux droits fondamentaux commises dans le pays sont pris pour cible, et laisse craindre que le pays ne soit toujours complice du programme américain de drones », a déclaré Isabelle Arradon. Les autorités de police ont nié toute implication dans la disparition de Kareem Khan. Cet homme n’a pas non plus été inculpé. Cependant, sa disparition ressemble beaucoup à d’autres cas de disparitions forcées dont ont été victimes des militants pacifiques et des personnes soupçonnées d’actes terroristes au Pakistan, et sur lesquels Amnesty International a rassemblé des informations. « Au lieu de réduire au silence les militants pacifiques, le Pakistan doit mener des enquêtes dignes de confiance pour savoir qui est à l’origine de la disparition de Kareem Khan, et veiller à ce que les suspects soient jugés à l’issue de procès équitables excluant le recours à la peine de mort, a déclaré Isabelle Arradon. « Les autorités pakistanaises et celles d’autres pays concernés, notamment des États-Unis, doivent également faire en sorte que les victimes d’attaques de drones américains aient accès à la justice et obtiennent des réparations. Elles doivent rendre publiques les informations qu’elles détiennent sur les programmes secrets. » Amnesty International demande instamment à ce que toutes les personnes victimes de disparition forcée ou maintenues en détention secrète ou arbitraire soient relâchées, à moins qu’elles ne soient inculpées d’une infraction dûment reconnue par la loi et jugées dans les meilleurs délais dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité des procès. Les individus soupçonnés d’être responsables de disparitions forcées et contre lesquels il existe des preuves recevables suffisantes doivent être traduits en justice et jugés à l’issue d’un procès conforme aux normes d’équité et excluant le recours à la peine capitale. Note aux rédacteurs En octobre 2013, Amnesty International a publié un rapport intitulé Will I be next? US drone strikes in Pakistan. Il s’agit de l’une des études les plus exhaustives réalisées à ce jour sur le programme américain de drones, vu sous l’angle des droits humains. L’organisation y fait part de ses préoccupations au sujet de ce programme au Pakistan, qui ne fait l’objet de quasiment aucun contrôle, mais qui est responsable de plusieurs dizaines de morts, voire davantage, parmi la population civile, y compris des enfants et des personnes âgées. En public, le gouvernement pakistanais soutient qu’il est opposé au programme de drones américain. Il semble néanmoins que des responsables et des institutions au Pakistan et dans d’autres pays dont l’Australie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, aident les États-Unis à mener, avec ces appareils, des attaques qui constituent des violations des droits humains.